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s’ils ne lui attribuent ce qu’ils avancent contre sa doctrine.

CHAPITRE XV. LES PAÏENS, OBLIGÉS DE LOUER JÉSUS-CHRIST, SE DÉCHAÎNENT CONTRE SES DISCIPLES.

23. Que dire de la conduite de ces hommes qui donnent à Jésus-Christ des éloges dérisoires et dénigrent par mille voies détournées la religion chrétienne ? Ils n’osent blasphémer le Christ, parce que certains de leurs philosophes, comme le rapporte dans ses livres Porphyre de Sicile, ayant consulté les dieux du paganisme et sollicité une réponse au sujet de ce personnage merveilleux, les dieux ne purent se défendre de faire son éloge dans les oracles qu’ils rendirent. Ce quine doit pas nous surprendre, puisque nous, lisons dans l’Évangile, que les démons confessaient le nom de Jésus-Christ[1]. Or, nous apprenons par la lecture des prophètes que les dieux des gentils ne sont autres que des démons[2]. Ces païens donc, pour ne point lutter contre les oracles de leurs dieux, s’abstiennent de maudire le Christ et ils reportent leurs malédictions sur ses disciples. Pour moi, il me semble que si les dieux des nations, consultés sur Jésus-Christ par les philosophes du paganisme, l’eussent été de même au sujet de ses disciples, ils se seraient vus contraints d’en faire aussi l’éloge.

CHAPITRE XVI. LES APÔTRES, EN PRÊCHANT LA DESTRUCTION DES IDOLES, NE SE SONT PAS ÉCARTÉS DE LA DOCTRINE DE JÉSUS ET DES PROPHÈTES.

24. Toutefois, ces hommes s’efforcent de persuader que ce n’est point la doctrine de Jésus-Christ, mais bien celle des disciples qui a déterminé le renversement des temples païens, l’abolition des sacrifices et la ruine des idoles : ils prétendent que les Apôtres n’ont pas gardé l’enseignement de leur maître. Ainsi, en honorant et en louant Jésus-Christ, ils veulent détruire la foi chrétienne, puisque c’est par les disciples de Jésus-Christ que le monde a connu ses actions et ses paroles, objets de la religion chrétienne, contre laquelle ce petit nombre de païens, déjà las du combat, s’obstinent néanmoins à murmurer quelques pitoyables objections. Mais s’ils ne veulent pas croire que la doctrine de Jésus-Christ est publiée par l’enseignement des Apôtres, nous les prions de lire les prophètes qui, non-seulement ont prescrit de détruire le faux culte des idoles, mais qui ont même annoncé que cette destruction se ferait dans les temps chrétiens. Si les prophètes ont menti, d’où vient que leurs prédictions se sont accomplies avec tant d’éclat ? Et s’ils ont dit vrai, pourquoi résister à de telles prédictions, marques infaillibles de la divinité de Celui dont ils étaient les interprètes ?

CHAPITRE XVII. CONTRE LES ROMAINS QUI ONT REFUSÉ LEUR CULTE AU SEUL DIEU D’ISRAËL.

25. Arrêtons-nous cependant à leur demander ce qu’ils pensent du Dieu d’Israël, et pourquoi ils ne l’ont pas relu pour l’adorer comme les dieux des autres nations assujetties par les Romains, surtout quand ils admettent la maxime que le sage doit adorer tous les dieux. Pourquoi donc ont-ils excepté le Dieu d’Israël ? Si ce Dieu a beaucoup de puissance, pourquoi est-il le seul qu’ils n’adorent pas ? Et si son pouvoir est nul ou peu étendu, comment se fait-il que presque partout les idoles sont renversées et lui seul adoré ? Ils ne pourront jamais se dégager du lien de cette question, ceux qui, en adorant des êtres qu’ils croient des divinités grandes ou petites, rejettent le seul qui a prévalu contre tous leurs dieux. S’il a une grande puissance, pourquoi a-t-on pensé qu’il ne fallait pas le reconnaître ? S’il n’a point ou n’a que peu de puissance, comment ce Dieu méprisé a-t-il fait de si grandes choses ? S’il est bon, pourquoi ne l’a-t-on pas admis au nombre des dieux qu’on appelle bons ? S’il est méchant, d’où vient que tant de dieux bons ne peuvent triompher de lui seul ? S’il est véridique, pourquoi repousser les préceptes qu’il impose ? Et s’il est menteur, comment ses oracles se trouvent-ils accomplis ?

CHAPITRE XVIII. LE DIEU DES HÉBREUX N’A PAS ÉTÉ REÇU DES ROMAINS PARCE QU’IL VEUT ÊTRE SEUL ADORÉ.

26. Enfin que l’on pense de lui ce qu’on voudra ; est-ce que les Romains n’ont pas cru qu’il y avait des dieux méchants et qu’il fallait aussi les adorer, puisqu’ils ont élevé des temples à la Paleur et à la Fièvre ? Est-ce qu’ils n’ont pas dit

  1. Luc. 4, 41
  2. Psa. 95, 6