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l’appel de sa majesté et de sa miséricorde ; la terre a confessé Dieu, la terre a donné son fruit. Mais eût-elle donné son fruit, si déjà elle n’avait reçu la rosée ? La terre eût-elle donné son fruit, si la divine miséricorde n’était venue d’en haut ? Lisez-moi, diras-tu, quand la terre a reçu la rosée avant de produire ses fruits. Écoutez cette pluie du Seigneur : « Faites pénitence ; car le royaume de Dieu approche[1] ». Il a fait pleuvoir, et cette pluie est un tonnerre qui épouvante : craignez-le quand il tonne, et recevez sa pluie. Après cette voix de Dieu qui est tonnerre et pluie, après cette voix examinons ce passage de l’Évangile. Voilà une femme de mauvaises mœurs, mal famée dans la cité, qui se précipite dans une maison étrangère, où elle n’était point conviée, mais où l’appelait un convié, non par la parole, mais par la grâce. Cette malade savait qu’elle avait une place dans la maison où venait s’asseoir le médecin. Elle entre donc, cette pécheresse, mais elle n’ose aller qu’à ses pieds ; elle pleure, donc à ses pieds, les arrose de ses larmes, les essuie de ses cheveux, les oint d’un parfum[2]. Qu’y a-t-il d’étonnant pour toi ? « La terre a donné son fruit ». Voilà ce qui s’est accompli, sous la pluie qui tombait de la bouche du Seigneur : voilà des faits que nous lisons dans l’Évangile ; en tous les lieux où il a fait pleuvoir par ses nuées, en envoyant les Apôtres qui ont prêché la vérité. « La terre a produit des fruits abondants », et cette maison a rempli toute la terre.
9. Vois ce que dit ensuite le Prophète : « Que Dieu nous bénisse, le Seigneur notre Dieu ; que notre Dieu nous bénisse[3] ». « Qu’il nous bénisse », ainsi que je l’ai dit ; qu’il nous bénisse, et nous bénisse encore, que sa bénédiction soit un accroissement. Que votre charité veuille bien le voir : déjà la terre a produit son fruit en Jérusalem. C’est là le berceau de l’Église : c’est là qu’est venu l’Esprit-Saint, qu’il a rempli ceux qui habitaient en un même lieu ; là qu’ont éclaté les miracles, qu’on a parlé toutes les langues[4]. Ceux qui étaient là furent remplis de l’Esprit de Dieu et se convertirent ; en recevant avec crainte la pluie divine, ils ont donné par la confession un fruit si précieux, qu’ils mettaient leurs biens en commun, les distribuaient aux pauvres, eu sorte que nul ne revendiquait rien en propre, que tous les biens étaient communs, et qu’ils n’avaient qu’un cœur et qu’une âme en Dieu[5]. Le Seigneur leur avait donné, en effet, le sang qu’ils avaient répandu, il le leur avait donné avec son pardon, afin qu’ils apprissent à boire ce sang répandu par eux. Admirable fruit ! Oui, « la terre donna là son fruit », un fruit très beau, un fruit excellent. N’y a-t-il que cette terre pour avoir donné son fruit ? « Que le Seigneur nous bénisse, le Seigneur notre Dieu ; que Dieu nous bénisse ». Qu’il nous bénisse encore ; car le sens d’une bénédiction est surtout l’accroissement. Prouvons-le par la Genèse ; vois les œuvres de Dieu. Le Seigneur fit la lumière, et il sépara la lumière des ténèbres ; il appela jour la lumière, et nuit les ténèbres. Il n’est pas dit : Il bénit la lumière ; car c’est la même lumière qui reparaît dans l’alternative des jours et des nuits. Il appela ciel le firmament entre les eaux et les eaux ; il n’est pas dit qu’il bénit le ciel. Il sépara les eaux de l’aride, il donna le nom de terre à l’aride, et celui de mer aux eaux rassemblées ; il n’est pas dit non plus que Dieu les bénit. Il en vint ensuite aux êtres qui devaient avoir la fécondité de la reproduction et vivre dans les eaux. Ceux-ci, en effet, se multiplient d’une manière étonnante, et Dieu les bénit en disant : « Croissez et multipliez, remplissez les eaux de la mer, et que les oiseaux se multiplient sur la terre ». De même, quand il eut tout soumis à l’empire de l’homme, qu’il avait créé à son image, il est écrit : « Dieu les bénit en disant : « Croissez et multipliez, couvrez la face de la terre[6] ». Donc, l’effet propre de la bénédiction, est cette fécondité qui parvient à couvrir la surface de la terre. Écoute encore dans ce psaume : « Que Dieu nous bénisse, le Seigneur notre Dieu ; que Dieu nous bénisse ». Et quelle sera la force de cette bénédiction ? « Et qu’il soit révéré sur tous les confins de la terre ». Telle est donc, mes frères, la bénédiction féconde qui nous vient de Dieu, au nom de Jésus-Christ, qu’il a rempli de ses enfants la face de la terre, après les avoir adoptés pour son royaume comme les cohéritiers de son Fils unique. Il n’a engendré qu’un Fils unique, mais il n’a point voulu qu’il fût seul ; oui, dis-je, il n’a point voulu qu’il demeurât seul, ce Fils unique engendré par lui. Il lui a fait des frères, et lui a préparé des

  1. Mt. 3,2
  2. Lc. 7,37-38
  3. Ps. 66,7
  4. Act. 1,4
  5. Act. 4,32
  6. Gen. 1,1-28