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grands maux, elle jette les yeux sur le divin modèle, et tout d’abord elle dit qu’elle a souffert dans son chef ; puis elle ajoute : « Ils m’ont serrée de près ». Et c’est avec raison que l’on n’a point ici répété : « Toutes les nations ». Car ce sont les Juifs qui ont agi de la sorte. « Et j’en ai tiré vengeance au nom du Seigneur ». Car le peuple fidèle, ou le corps du Christ, a éprouvé des persécutions de la part des Juifs, au sein desquels a pris naissance cette chair auguste qui fut clouée à la croix, et pour lesquels a été fait tout ce qu’ont opéré, en cette vie du temps, son pouvoir immortel et sa divinité cachée sous une chair visible.
7. « Ils m’ont environné, comme un essaim d’abeilles environne la ruche, ils ont pris flamme, comme le feu dans les épines, et j’en ai tiré vengeance, au nom du Seigneur[1] ». C’est par l’ordre des choses que l’on peut découvrir ici l’ordre des paroles. Car nous savons que le Seigneur, chef de l’Église, tut environné par ses persécuteurs, comme la ruche est environnée par les abeilles, et le Saint-Esprit nous montre, par cette ingénieuse expression, ce que faisaient les Juifs sans le savoir. C’est le miel que les abeilles font dans les ruches. Et les persécuteurs du Christ nous l’ont rendu plus doux par sa passion même : afin que nous puissions goûter et voir combien le Seigneur est doux[2], lui qui est mort à cause de nos péchés, et ressuscité pour notre justification[3]. Mais le Prophète nous dit ensuite : « Ils se sont enflammés « comme le feu dans les épines », ce qu’il est mieux d’entendre du corps de Jésus-Christ, c’est-à-dire de son peuple répandu dans toute la terre ; toutes les nations l’ont environné, puisque c’est des nations qu’il a été formé. « Elles ont pris flamme comme le feu dans les épines », quand elles soumirent au feu de la persécution cette chair pécheresse qui subit les tourments les plus atroces. « Et j’en ai tiré vengeance au nom du Seigneur », dit le Prophète ; soit que cette malice qui leur faisait persécuter les bons, venant à s’éteindre, ils soient entrés dans le peuple chrétien ; soit que ceux d’entre eux qui ont méprisé en cette vie la voix miséricordieuse qui les appelait, doivent à la fin éprouver la justice qui les condamnera.
8. « On m’a poussé comme un monceau de sable pour me faire : tomber, et le Seigneur m’a soutenu[4] ». Quoique le nombre des fidèles fût grand, et que la multitude pût en être comparée au sable qui ne peut se nombrer, et fût réunie en un même corps comme en un monceau ; néanmoins, qu’est-ce que l’homme, si vous, Seigneur, ne vous souveniez de lui[5] ? Il ne dit point : La foule des persécuteurs n’a pu l’emporter sur la foule de mes fidèles ; mais : « Le Seigneur m’a soutenu ». Ces nations persécutrices n’avaient donc aucun moyen d’ébranler et de renverser la multitude des fidèles qui habitaient dans l’unité de la foi, quand ils crurent en celui qui les soutenait tous et chacun en particulier, et partout ; car il n’eût pu faillir à ceux qui l’invoquaient.
9. « Le Seigneur est ma force, il est ma gloire, il est devenu mon salut[6] ». Qui sont donc ceux qui tombent quand on les pousse, sinon ceux qui veulent être à eux-mêmes leur force, à eux-mêmes leur gloire ? Nul ne succombe dans un combat, sinon celui dont la force a succombé comme la louange. C’est pourquoi celui dont le Seigneur est la force et la louange, ne peut succomber non plus que Dieu lui-même. Aussi le Seigneur est-il devenu leur soutien, non qu’il soit devenu ce qu’il n’était pas auparavant ; mais parce que ces fidèles, en croyant en lui, sont devenus ce qu’ils n’étaient pas ; et que le Christ est devenu non pour lui, mais pour eux, un Sauveur après leur conversion, ce qu’il n’était pas quand ils le fuyaient.
10. « Les voix de l’allégresse et du salut sont dans la tente des justes[7] » : où ne supposaient que la voix des larmes et de la mort, ceux qui tourmentaient ainsi leur chair. Ils ne comprenaient pas les joies intérieures que les saints puisent dans l’espérance de l’avenir. De là cette parole de l’Apôtre : « Comme si nous étions tristes, nous qui sommes toujours dans la joie[8] » ; et encore : « Et même nous nous glorifions dans l’affliction[9] ».
11. « La droite du Seigneur a signalé sa force ». De quelle force veut parler le Psalmiste ? « La droite du Seigneur m’a élevé[10] ». C’est une grande force que grandir l’humilité, déifier un mortel, que tirer la perfection de la faiblesse, la gloire de ce qui est abaissé, la victoire de la souffrance, et le

  1. Ps. 117,12
  2. Id. 33,9
  3. Rom. 4,25
  4. Ps. 117,13
  5. Id. 8,5
  6. Id. 4
  7. Id. 15
  8. 2 Cor. 6,10
  9. Rom. 5,3
  10. Ps. 117,16