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expression neutre peut désigner soit un nom masculin, soit un nom féminin, soit même ce que l’on veut désigner sans distinction de genre, et dans le langage ordinaire. Le Prophète a donc pu dire en cet endroit : « Celle-ci m’est arrivée », comme il aurait dit : « Ceci m’est arrivé ». Mais si nous demandons quoi, voyons ce qui a été dit auparavant : « Je me suis souvenu pendant la nuit de votre nom, ô mon Dieu, et j’ai recherché votre loi ». Ceci m’est arrivé, c’est-à-dire de garder votre loi, non par moi-même, mais cela m’est arrivé par vous, parce que j’ai recherché vos justices, et non les miennes. « C’est Dieu, en effet », dit l’Apôtre, « qui opère en nous le vouloir et le faire selon sa bonne volonté[1] ». Et le Seigneur dit encore par son Prophète : « Et je ferai que vous marchiez dans mes justifications, et que vous observiez et pratiquiez mes jugements[2] ». Quand donc le Seigneur nous dit : « Je ferai en sorte que vous observiez et que vous pratiquiez mes jugements », le Prophète a raison de dire : Ceci m’est arrivé ; et à celui qui voudrait savoir ce qui lui est arrivé, il peut répondre ce qu’il a dit plus haut : « De garder la loi de Dieu ». Mais ce sermon est déjà bien long, il est mieux, dès lors, de réserver la suite à un autre discours, avec la grâce de Dieu.

SEIZIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 118

L’UNION A DIEU.

Tout homme qui garde la loi du Seigneur, a le Seigneur en partage. Mais comme il ne saurait garder cette loi sans le secours de l’Esprit-Saint, il doit l’invoquer. Fortifié par ce secours, il se détournera de l’iniquité, ne craindra ni les embûches du démon, ni les scandales des hommes, et confessera plus hautement le Seigneur à mesure que s’élèvera la persécution. Alors le Christ s’unit à son serviteur, et par une faveur nouvelle, il en fait un serviteur par amour, et non par crainte.


1. Dans notre long psaume nous entreprenons d’expliquer, avec le secours de Dieu, les versets suivants : « Le Seigneur est ma portion », ou, comme d’autres ont traduit : « Seigneur, vous êtes mon héritage[3] ». Ces deux expressions signifient-elles que tout homme a sa part en Dieu, dès lors qu’il s’attache à lui, selon cette parole : « Il m’est bon de m’attacher au Seigneur[4] ? » Ce n’est point en effet parce qu’un homme existe qu’il est dieu, mais il le devient par sa participation à celui qui est seul et vrai Dieu. Ou bien le Seigneur est-il notre portion à la manière dont les hommes se choisissent ici-bas, ou obtiennent par le sort, celui-ci telle portion, celui-là telle autre qui le fait vivre ; et qu’en un certain sens le partage des justes serait le Seigneur qui leur donne la vie éternelle ? Ces deux sens n’ont rien d’absurde. Mais écoutons ce qui suit : « Je l’ai dit, c’est de garder votre loi ». Qu’est-ce à dire : « Ma portion, Seigneur, je l’ai dit, c’est de garder votre loi », sinon que le Seigneur sera notre héritage à mesure que nous garderons sa loi ?
2. Mais comment la peut-il garder sans le don et le secours de l’Esprit qui vivifie, de peur que la lettre ne tue[5], et que le péché à l’occasion du précepte ne soulève dans l’homme toute concupiscence[6] ? Il faut donc invoquer cet Esprit, et c’est alors que la foi obtient de lui ce qu’ordonne la loi : quiconque en effet invoquera le nom du Seigneur sera sauvé[7]. Aussi voyez ce qu’ajoute le Prophète : « J’ai imploré votre présence du fond de mon cœur ». Et pour montrer comment il a prié : « Ayez pitié de moi », dit-il, « selon votre parole ». Et comme il a été exaucé et secouru par celui qu’il avait invoqué : « J’ai réfléchi », nous dit-il, « à mes voies, et j’ai ramené mes pieds

  1. Phil. 2,13
  2. Ez. 36,27
  3. Ps. 118,57
  4. Id. 72,28
  5. 2 Cor. 3,6
  6. Rom. 7,8
  7. Jol. 2,32 ; Rom. 10,13