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mais j’ai obtenu miséricorde, parce que je l’ai fait dans l’ignorance et dans l’incrédulité[1] ».
7. Après nous avoir dit dans les versets précédents : « Qui est semblable au Seigneur notre Dieu, lequel habite les hauteurs et jette les yeux sur les humbles au ciel et en la terre ? » le Saint-Esprit, voulant nous montrer pourquoi ce nom d’humble dans le ciel, tandis que les hommes ainsi désignés sont grands, sont justes et dignes de s’asseoir sur des trônes pour juger, ajoute aussitôt : « C’est lui qui relève le pauvre de sa poussière, et l’indigent de son fumier, afin de le placer avec les princes, les princes de son peuple[2] ». Ainsi élevés en honneur, qu’ils ne dédaignent plus d’humilier leurs têtes sous la main de Dieu. Si d’une part, en effet, le dispensateur fidèle de l’argent de son maître est placé avec les princes du peuple de Dieu, s’il doit avoir place sur les douze trônes et juger les anges mêmes[3] ; d’autre part, néanmoins, le pauvre est relevé de la poussière, et l’indigent de son fumier. N’a-t-il pas été relevé de son fumier, cet homme asservi aux convoitises et aux voluptés de toutes sortes ? Mais peut-être qu’en parlant de la sorte, le Prophète n’était plus pauvre, n’était plus indigent. Pourquoi donc gémit-il sous son fardeau, aspirant à se revêtir de cette gloire qui est dans le ciel ? Pourquoi est-il souffleté de peur qu’il ne s’élève, et soumis à l’ange de Satan par l’aiguillon de sa chair[4]. Il est grand, sans doute, puisque le Seigneur habite en lui, puisqu’il possède ce même esprit qui pénètre tout, même les profondeurs de Dieu[5] : il est donc dans le ciel, mais c’est dans le ciel aussi que Dieu regarde ce qui est humble.
8. Quoi donc mes frères, si déjà nous avons entendu que ce qui est humble dans le ciel a été tiré du fumier, pour être placé avec les princes du peuple, n’est-il fait aucune mention de tout ce qui est humble, et que Dieu regarde sur la terre ? Ces amis, qui doivent juger avec le Seigneur, sont moins nombreux, en effet, que ceux qu’ils recevront dans les tabernacles éternels. Quoique la masse du bon grain soit petite, en comparaison de la paille qui en est séparée ; considérée en elle-même, elle est néanmoins abondante. « Les enfants de l’Épouse abandonnée sont plus nombreux que ceux de l’Épouse qui a un mari »[6]. Les enfants de celle qui a enfanté par la grâce et dans sa vieillesse sont plus nombreux que les enfants de celle qui, dès son jeune âge, s’est unie à un Époux par le lien de la loi. Je dis qu’elle a conçu dans sa vieillesse ; puisque Sara, notre mère, est devenue, à cause du seul Isaac, mère de tous les fidèles répandus par toutes les nations. Or, voyez la femme dont parle Isaïe : on dirait qu’elle n’est point mère et qu’elle n’a point d’enfants. Et pourtant, que va-t-on lui dire : « Les enfants que tu avais perdus te diront à l’oreille : La demeure est trop étroite, faites-nous une enceinte plus vaste et que nous puissions habiter. Et toi, tu diras dans ton cœur : Qui m’a donné ces enfants, car je sais que j’étais veuve et sans enfants ? Qui me les a nourris ? J’étais seule, j’étais abandonnée. D’où me sont-ils venus ? » Tel est en partie le langage de l’Église, qui paraît stérile aussi, dans ces mêmes foules qui n’ont pas encore tout abandonné pour suivre le Seigneur, et s’asseoir sur douze trônes. Mais dans ces mêmes foules, combien n’est-il pas de ces hommes qui se sont fait des amis avec la monnaie de l’iniquité, et qui siégeront à la droite à cause des œuvres de miséricorde ? Non seulement, donc, le Seigneur élève de son fumier le pauvre qui doit être placé avec les princes de son peuple ; mais encore : « Il fait habiter dans la maison la femme stérile, et lui donne la joie des mères. Ce même Dieu qui habite les hauteurs, et regarde ce qu’il y a d’humble dans le ciel et sur la terre » ; c’est-à-dire cette race d’Abraham, nombreuse comme les étoiles du ciel, dans ces mêmes saints qui siègent sur les trônes les plus sublimes ; et comme le sable des bords de la mer, dans cette multitude sans nombre d’hommes au cœur miséricordieux, et qui doivent être séparés des flots de la gauche, flots d’amertume et d’impiété.

  1. 1 Tim. 1,13
  2. Ps. 112,7-8
  3. Mt. 19,28
  4. 1 Cor. 11,7
  5. Id. 2,10
  6. Isa. 54,1