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profession, de peur qu’en voyant tomber ceux dont il appréciait la vertu, il ne périsse lui-même par le scandale ; mais qu’il aime la loi de Dieu, et il aura une paix profonde sans aucun scandale, car il peut l’aimer en toute sûreté, puisqu’elle ne connaît point le péché, quelque pécheurs que soient ceux qui l’ont embrassée.
6. « J’attendais votre salut, ô mon Dieu, et j’ai aimé vos préceptes[1] ». De quoi eût servi aux justes de l’ancienne loi d’aimer les préceptes du Seigneur, si le Christ, qui est le soleil de Dieu, ne les eût délivrés, lui dont l’Esprit leur donnait de pouvoir aimer la loi ? Si donc ils attendaient le salut de celui dont ils aimaient les préceptes, combien plus était nécessaire Jésus, c’est-à-dire le salut de Dieu, pour sauver ceux qui n’aimaient point ses préceptes ? On peut, en effet, voir dans cette parole prophétique les saints d’aujourd’hui, depuis que l’Évangile est prêché ; car ceux qui aiment les commandements attendent le Christ, afin qu’à l’apparition du Christ, qui est notre vie, nous aussi nous apparaissions aussi dans la gloire[2].
7. « Mon âme », dit-il, « a gardé vos témoignages, je les ai aimés souverainement[3] » ; ou comme on lit en certains exemplaires « elle les a aimés », c’est-à-dire « mon âme » les a aimés ; c’est garder les témoignages de Dieu que ne point y renoncer. Tel est le devoir des martyrs, puisque martyres et témoignages sont identiques. Mais comme il ne sert de rien d’endurer les flammes pour les témoignages de Dieu, si l’on n’a point la charité[4], le Prophète ajoute : « Je les ai aimés souverainement ». Auparavant il avait dit : « J’ai aimé vos commandements » ; puis, au verset suivant : « J’ai gardé et aimé vos commandements » ; puis ensuite, ce sont les témoignages et les préceptes qu’il a gardés. Voici le texte : « J’ai gardé vos préceptes et vos témoignages[5] ». Celui qui les aime les garde pleinement et avec joie. Mais il arrive souvent qu’en gardant les préceptes de Dieu, nous avons pour ennemis ceux qui ne veulent point qu’on les garde ; c’est alors qu’il faut les garder avec plus de courage, de peur que la persécution ne fasse apostasier.
8. Après avoir proclamé ce qu’il a fait, le Prophète l’attribue à Dieu qui lui en a donné la force, et s’écrie : « Toutes mes voies, ô mon Dieu, sont en votre présence ». Ce qui m’a fait garder vos préceptes et votre témoignage, c’est que toutes mes voies sont en votre présence. Comme si le Prophète disait à Dieu : « Si vous aviez détourné de moi votre face, j’eusse été troublé, et je n’aurais gardé ni vos témoignages ni vos préceptes. Si donc je les ai gardés, c’est que toutes mes voies sont en votre présence ». Il veut nous faire comprendre que Dieu regarde ses voies d’un œil propice et secourable ; tel est le sens de cette prière : Ne détournez point de moi votre face[6]. Car si la face du Seigneur est sur tous ceux qui font le mal, c’est afin de perdre leur mémoire[7]. Ce n’est point en ce sens que notre interlocuteur dit que Dieu regarde ses voies, mais dans le sens qu’il a dit que Dieu connaît la voie des justes[8], et que le Seigneur dit à Moïse : « Je te connais entre tous les autres[9] ». S’il ne trouvait, dans cette croyance, que le Seigneur a les yeux sur ses voies, il ne dirait point qu’il a gardé les préceptes et les témoignages du Seigneur, parce que toutes ses voies sont en présence de Dieu. Il comprend cette parole : « Servez le Seigneur dans la crainte, et réjouissez-vous en lui avec tremblement ; embrassez la discipline, de peur que la colère du Seigneur ne vous fasse dévier de la voie des justes[10] ». Mais cette voie ne serait point celle de la justice, si elle n’était en présence du Seigneur. Telle est la crainte que veut nous inculquer saint Paul, quand il dit : « Opérez votre salut avec crainte et avec tremblement » ; et pour nous donner raison de cette recommandation, « c’est Dieu », nous dit-il, « qui opère en nous le vouloir et le faire selon sa volonté[11] ». Ainsi les voies des justes sont sous le regard du Seigneur, afin qu’il redresse leurs pas, et c’est de ces voies qu’il est dit dans les Proverbes : « Ce sont les voies de droite que connaît le Seigneur, mais les voies perverses sont à gauche[12] » ; afin de nous faire comprendre que le Seigneur ne connaît point ces dernières, puisqu’il dira aux méchants : « Je ne vous connais point[13] ». Or, afin de nous montrer combien il est avantageux que Dieu connaisse les voies droites, ou les voies des justes, le Prophète ajoute : « C’est lui qui doit redresser

  1. Ps. 118,166
  2. Col. 3,4
  3. Ps. 118,166
  4. 1 Cor. 14,13
  5. Ps. 118,168
  6. Ps. 26,9
  7. Id. 33,17
  8. Id. 1,16
  9. Exod. 33,17
  10. Ps. 2,11-12
  11. Phil. 2,12-13
  12. Prov. 4,27
  13. Mt. 7,23