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dix-sept, qui marque une rémission complète et un entier oubli de tous les péchés. Notre Seigneur a déclaré lui-même d’une manière évidente la mystérieuse signification de ce nombre, en disant qu’il faut pardonner les offenses, non pas sept fois, mais soixante-dix-sept fois[1].

13. On verra, du reste, si l’on veut y regarder de plus près, que le rapport de ce nombre avec la rémission de tout péché n’est pas sans fondement. Car le nombre dix apparaît, dans les dix préceptes de la Loi, comme étant celui de la justice et de la sainteté. Or, le péché est la transgression de la loi ; et certainement la transgression d’une loi qui se compose de dix préceptes est convenablement figurée par le nombre onze : de là, l’ordre de faire onze couvertures de crin ou cilices pour le tabernacle[2] ; qui peut, en effet, douter que le cilice ait une signification relative au péché ? Ainsi, parce que toute la suite du temps se divise en semaines ou espaces de sept jours, c’est avec raison que le nombre soixante-dix-sept, produit de sept fois onze, exprime la masse de tous les péchés. Mais nous voyons aussi dans le même nombre la rémission pleine et entière des péchés : car la chair de notre pontife, à qui ce nombre commence, dans le récit de saint Luc, nous purifie de nos souillures, et Dieu, à qui il se termine, nous reçoit en grâce par l’Esprit-Saint. Et c’est au baptême de Jésus-Christ, baptême dont l’Évangéliste prend occasion pour faire son énumération, que l’Esprit-Saint apparut en forme de colombe[3].

CHAPITRE V. ACCORD DE SAINT MATTHIEU ET DE SAINT LUC AU SUJET DE LA CONCEPTION ET DES PREMIÈRES ANNÉES DE JÉSUS-CHRIST.

14. Après avoir fait le dénombrement des générations, saint Matthieu continue en ces termes : « Or voici de quelle sorte arriva la naissance de Jésus-Christ : Comme Marie sa mère, était fiancée à Joseph ; avant qu’ils eussent été ensemble, elle se trouva grosse ayant conçu de l’Esprit-Saint. » Il ne dit pas comment s’est opéré le mystère ; et saint Luc, après avoir parlé de la conception de Jean, l’expose ainsi : « Dans le sixième mois de la grossesse d’Élisabeth, l’ange Gabriel fut envoyé de Dieu en une ville de Galilée appelée Nazareth, à une Vierge qui a était fiancée, à un homme de la maison de David, nommé Joseph : et cette vierge s’appelait Marie. Et l’ange étant entré dans le lieu où elle était lui dit : Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous : vous êtes bénie entre toutes les femmes. Marie l’ayant vu fut troublée de ses paroles, et se demandait quelle pouvait être cette salutation. Et l’ange lui dit : Ne craignez pas, Marie, car vous avez trouvé grâce devant Dieu : voici que vous allez concevoir dans votre sein, et vous enfanterez un fils à qui vous donnerez le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé le Fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père : il régnera éternellement sur la maison de Jacob, et son règne n’aura point de fin. Alors Marie dit à l’ange : Comment cela se fera-t-il, car je ne connais point d’homme ? Et l’ange lui répondit : Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C’est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils de Dieu. » Et le reste, qui n’appartient plus à l’objet dont il s’agit présentement. Saint Matthieu, pour tout ce détail, a donc dit de Marie qu’« elle se trouva grosse, ayant conçu du Saint-Esprit » Mais quoique saint Luc ait exposé ce que ne raconte pas saint Matthieu, il n’existe nulle contradiction entre l’un et l’autre, puisque tous deux déclarent que Marie a conçu de l’Esprit-Saint ; on n’en peut voir non plus dans le silence que garde saint Luc sur ce qui vient ensuite dans le récit de saint Matthieu. Cet Évangéliste continue ainsi : « Joseph, son mari, étant juste, et ne voulant pas la déshonorer, résolut de la quitter secrètement. Mais comme il était dans cette pensée, un ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : Joseph, fils de David, ne crains point de prendre avec toi Marie ton épouse ; car ce qui est en elle est du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils à qui tu donneras le nom de Jésus, car ce sera lui qui sauvera son peuple en le délivrant de ses péchés. Or tout ceci s’est fait, pour accomplir ce que le Seigneur avait dit par le prophète en ces termes : Voici qu’une Vierge concevra et enfantera un fils, et il sera appelé Emmanuel, ce qui signifie : Dieu avec nous. Joseph s’étant donc éveillé fit ce que l’ange du Seigneur avait ordonné et prit son épouse avec lui. Et il ne l’avait point connue quand elle enfanta son fils premier-né, à qui il donna le

  1. Mat. 18, 22
  2. Exo. 26, 7
  3. Luc. 3, 23