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de princes des Juifs crurent en Jésus, mais qu’ils ne professaient point leur foi au-dehors, de peur d’être chassés de la synagogue : ils ne laissent pas d’être désapprouvés et condamnés. Car l’Évangéliste ajoute : « Ils préféraient la gloire des hommes à la gloire de Dieu[1] ». Si donc une juste réprobation flétrit et ceux qui ne croient pas à la vérité qu’ils prêchent, et ceux qui ne prêchent pas la vérité qu’ils croient, à qui donnerons-nous le nom de serviteur fidèle, sinon à celui à qui le Christ adresse ces paroles : « Courage, bon serviteur, parce que tu as été fidèle en peu de choses, je t’établirai sur beaucoup, entre dans la joie de ton Seigneur[2] ? » Un tel serviteur ne parle donc point avant de croire, et ne se tait point dès qu’il croit, de peur, ou qu’en faisant valoir pour les autres ce qui lui est confié, il n’en garde rien pour lui, ou qu’il n’en retire aucun profit, parce qu’il ne l’aura point fait valoir. Voici, en effet, ce qui est dit : « Celui qui possède, on lui donnera ; mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a[3]. »
2. Qu’il dise alors, ce bon serviteur qui chante Alléluia, c’est-à-dire qui offre un sacrifice de louanges à ce même Dieu qui doit lui dire un jour : « Entre dans la joie de ton Seigneur » ; qu’il tressaille et qu’il chante : « J’ai cru, et c’est pourquoi j’ai parlé[4] ».C’est-à-dire, j’ai cru d’une manière parfaite. Refuser de prêcher ce que l’on croit, ce n’est point avoir une foi parfaite. Car une des obligations de la foi, c’est de croire aussi cette parole « Celui qui me confessera devant tes hommes, « moi aussi je le confesserai devant les anges de Dieu[5] ». Ce fidèle serviteur n’est pas ainsi appelé, en effet, parce qu’il a reçu de son maître, mais parce qu’il a dépensé et gagné. De même dans notre psaume, il n’est pas dit : J’ai cru et j’ai parlé ; mais le Prophète confesse qu’il a parlé parce qu’il a cru. Car il a cru en même temps que parler lui donnait une récompense à espérer, et que se taire lui laissait craindre un châtiment. « J’ai cru », dit-il, « et c’est pourquoi j’ai parlé pour moi, j’ai subi des humiliations à l’excès ». Il a passé par des tribulations nombreuses à cause de la parole qu’il gardait fidèlement, qu’il annonçait fidèlement ; il a subi des humiliations excessives, et c’est là ce qu’ont redouté « ceux qui ont préféré la gloire des hommes à la gloire de Dieu ». Mais pourquoi cette expression : « Quant à moi ? » Il devrait dire tout simplement : j’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé, et j’ai subi des humiliations à l’excès. Pourquoi ajouter « quant à moi », sinon pour nous montrer que l’homme peut bien subir des humiliations de la part de ceux qui contredisent la vérité, mais que cette vérité qu’il croit et qu’il prêche n’en souffre aucune atteinte ? De là vient que l’Apôtre disait en parlant de ses chaînes : « Mais la parole de Dieu n’est point enchaînée »[6]. De même le Psalmiste, ou plutôt en sa personne les saints témoins de Dieu, c’est-à-dire les martyrs : « J’ai cru, et c’est pourquoi j’ai parlé, quant à moi », non point la vérité que j’ai embrassée, non point la parole que j’ai portée ; mais, « moi j’ai été humilié à l’excès ».
3. « J’ai dit dans mon extase : Tout homme est menteur »[7]. Le Prophète par extase entend cette frayeur qui s’empare de la faiblesse humaine, sous la menace des persécutions, ou bien en face des tourments ou de la mort. Tel est le sens que nous donnons à cette expression, parce qu’on retrouve dans le psaume le cri des martyrs. Ce mot d’extase, il est vrai, peut s’entendre aussi de cet état de l’âme hors d’elle-même, non plus sous l’impression de la peur, mais par l’effet d’une révélation sur naturelle. « Pour moi, j’ai dit dans mon extase : Tout homme est menteur ». Dans son effroi il a considéré sa faiblesse, et a vu qu’il ne devait point compter sur lui-même. Car en ce qui regarde l’homme, il est menteur ; mais la grâce de Dieu l’a rétabli dans la vérité, de peur que, cédant aux persécutions de ses ennemis, il ne tût ou même n’abjurât la vérité qu’il avait embrassée ; ainsi qu’il en fut de saint Pierre, qui comptait sur lui-même, et qui avait besoin d’apprendre à n’y point compter à l’avenir. Et si nul ne doit mettre sa confiance dans un homme, il ne saurait compter sur lui-même, puisqu’il est homme. Dans la crainte qui l’a saisi, le prophète a donc vu avec raison que tout homme est menteur ; car ceux que la peur n’affole point de manière à céder aux persécutions par le mensonge, agissent non par leurs propres forces, mais par la grâce de Dieu. Il est donc bien vrai de dire que « tout homme est

  1. Jn. 12,42-43
  2. Mt. 25,23
  3. Id. 13,12 ; 25,29
  4. Ps. 105,1
  5. Mt. 10,32
  6. 2 Tim. 2,9
  7. Ps. 115,11