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sourd à qui Notre Seigneur ouvrit les oreilles en crachant et en disant : « Effet, ouvrez-vous[1]. »

105. À propos de ce miracle des sept pains, raconté par deux évangélistes, saint Matthieu et saint Marc, il ne sera pas inutile de faire observer, que si l’un d’eux en avait parlé sans avoir rien dit de celui des cinq pains, on le croirait en opposition avec les autres. Aussi bien qui n’aurait pas alors l’idée qu’il s’agit d’un seul et même fait, rapporté d’une manière inexacte soit par un des évangélistes, soit par les trois autres, soit par tous en même temps ? Qui ne croirait que celui-ci a dit sept pains au lieu de cinq, ou ceux-là cinq au lieu de sept, ou enfin que tous ensemble ont voulu tromper ou ont été trompés par une mémoire infidèle ? pour le nombre des corbeilles, les uns en comptant douze et l’autre sept, on estimerait aussi qu’il y a contradiction ; on ferait de même pour le nombre des hommes qui, suivant les uns, serait de cinq mille et suivant l’autre de quatre mille. Mais, comme les évangélistes qui ont rapporté ce miracle des sept pains n’ont p as omis celui des cinq pains, il ne peut y avoir de difficulté, et tout le monde comprend qu’il s’agit d’un double miracle. Nous faisons cette remarque, afin que si l’on trouve ailleurs, entre deux évangélistes, et pour certains faits de la vie du Sauveur, la même apparence de contradiction et qu’il soit également impossible de la faire disparaître, on comprenne qu’il s’agit alors de deux choses distinctes, dont chacune est rapportée séparément par un des écrivains sacrés. C’est ce que nous avons déjà dit plus haut, quand il a été question des groupes de cinquante et de cent personnes, parce que là aussi nous pourrions croire opposés l’un à l’autre les évangélistes, si l’un en faisant mention des groupes de cent, ne parlait encore des groupes de cinquante[2].


CHAPITRE LI. LE PROPHÈTE JONAS.

106. Saint Matthieu dit ensuite : « Après cela Jésus ayant renvoyé le peuple monta sur une barque et vint au pays de Magédan », et le reste, jusqu’à l’endroit où nous lisons : « Cette nation corrompue et adultère demande un prodige, et il ne lui en sera point donné d’autre que celui du prophète Jonas[3]. C’est une réponse que déjà nous avons trouvée dans le texte du même saint Matthieu[4]. Il faut donc rappeler de plus en plus que Notre-Seigneur a souvent redit les mêmes choses, et que si certaine circonstance est tellement opposée à une autre, c’est qu’il s’agit d’une pensée exprimée plusieurs fois. Saint Marc suit le même ordre ; et, après avoir parlé du miracle des sept pains, lui aussi rapporte ce que dit ici saint Matthieu. Il est vrai que dans ce dernier nous lisons Magédan et non Dalmanutha, comme dans quelques exemplaires de saint Marc[5]. Mais il ne faut pas douter que les deux noms désignent le même lieu ; puisque la plupart des exemplaires de saint Matthieu ne portent que Magédan. Si dans la réponse du Sauveur à ceux qui lui demandaient un prodige dans le ciel, saint Marc ne parle pas de Jonas, comme saint Matthieu ; s’il dit simplement : « Il ne lui sera point donné de prodige ; » à il n’y a pas là non plus matière à difficulté ; car il s’agit d’un prodige tel qu’on le demandait, c’est-à-dire un prodige dans le ciel ; et ce qui regarde Jonas, n’est qu’une omission.

CHAPITRE LII. LEVAIN DES PHARISIENS.

107. Saint Matthieu continue ainsi : « Et les laissant là il s’en alla. Or ses disciples, étant passés à l’autre bord du lac, avaient oublié de prendre des pains. Jésus leur dit : Gardez-vous du levain des Pharisiens et des Sadducéens », et le reste, jusqu’à ces mots : « Alors ils comprirent que Jésus ne leur avait pas dit de se garder du levain qui entre dans le pain, mais de la doctrine des Pharisiens et des Sadducéens[6]. » Le texte de saint Marc nous offre le même récit dans le même ordre[7].

CHAPITRE LIII. CONFESSION DE SAINT PIERRE.

108. Saint Matthieu poursuit ainsi : « Or Jésus vint aux environs de Césarée de Philippe ; et il demanda à ses disciples : Que disent les hommes du Fils de l’homme ? Et les disciples lui répondirent : Les uns disent que c’est Jean-Baptiste ; les autres, Élie ; les autres, Jérémie ou quelqu’un des prophètes ; » et le

  1. Mrc. 7, 31 ; 8, 9
  2. Ci-dessus, ch. 46.
  3. Mat. 15, 39 ; 16, 4
  4. Mat. 12, 39
  5. Mrc. 8, 10-12
  6. Mat. 16, 5-12
  7. Mrc. 8, 13-21