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grand nombre les faits accomplis par Jésus-Christ, et, quant aux paroles du divin maître, s’étend davantage et avec plus de soin sur celles où il s’agit d’insinuer le mystère d’un seul Dieu en trois personnes, le bonheur de la vie éternelle, a eu l’intention de faire valoir dans son récit la vertu contemplative.

CHAPITRE VI. LES QUATRE ANIMAUX SYMBOLIQUES ET LES QUATRE ÉVANGÉLISTES.

9. Il me semble que, envoyant le symbole des quatre Évangélistes dans les quatre animaux de l’Apocalypse, ceux d’après lesquels le lion représente saint Matthieu, l’homme saint Marc, le bœuf saint Luc, et l’aigle saint Jean, ont plus probablement saisi la vérité, que ceux qui attribuent l’homme à saint Matthieu, l’aigle à saint Marc et le lion à saint Jean. Ceux-ci ont voulu trouver la raison de leur conjecture dans les premiers mots des Évangiles, non dans tout le dessein des Évangélistes, dont ils auraient dû se rendre compte avec plus d’exactitude. Mais il est beaucoup plus rationnel de reconnaître sous l’emblème du lion celui qui a surtout fait ressortir la royauté de Jésus-Christ. Nous en avons la preuve dans ces paroles de l’Apocalypse : « Le lion de la tribu de Juda est vainqueur,[1] » paroles qui nous présentent l’image du lion en même temps que le souvenir de la tribu dépositaire de l’autorité royale. De plus, c’est dans l’Évangile selon saint Matthieu qu’il est parlé des Mages venus d’Orient pour chercher et adorer le roi des Juifs, dont une étoile leur avait appris la naissance, ainsi que du roi Hérode qui redoute ce roi encore enfant et pour le mettre à mort fait mourir tant d’autres enfants[2]. Pour l’Évangéliste saint Luc, qu’il soit figuré par le bœuf, principale victime dit prêtre, personne n’en a douté. C’est par le prêtre Zacharie, en effet, que commence le récit dont il est l’auteur : c’est lui qui nous fait connaître la parenté de Marie et d’Élisabeth[3] : c’est lui qui nous montre les mystères du premier sacerdoce accompli dans la personne de Jésus-Christ enfant[4]. C’est dans son Évangile qu’un examen attentif peut découvrir tant d’autres choses par lesquelles on voit bien qu’il s’est appliqué à considérer Jésus-Christ comme prêtre. Saint Marc n’a voulu parler ni de l’origine royale ni de la parenté et de la consécration sacerdotale de Notre,-Seigneur ; toutefois comme on peut le voir, il s’est occupé des faits qui appartiennent à l’humanité de Jésus-Christ et paraît par conséquent n’avoir que l’homme pour emblème parmi ces quatre animaux. Or le lion, l’homme et le bœuf ont la terre pour séjour : aussi les trois Évangélistes dont nous venons de parler se sont appliqués principalement à retracer les œuvres sensibles de Jésus-Christ durant les jours de son apparition dans la chair, et à rappeler les préceptes qu’il a laissés, pour la conduite de la vie présente, aux hommes revêtus d’une chair mortelle. Au contraire saint Jean par un vol hardi, s’élève comme un aigle au-dessus des nuages de la faiblesse humaine, et contemple d’un regard très-ferme et très-perçant la lumière de l’immuable vérité.

CHAPITRE VII. MOTIF DE CET OUVRAGE. – POURQUOI JÉSUS N’A PAS LAISSÉ D’ÉCRITS.

10. Les quatre Évangélistes sont comme le noble et saint attelage du char sur lequel Notre-Seigneur a parcouru l’univers pour soumettre les peuples à la douceur de son joug et au fardeau léger de sa loi. Or, il est certains esprits qu’une fourberie pleine d’impiété ou une ignorance présomptueuse porte à les assaillir d’injustes reproches. Ils veulent les décréditer, ils veulent représenter comme peu dignes de confiance les récits que nous leur devons, quand, parle ministère de ces hommes, la religion chrétienne s’est répandue dans le monde avec tant de force et de fruit, que maintenant nos tristes adversaires osent à peine redire tout-bas entr’eux les misérables calomnies dont ils les poursuivent, arrêtés qu’ils sont devant la foi des nations et le zèle de tous les peuples. Néanmoins, comme il y a encore quelques personnes qu’ils retiennent dans l’infidélité par leurs disputes artificieuses, ou qu’ils troublent et déconcertent, autant que cela leur est possible, dans l’assentiment déjà donné aux vérités saintes ; comme d’ailleurs plusieurs de nos frères désirent savoir, soit pour avancer leur propre instruction, soit pour confondre les vains discours des incrédules, ce qu’ils pourront bien répondre à leurs objections sans blesser la loi ; avec l’inspiration et l’aide du Seigneur notre Dieu (ah ! qu’il daigne faire servir nos paroles au salut même de ces infortunés) nous avons entrepris de démontrer dans cet ouvrage la fourberie ou la

  1. Apo. 5, 5
  2. Mat. 2, 1-18
  3. Luc. 1, 5-36
  4. Id. 2, 22-24