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d’abord appelé ? Voilà donc tout d’abord sa miséricorde. Il est juste, parce qu’il châtie, et il est encore miséricordieux, parce qu’il reçoit celui qu’il a châtié. « Car le Seigneur flagelle celui qu’il reçoit au nombre de ses enfants[1] ». Et ma douleur dans le châtiment doit être moins vive pour moi que la joie de mon adoption. Commuent « le Seigneur qui garde les petits enfants[2] », ne châtierait-il pas ceux qu’il fera grandir pour être ses héritiers ? Quel est l’enfant que son père n’assujettit pas à la discipline[3] ? « Je me suis humilié, et il m’a sauvé ». C’est donc à l’humilité que je dois mon salut. Que le médecin fasse une incision, ce n’est point là un châtiment, mais une douleur salutaire.
6. « O mon âme, rentre donc dans ton repos, u puisque le Seigneur t’a comblée de biens ». Repose-toi, non à cause de tes mérites ou de tes propres forces ; mais parce que le Seigneur t’a comblée de ses biens ; car, ajoute le Prophète, « il a délivré mon âme de la mort[4] ». Il est étonnant, mes frères bien-aimés, qu’après avoir invité son âme à goûter le repos, parce qu’elle est comblée des biens du Seigneur, le Prophète ajoute : « Parce qu’il a délivré mon âme de la mort ». Son âme serait-elle donc en repos, parce qu’elle est délivrée de la mort ? N’est-ce pas plutôt dans la mort que l’on croit trouver le repos ? Quelle est enfin l’action de celui dont la vie est un repos, et dont la mort est un labeur ? Telle doit être l’action de l’âme, qu’elle tende à une paisible sécurité, et non à l’accroissement d’un labeur incessant. Elle est en effet délivrée de la mort par la grâce de celui qui l’a prise en pitié, et qui a dit : « Venez à moi, vous tous qui êtes chargés, et je vous soulagerai. Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes ; car mon joug est doux et mon fardeau léger[5] ». L’action de l’âme qui cherche le repos doit dorme être douce et humble, puisqu’elle suit le Christ qui est sa voie ; et toutefois, elle ne doit pas être lente et paresseuse, afin qu’elle puisse achever sa course, ainsi qu’il est écrit : « Achevez vos œuvres avec douceur[6] ». Achevez vos œuvres, est-il dit, afin que la douceur ne dégénère pas en négligence. Car il n’en est pas alors comme en cette vie, où le repos du sommeil répare nos forces pour un nouveau travail ; mais la bonne action nous conduit à un repos accompagné de vigilance.
7. Or, tout cela est l’œuvre, est le bienfait de ce Dieu dont il est dit : « Puisque le Seigneur m’a comblé de biens, puisqu’il a délivré mon âme de la mort, mes yeux des larmes, et mes pieds de la chute[7] ». Voilà ce que le Seigneur accomplit eu espérance dans celui qui ressent les liens de la chair, et celui-ci le chante avec joie. Car il est vrai de dire : « Je me suis humilié, et le Seigneur m’a sauvé ». Mais elle est vraie aussi cette autre parole de l’Apôtre : « Que nous sommes sauvés par l’espérance[8] ». Quant à cette mort dont nous sommes délivrés, il est juste de dire que cela s’est accompli, si nous l’entendons de la mort des incrédules, dont le Seigneur a dit : « Laissez les morts ensevelir leurs morts[9] » ; et le Prophète dans un autre psaume : « Les morts ne vous loueront point, Seigneur, non plus que tous ceux qui descendent dans l’enfer, mais nous qui vivons, nous bénissons le Seigneur[10] ». Telle est donc la mort dont tout fidèle a raison de croire que son âme est exempte par cela même qu’elle a passé de l’incrédulité à la foi. De là cette parole du Sauveur : « Celui qui croit en moi passe de la mort à la vie[11] ». Le reste ne s’accomplit que par l’espérance dans ceux qui n’ont pas encore quitté cette vie. Maintenant, en effet, quand nous pensons à nos chutes si périlleuses, nos yeux ne cessent de verser des larmes ; mais il éloignera les larmes de nos yeux, quand il préservera nos pieds de tout faux pas. Car nos pieds ne seront plus exposés à la chute, quand il n’y aura plus rien de glissant dans notre faible chair. Maintenant, quoique notre voie soit ferme, puisque c’est le Christ lui-même ; néanmoins, parce que nous soumettons notre chair, qu’il nous est ordonné de dompter ; dans ces mêmes œuvres par lesquelles nous la châtions pour l’assujettir, c’est un bonheur de ne pas succomber ; quant à ne pas glisser, qui en est capable ?
8. Aussi, parce que nous sommes dans la chair, sans être néanmoins dans la chair, (nous sommes dans la chair à cause de ce lien qui n’est pas encore brisé : « qu’il serait plus

  1. Héb. 12,6
  2. Ps. 114,6
  3. Héb. 12,7
  4. Ps. 114,7-8
  5. Mt. 11,28-30
  6. Sir. 3,19
  7. Ps. 114,8
  8. Rom. 8,21
  9. Mt. 8,22
  10. Ps. 113B, 17-18
  11. Jn. 5,24