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partager les dépouilles de la beauté de la maison », comme s’il y avait : « C’est au bien-aimé de partager les dépouilles qui embelliront le palais », c’est-à-dire, de celui qui est bien-aimé quand il assigne les dépouilles en partage. Cette maison embellie, c’est l’Église qu’enrichit le Christ, quand il l’orne de dépouilles comme un corps est beau par la distribution proportionnée des membres. Or, on appelle dépouilles ce que l’on enlève à l’ennemi. L’Évangile nous en explique la nature, quand nous lisons : « Nul ne peut entrer dans la maison d’un homme fort, pour en enlever les dépouilles, sans avoir auparavant lié le fort[1] ». Le Christ a donc enchaîné le diable avec des liens spirituels, quand il a triomphé de la mort, et s’est élevé de l’abîme jusque dans les cieux ; il l’a enchaîné par le sacrement de son incarnation, puisqu’il a été permis au démon de le faire mourir, bien qu’il ne trouvât en lui rien qui fût digne de mort ; et c’est après l’avoir ainsi enchaîné, que le Christ lui a enlevé ses dépouilles. Il exerçait alors son pouvoir sur les enfants de la rébellion[2], dont l’infidélité servait ses desseins. Or, le Seigneur en purifiant ces vases par la rémission des péchés, et en sanctifiant ces dépouilles enlevées à l’ennemi terrassé et enchaîné, les a distribuées pour l’embellissement de son palais ; en faisant des uns des Apôtres, des autres des Prophètes, d’autres des pasteurs et des docteurs, pour les fonctions du ministère, et l’édification du corps du Christ[3]. « De même, en effet, que notre corps est un, bien qu’il ait plusieurs membres, et que tous ces membres, quoique nombreux, ne composent néanmoins qu’un seul corps : ainsi en est-il du Christ. Or, tous sont-ils Apôtres ? Tous sont-ils Prophètes ? Tous sont-ils des puissances ? Tous ont-ils le don de guérir ? Tous parlent-ils diverses langues ? Tous sont-ils interprètes ? Mais c’est le seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons, selon qu’il lui plaît[4] ». Telle est la beauté du palais auquel on distribue des dépouilles ; en sorte que celui qui l’aime s’exalte de cette beauté et s’écrie : « Seigneur, j’aime la richesse de votre maison[5] ».
17. Dans les versets qui vont suivre, le Prophète adresse la parole à ces mêmes membres qui font la beauté de l’édifice, et s’écrie : « Si vous vous endormez au milieu des héritages, ailes de la colombe argentée, et dont le cou est enrichi de reflets d’or et d’émeraude[6] ». Cherchons d’abord quel est l’ordre de ces paroles, et comment se termine la pensée ; car elle n’est point définie, puisqu’il est dit : « Si vous dormez ». Ensuite, quand il parle de ces « ailes argentées de la colombe », faut-il l’entendre au singulier, et dire, de cette aile, hujus pennae, ou au pluriel, ces ailes, hae pennae ? Mais le grec exclut absolument le singulier et emploie ici le pluriel. Cependant c’est encore une question incertaine, s’il faut lire, ces ailes, ou bien, ô ailes, comme si on leur adressait la parole. Ainsi donc, les paroles qui ont précédé, ont-elles donné l’achèvement à cette pensée, en sorte qu’elle soit ainsi réglée : « Le Seigneur donnera son Verbe à ceux qui évangéliseront avec une grande puissance, si vous dormez au milieu de l’héritage, ô vous, ailes de la colombe argentée » ? Ou bien trouve-t-elle son complément dans les paroles qui suivent, de cette manière : « Si vous dormez au milieu de l’héritage, les ailes de la colombe argentée deviendront blanches comme la neige du Selmon[7] ». C’est-à-dire que ces ailes blanchiront, si vous dormez au milieu de l’héritage ; en sorte qu’il adresserait la parole à ceux qui sont partagés comme des trophées pour l’ornementation du palais ; c’est-à-dire : Si vous dormez entre deux héritages, ô vous qui êtes distribués pour l’embellissement du palais, par la manifestation de l’Esprit, ainsi qu’il est nécessaire, en sorte qu’à l’un l’Esprit-Saint ait donné la parole de la sagesse, à l’autre la parole de la science selon le même Esprit, à celui-ci la foi, à cet autre le don de guérir dans le même Esprit, et le reste[8]. Si donc vous vous endormez au milieu de l’héritage, alors les ailes de la colombe argentée deviendront blanches comme la neige du Selmon. On peut encore l’entendre de cette manière « Si vous, ô ailes de la colombe argentée, dormez au milieu des héritages, ils blanchiront comme la neige du Selmon », c’est-à-dire les hommes qui recevront par la grâce la rémission de leurs péchés. Aussi est-il dit à propos de l’Église, au Cantique des cantiques : « Quelle est celle-ci qui s’élève dans sa

  1. Mt. 12,29
  2. Eph. 2,2
  3. Id. 4,11-12
  4. 1 Cor. 12,11-12.29-30
  5. Ps. 25,8
  6. Ps. 67,14
  7. Id. 15
  8. 1 Cor. 12,7-9