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d’éclat et de beauté ; justifier le juste qui a servi si généreusement les intérêts d’un grand nombre. Et lui-même portera leurs iniquités. C’est pourquoi il aura en partage la « multitude des nations et distribuera les dépouilles des forts, parce qu’il a été livré à la mort et mis au nombre des scélérats ; parce qu’il a porté les péchés de beaucoup et qu’il a été livré à cause de leurs crimes. Réjouis-toi stérile qui n’enfantes pas ; sois transportée d’allégresse et pousse des cris de joie, toi qui n’as point d’enfants, parce que celle qui était abandonnée aura plus d’enfants que celle qui a un mari. Car, le Seigneur a dit : Prends un lieu plus vaste pour dresser tes tentes, n’épargne point l’espace dans la construction de ta demeure. Recule plus loin les cordeaux ; plante des pieux solides. Que ton héritage se dilate et se dilate encore, à droite et à gauche ; car ta postérité possédera les nations et tu habiteras les villes qui étaient abandonnées, Bannis toute crainte ; car tu prévaudras certainement ; et ne rougis pas d’avoir été jusqu’alors un objet de mépris et d’aversion. Aussi bien, tu oublieras pour toujours ta confusion et la honte de ton délaissement : parce que je suis le Seigneur qui t’ai créé ; le Seigneur est le nom de celui qui t’a rachetée ; et lui-même, le Dieu d’Israël, sera appelé le Dieu de toute la terre[1]. »

48. Que peut-on répondre à cette exposition de faits si clairement prédits et si fidèlement accomplis ? Si l’on pense que les disciples de Jésus-Christ ont eu recours au mensonge pour affirmer sa divinité, sera-t-il possible de révoquer en doute sa passion ? Les païens n’ont pas coutume de croire que Jésus-Christ est ressuscité : mais que les hommes lui aient fait endurer toutes ces souffrances qui sont le propre de notre humanité, ils le croient même volontiers, parce qu’ils veulent faire croire que Jésus-Christ n’est qu’un homme. Or, celui qui a été mené comme une brebis à l’immolation ; qui a été rangé parmi les scélérats ; qui a été blessé, meurtri à cause de nos crimes, et pour nous guérir ; celui dont la face a été méprisée, outragée, souffletée, souillée par les crachats ; qui a été défiguré, réduit à une horrible difformité sur la croix ; qui a été conduit à la mort par les iniquités du peuple d’Israël ; celui qui avait perdu tout éclat, toute beauté, quand on le frappait, quand on le couronnait d’épines et quand, sur son gibet, il était assailli de moqueries ; celui qui, semblable à un agneau muet sous la main qui le tond, n’a pas ouvert la bouche, lorsqu’on lui disait avec insulte : Christ devine[2] : Celui-là dis-je, est maintenant exalté, il reçoit maintenant les plus grands honneurs. Aujourd’hui, beaucoup de nations sont dans l’admiration à son sujet ; aujourd’hui les rois ont cessé d’ouvrir la bouche pour lancer contre les chrétiens de si cruels édits. Ils voient maintenant, ceux à qui les prophètes ne l’avaient point annoté ; ils comprennent maintenant, ceux qui n’avaient pas entendu parler de lui[3]. Les nations chez qui les prophètes n’avaient pas fait retentir leurs prédictions, sont celles qui voient le mieux toute la vérité de leurs oracles ; et ceux qui n’ont pas entendu la voix même d’Isaïe, comprennent dans ses écrits de quel personnage il a parlé. Même parmi les Juifs, qui donc croyait à la parole des prophètes ? à qui donc le bras du Seigneur, c’est-à-dire, le Christ annoncé par les prophètes, était-il révélé, quand, de leurs propres mains, ils commettaient sur la personne de Jésus-Christ tant de crimes prédits par ces prophètes dont ils possédaient les oracles[4] ? Maintenant enfin, il a reçu en héritage une prodigieuse multitude ; et il distribue les dépouilles des forts, quand il applique à fa construction de ses temples et aux différents besoins de l’Église, ce que tenaient en leur pouvoir le diable et les démons dont il a ruiné l’empire et démasqué l’imposture.

CHAPITRE XXXII. DOCTRINE DES APÔTRES CONTRE LE CULTE DES IDOLES JUSTIFIÉE PAR LES PROPHÉTIES.

49. Que disent à cela nos adversaires qui, en donnant ail Christ de perfides louanges, décrient avec tant d’acharnement les chrétiens ? Jésus-Christ a-t-il trouvé, dans les artifices de la magie, le moyen de faire annoncer tous ces événements par les prophètes si longtemps d’avance ; ou bien, les disciples en ont-ils à plaisir imaginé l’accomplissement ? Quoi donc ! si répandue aujourd’hui parmi les nations, l’Église, autrefois stérile, se réjouit de l’emporter, par le nombre de ses enfants, sur la synagogue qui dans la Loi ou dans la personne de son roi avait reçu un mari ; si elle élargit l’espace pour ses pavillons, s’établit chez tous les peuples, et s’impose à toutes les langues, de manière à reculer ses cordages bien

  1. Isa. 52, 13 ; LIII ; 54, 5
  2. Matt. 26-27 ; Marc, 14-15 ; Luc, 22-23 ; Jean, 18-19
  3. Rom. 15, 16-21
  4. Jn. 12, 37-38 ; Rom. 10, 16