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mais le Sauveur a voulu caractériser un péché spécial, c’est-à-dire l’infidélité, parce qu’ils n’ont pas cru en lui. De même ceux qui commettent l’iniquité, non point toute iniquité, mais celle qui consiste dans l’infidélité, ne marchent point dans ses voies ; car « toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité[1] » ; l’une et l’autre sont dans le Christ, et nulle part en dehors du Christ. « Or », nous dit saint Paul, « je déclare que le Christ a été ministre pour le peuple circoncis, afin de vérifier la parole de Dieu, et de confirmer les promesses faites à nos pères, que les Gentils doivent glorifier Dieu de sa miséricorde[2] ». Il y a donc miséricorde en ce qu’il nous a rachetés ; il y a vérité en ce qu’il a accompli ce qu’il a promis, et qu’il accomplira ce qu’il promet encore. « Ceux donc qui commettent l’iniquité », c’est-à-dire qui sont incrédules, « n’ont pas marché dans ses voies », puisqu’ils n’ont point cru au Christ. Donc, qu’ils se convertissent et qu’ils croient humblement en Celui qui justifie l’impie[3], et dès lors ils retrouveront en lui toutes les voies du Seigneur, c’est-à-dire la miséricorde par le pardon de leurs péchés, et la vérité par l’accomplissement des promesses divines ; car, marchant dans ces voies, ils ne commettront point l’iniquité, parce qu’ils éviteront toute infidélité pour embrasser la foi qui agit par amour[4], et à laquelle Dieu n’impute aucun crime.

QUATRIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 118

L’OBÉISSANCE AUX PRÉCEPTES.

Les Grecs ont dit avec raison « rien de trop », quand il s’agit de régler notre vie. Mais quand le Prophète veut que l’on garde les préceptes de Dieu « à l’excès », cela signifie : complètement ; il implore ensuite la grâce du Seigneur afin d’obéir à ses décrets, qu’il ne lui suffit pas de connaître pour les accomplir, et qui seraient pour lui un sujet de confusion, s’il ne les accomplissait point. Les accomplir, ce sera une confession glorieuse, aussi Dieu ne l’abandonnera-t-il point complètement.


1. Quel est, mes frères, celui qui dit au Seigneur : « C’est vous qui avez ordonné que l’on gardât à l’excès vos préceptes ; puissent mes voies se redresser, en sorte que j’obéisse à vos décrets ; je ne serai point confondu quand j’aurai considéré vos commandements ? »[5] Qui donc parle de la sorte, sinon tout membre du Christ, ou plutôt le corps entier du Christ ? Mais que signifie cette parole : « Vous avez ordonné que l’on gardât vos commandements à l’excès ? » Cette expression à l’excès signifie-t-elle, ou que Dieu a ordonné à l’excès, ou qu’il faut les garder à l’excès ? Quel que soit le sens que nous lui donnions, elle paraît contradictoire à cette fameuse et admirable maxime que les Grecs relèvent dans leurs sages avec des éloges auxquels ont applaudi les Latins : «  Ne quid nimis, Rien de trop[6] ». S’il est vrai en effet qu’il ne faut rien de trop, comment se vérifiera ce qui est dit ici : « Vous avez ordonné que l’on gardât vos préceptes à l’excès ? » Eh ! comment y aurait-il excès ou dans l’ordre de Dieu, ou dans l’accomplissement de ses commandements, si tout excès était blâmable ? Nous dirions donc volontiers que les sages de la Grèce n’ont aucune autorité sur nous, en face de cette parole de l’Écriture : « Dieu n’a-t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde[7] » ; et ne serions-nous pas disposés à rejeter comme faux cet adage : « Rien de trop », plutôt que cette parole sainte que nous lisons et que nous chantons : « Vous avez ordonné que l’on gardât vos commandements à l’excès » ; si nous n’en étions détournés plus encore par la droite raison que

  1. Ps. 24,10
  2. Rom. 15,8-9
  3. Rom. 4,5
  4. Gal. 5,6
  5. Ps. 118,4-6
  6. Térence, Andr. Act. 1, sc. 1
  7. 1 Cor. 1,20