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lui-même, mais un tout autre but qu’ils veulent atteindre par ce moyen ; assurément ils ne recherchent point Dieu de tout leur cœur, et nous voyons que cette condition qu’ajoute le Prophète n’est point superflue. L’Esprit de Dieu, qui nous parle ici, sachant qu’il en est beaucoup qui étudient les saintes Écritures dans un autre but que celui que Dieu, nous prescrit, ne dit pas seulement : « Bienheureux ceux qui approfondissent ses témoignages » ; mais il ajoute : « Qui le recherchent de tout leur cœur », comme pour nous enseigner de quelle manière, et dans quel but nous devons étudier ces témoignages du Seigneur. Ensuite, au livre de la Sagesse, voici ce que dit la Sagesse elle-même : « Les méchants me cherchent sans me trouver, car ils haïssent la Sagesse[1] ». Qu’est-ce à dire, sinon qu’ils me haïssent moi-même ? Ceux donc qui me haïssent, dit le Seigneur, me cherchent sans me trouver. Comment peut-on dire qu’ils cherchent ce qu’ils haïssent, sinon parce que ce n’est point là ce qu’ils se proposent, mais un tout autre but ? Car ce n’est point pour la gloire de Dieu qu’ils veulent être sages, mais ils veulent paraître sages pour acquérir de la gloire aux yeux des hommes. Comment ne haïraient-ils point la Sagesse qui nous enseigne à mépriser ce qu’ils aiment, et nous en fait un précepte ? « Bienheureux dès lors les hommes irréprochables dans leur voie, qui marchent dans la loi du Seigneur. Bienheureux ceux qui étudient ses témoignages, qui le recherchent de tout leur cœur ». Car c’est en étudiant ses témoignages de manière à le chercher de tout leur cœur, qu’ils marchent irréprochables dans la loi du Seigneur. Et toutefois, ne sondait-il pas ses témoignages, et ne le cherchait-il pas, celui qui disait : « Bon maître, quel bien me faut-il faire pour u avoir la vie éternelle ? » Mais comment aurait-il cherché Dieu de tout son cœur, cet homme qui préférait les richesses à ses conseils, et qui s’en allait tristement après l’avoir entendu[2] ? Le Prophète Isaïe dit à son tour : « Cherchez le Seigneur, et après l’avoir trouvé, que l’impie abandonne ses voies, et l’homme d’iniquité, ses pensées[3] ».
3. Donc les impies et les pécheurs cherchent Dieu, afin de n’être plus ni impies ni pécheurs après qu’ils l’auront trouvé. Comment donc sont-ils heureux parce qu’ils approfondissent les témoignages du Seigneur, et quand ils le cherchent, puisque les impies, puisque les hommes d’iniquité peuvent le faire ? Quel homme serait assez impie, assez inique, pour affirmer que les impies, que les hommes d’iniquité sont heureux ? Ce bonheur des justes est donc en espérance, ainsi qu’il est dit : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice[4] » ; heureux non pour le présent, puisqu’ils sont dans la douleur, mais pour l’avenir, puisque le royaume des cieux est à eux. Et encore : « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice[5] », non parce qu’ils ont faim, parce qu’ils ont soif, mais à cause de ce qui suit : « Parce qu’ils seront rassasiés ». Et encore : « Bienheureux ceux qui pleurent » ; non parce qu’ils pleurent, mais à cause de ce qui suit : « Parce qu’ils seront dans la joie[6] ». Donc, bienheureux ceux qui étudient ses témoignages, « qui le recherchent de tout leur cœur » ; non point parce qu’ils étudient et recherchent, mais parce qu’ils doivent trouver un jour ce qu’ils cherchent maintenant. Ils cherchent en effet de tout leur cœur, et non point avec négligence. Si donc ils sont heureux par l’espérance, peut-être aussi ne sont-ils purs qu’en espérance. Car en ce qui est de cette vie, bien que nous marchions dans la voie du Seigneur, bien que nous examinions ses ordonnances et que nous le cherchions de tout notre cœur, « si nous disons que nous sommes sans péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous[7] ». Mais examinons avec plus de soin. Le Psalmiste continue en effet : « Ceux qui commettent l’iniquité ne marchent point dans ses commandements ». D’où nous pouvons voir que ceux qui marchent dans la voie du Seigneur, c’est-à-dire dans sa loi, en étudiant ses témoignages, en le recherchant de tout leur cœur, peuvent déjà être purs, c’est-à-dire exempts de péchés, à cause de ces paroles qui suivent : « Ce ne sont point en effet ceux qui commettent l’iniquité qui marchent dans ses voies. Or, celui qui commet le péché, commet l’iniquité » ; dit saint Jean qui ajoute « Et le péché est l’iniquité[8] ». Mais il faut terminer notre discours, et nous ne pouvons restreindre une si grande question au peu de temps qui nous reste.

  1. Prov. 1,28-29
  2. Mt. 16,16-22
  3. Isa. 55,6-7
  4. Mt. 5,10
  5. Id. 6
  6. Id. 5
  7. Jn. 1,8
  8. Id. 3,4