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Puis il demande sa récompense : « Seigneur, donnez-moi la vie dans votre miséricorde ». Ceux-là me donnent la mort, vous, donnez-moi la vie. Mais s’il demande à la miséricorde le prix que lui doit la justice, combien plus doit-il à cette miséricorde cette victoire même qui mérite une récompense !
8. « Le principe de vos paroles est la vérité, et tous les jugements de votre justice sont éternels[1] ». C’est de la vérité, dit-il, que découlent vos paroles, et dès lors elles sont vraies ; sans jeter personne dans l’erreur, elles assurent la vie au juste, la damnation à l’impie. Tels sont les jugements de Dieu qui subsistent dans l’éternité.

TRENTE-UNIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 118

INJUSTES PERSÉCUTIONS CONTRE L’ÉGLISE.

Rien ne motivait les persécutions contre l’Église, puisque l’Évangile ordonne la soumission aux pouvoirs terrestres, c’est à Dieu que s’est attachée l’Église pour triompher et remporter les dépouilles ou convertir ses persécuteurs. De là ce redoublement d’amour pour la loi de Dieu qu’on craint de violer, et cette prière faite sept fois le jour, ou un nombre complet. L’amour de la loi de Dieu nous préserve des chutes, mais le salut nous vient du Christ annoncé, parla loi, en des témoignages qui font notre espérance. Aussi le Prophète nous dit-il que ses voies sont en Dieu, en Dieu qui regarde les méchants, qui voit aussi les justes, c’est-à-dire qu’il a voulu marcher selon la volonté de Dieu.


1. Nous savons quelles persécutions les rois de la terre ont infligées au corps du Christ, c’est-à-dire à la sainte Église. Reconnaissons donc ses plaintes dans les paroles suivantes : « Les princes m’ont persécuté sans sujet, et mon cœur ne craint que votre parole[2] ». Qu’avaient fait aux royaumes de la terre, ces chrétiens à qui leur roi avait promis le royaume des cieux ? En quoi ces promesses blessaient-elles des royaumes terrestres ? Ce roi qu’ils servent a-t-il défendu à ses soldats de rendre et de payer aux rois de la terre ce qui leur est dû ? Quand les Juifs le calomniaient à ce sujet, ne dit-il point : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu[3] ? » « Ne prit-il pas, dans la gueule d’un poisson, de quoi payer lui-même le tribut ? Son précurseur dit-il aux soldats de ce royaume, qui lui demandaient ce qu’ils devaient faire pour acquérir la vie éternelle : Quittez le baudrier, jetez vos armes, abandonnez votre roi, afin d’entrer dans la milice du Seigneur ? Nullement, « mais gardez-vous de toute violence, de toute injure, et que votre solde vous suffise[4] ». Un des soldats les plus affectionnés de ce roi, son compagnon fidèle, ne dit-il pas à ses frères d’armes, et en quelque sorte aux fourriers du Christ : « Que toute âme soit soumise aux puissances supérieures ? » Et un peu plus loin : « Rendez à chacun ce qui lui est dû ; le tribut à qui vous devez le tribut, l’impôt à qui vous devez l’impôt, la crainte à qui vous devez la crainte, l’honneur à qui l’honneur est dû. Ne soyez redevables envers personne, sinon de l’amour qui est dû à tous[5] ? » N’a-t-il pas ordonné à son Église de prier pour les rois ? En quoi donc les chrétiens ont-ils pu offenser ces rois ? De quel devoir sont-ils en demeure ? En quoi les chrétiens ont-ils désobéi aux rois de la terre ? C’est donc réellement sans sujet que les rois de la terre ont persécuté les chrétiens ? Mais écoute la suite : « Et mon cœur a tremblé à cause de vos paroles ». Assurément les paroles de ces hommes étaient effrayantes ; bannissement, proscription, mort, déchirer avec des ongles de fer, brûler vif, condamner aux bêtes, déchirer les membres ; mais j’ai redouté vos paroles plus encore : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps, et ne peuvent plus rien ensuite ; mais craignez celui qui ala puissance de jeter en enfer

  1. Ps. 118,160
  2. Ps. 118,161
  3. Mt. 17,21
  4. Lc. 3,14
  5. Rom. 13,1.7-8