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Christ d’un signe dans le ciel, mais sans relater alors la réponse du Seigneur ; il ne la rapporte que plus tard, quand le peuple est réuni autour de Jésus ; et il donne à comprendre que là se trouvaient ceux qui précédemment, demandaient à Jésus un signe dans le ciel ; il rattache même cette réponse à ce qu’il dit de cette femme qui s’est écriée devant le Seigneur : « Heureux le sein qui vous a porté. » Cette femme à son tour intervient à la suite du discours où le Sauveur a parlé de l’esprit immonde, qui après être sorti d’un homme y revient et trouve la maison nettoyée et parée. Or quand, après avoir parlé de cette femme, l’Évangéliste a rapporté la réponse que Jésus fit à la foule en faisant intervenir la comparaison du prophète Jonas, sur le signe qu’elle désirait voir dans le ciel, il continue le discours du Seigneur et rapporte ce qu’il dit de la reine du Midi et des Ninivites. Ainsi au lieu d’omettre rien de ce que relate saint Matthieu, il dit plus que lui. Qui ne voit du reste qu’il serait inutile de demander dans quel ordre le Sauveur a dit tout cela, quand nous devons apprendre, par l’autorité suréminente des Évangélistes, qu’il n’y a pas de mensonge à rapporter les pensées d’un discours quelconque dans un ordre différent de celui où elles ont été exposées, l’ordre, quel qu’il soit, ne changeant rien au fond ? De plus, saint Luc permet de croire que ce discours fut plus long dans la bouche du Seigneur, et il y a inséré des pensées semblables à celles que nous a présentées saint Matthieu en reproduisant le discours prononcé sur la montagne[1] ; ce qui nous fait comprendre que ces pensées ont été exprimées dans l’une et l’autre circonstance. Saint Luc, après ce discours, passe à un autre sujet ; mais on ne voit pas s’il suit l’enchaînement des faits, car voici ce qu’il dit ensuite : « Pendant que Jésus parlait, un Pharisien le pria de dîner chez lui. » L’Évangéliste ne dit pas : Comme il parlait ainsi ; mais : « Pendant qu’il parlait. » S’il avait dit : Pendant qu’il parlait ainsi, on devrait croire que ces actes du Sauveur se sont succédé dans l’ordre où son récit les présente.

CHAPITRE XL. LA MÈRE ET LES FRÈRES DE JÉSUS.

87. Saint Matthieu continue : « Comme il parlait encore au peuple, sa mère et ses frères étaient dehors cherchant à lui parler ; » et le reste, jusqu’à cet endroit : « Quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, ma sœur et ma mère[2]. » Sans aucun doute nous devons voir ici la suite de ce qui précède. Car le texte commence ainsi : « Tandis que Jésus parlait encore au peuple. » Que signifie ce mot : « encore », sinon la fin du discours qui vient d’être rapporté ? Il n’est pas dit en effet : Tandis qu’il parlait au peuple, sa mère et ses frères, mais : « Tandis qu’il parlait encore au – peuple ; » c’est-à-dire, évidemment, tandis qu’il lui disait ce qui vient d’être rappelé. Car après avoir rapporté les paroles de Jésus-Christ louchant le blasphème contre l’Esprit-Saint, saint Marc ajoute aussitôt : « Cependant arrivent sa mère et ses frères ; » il omet ainsi plusieurs passages que rapporte saint Matthieu dans le discours du Seigneur, et ceux que saint Luc ajoute encore au texte de saint Matthieu[3]. Sans égard à l’ordre des événements et saisissant le fait quand son souvenir le lui présente, saint Luc de son côté anticipe le récit de ce qui est relatif à la mère et aux frères de Jésus, il le place de telle façon qu’on ne le voit lié ni à ce qui précède ni à ce qui suit.: En effet, c’est après l’exposition de quelques paraboles du Sauveur, que ce fait lui revenant à la mémoire il écrit : « Or, sa mère et ses frères vinrent le trouver, et ils ne pouvaient pénétrer jusqu’à lui, à cause de la foule du peuple ; » ce n’est pas marquer le temps où ils vinrent. Puis le même saint Lire passant à un autre objet, s’exprime ainsi : « Un certain jour, il monta dans une barque, avec ses disciples. » Là encore, quand il dit : « Un certain jour », il montre suffisamment que rien n’oblige à penser que ce fut le jour où arriva ce qu’on vient de lire, ni le jour suivant. Donc en racontant ce qui a rapport à la mère et aux frères de Jésus, saint Matthieu ne contredit les deux autres évangélistes ni pour les paroles du Seigneur ni pour l’ordre des événements.


CHAPITRE XLI. LES HUIT PARABOLES.

88. Saint Matthieu continue ainsi : « En ce jour-là Jésus étant sorti de la maison s’assit sur le bord de la mer. Et il s’assembla près de lui une si grande multitude qu’il monta dans une barque, il s’y assit et le peuple resta sur le rivage.

  1. Mat. 5-7
  2. Mat. 12, 46-60
  3. Mrc. 3, 31-36