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périssons. » Que saint Matthieu leur fasse dire ensuite, quand la tempête fut apaisée : « Quel est celui-ci, puisque les vents et la mer lui obéissent ? » et saint Marc : « Qui, pensez-vous, « est celui-ci, puisque les vents et la mer lui obéissent ? » et saint Luc : « Qui, pensez-vous, est celui-ci, qui commande aux vents et à la mer et qui s’en fait obéir ? » tout le monde ne voit-il pas dans les trois textes un seul et même sens ? « Qui, pensez-vous, est celui-ci » et « quel est celui-ci », sont des exclamations tout à fait semblables ; et si l’idée de commandement n’est pas formellement exprimée dans saint Matthieu ni dans saint Marc, elle se révèle par une conséquence nécessaire ; car obéir c’est exécuter un commandement.

56. Mais d’après saint Matthieu il y avait deux hommes possédés de cette légion infernale à laquelle il fut permis d’entrer dans les pourceaux ; tandis que saint Marc et saint Luc ne parlent que d’un seul. Comprenons que l’un des deux était un personnage plus fameux et plus renommé, dont le pays déplorait extrêmement le malheur, et au salut duquel chacun s’intéressait beaucoup. Pour faire connaître cette circonstance saint Marc et saint Luc auront jugé à propos de ne, faire mention que de celui des deux malades dont on parlait davantage et bien plus au soin. Si les paroles des démons se trouvent encore diversement rapportées par les évangélistes, il n’y a pas non plus matière à difficulté, car elles peuvent être dans chaque récit ramenées au même sens ; il est même permis d’admettre que toutes ont été prononcées. Il ne faut pas se préoccuper de ce que, d’après saint Matthieu, le possédé parle au pluriel, et au singulier d’après saint Marc et saint Luc. Car ces derniers nous disent eux-mêmes qu’interrogé par le Sauveur il déclara s’appeler légion, parce qu’il y avait avec lui un grand nombre de démons. Enfin si saint Marc dit que les pourceaux paissaient aux environs de la montagne, et saint Luc sur la montagne, il n’y a pas non plus contradiction. Le troupeau était considérable ; au rapport de saint Marc ; il comprenait jusqu’à deux mille pourceaux. Une partie alors était sur, la montagne et une autre dans la plaine environnante.


CHAPITRE XXV. PARALYTIQUE GUÉRI.

57. On lit donc ensuite dans saint Matthieu, qui en cet endroit continue à garder l’ordre des temps : « Jésus montant sur une barque repassa le lac et vint dans sa cité. Et voilà qu’on lui présenta un paralytique », et le reste, jusqu’à ces mots. « Or le peuple, témoin du fait, fut rempli de crainte et rendit gloire à Dieu de ce qu’il avait donné unetelle puissance aux hommes[1]. » Saint Marc et saint Luc ont également raconté l’histoire de ce paralytique. Si le Seigneur, d’après saint Matthieu, dit : « Aie confiance, mon fils, tes péchés te sont remis », et si d’après saint Luc, au lieu de dire : mon fils, il dit ô homme », c’est pour faire mieux ressortir sa pensée, car c’était à l’homme qu’il remettait les péchés, et cet homme ne pouvait dire comme homme : Je n’ai point péché ; c’était aussi pour faire entendre que celui qui remettait les péchés à cet homme était Dieu même. Saint Marc a écrit comme saint Matthieu : « Mon fils, tes péchés te sont remis ; » mais on ne trouve pas dans son récit : « Aie confiance. » Il se peut encore que le Seigneur ait dit en même temps Aie confiance, ô homme ; tes péchés te sont remis, mon fils ; ou bien : Aie confiance, mon fils ; tes péchés te sont remis, ô homme ; ou enfin que ses paroles se soient suivies autrement.

58. Mais voici certainement matière à une difficulté. Au sujet du paralytique, nous lisons dans saint Matthieu : « Jésus montant sur une barque repassa le lac et vint dans sa cité. Et voilà qu’on lui présenta un paralytique couché sur un lit. » Si par la cité de Jésus on doit entendre Nazareth, d’après saint Marc, cependant, le fait dont il s’agit eut lieu à Capharnaüm. « Après quelques jours, dit-il, Jésus revint à Capharnaüm ; et quand on eut appris qu’il était dans la maison, il s’y assembla une telle quantité de monde, que l’espace même en dehors de la porte ne pouvait contenir la multitude, et il leur prêchait la parole de Dieu. Alors on vint lui amener un paralytique qui était porté par quatre hommes. Et comme ils ne pouvaient le lui présenter à cause de la foule, ils découvrirent le toit à l’endroit où il était ; et par l’ouverture ils descendirent le lit sur lequel le paralytique était couché. Or Jésus, voyant leur foi, », etc.[2]. Saint Luc ne parle pas du lieu de l’événement : « Un jour, dit-il, comme Jésus était assis pour enseigner, étaient assis aussi des Pharisiens et des docteurs de la loi, venus de tous les villages

  1. Mat. 9, 1-8
  2. Mrc. 2, 1-12