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Seigneur, ils ne marquent pas un temps qui finit et qui passe, mais bien l’éternité bienheureuse ; car le denier, ou nombre dix, ajouté à quarante, nous rappelle cette récompense accordée aux fidèles ouvriers pendant cette vie, et que le Père de famille octroie aux derniers comme aux premiers. Écoutons donc ce peuple de Dieu, qui chante les louanges débordant de son cœur. Ce psaume, en effet, nous montre un homme qui bondit dans les tressaillements de sa joie ; il nous montre en figure ce peuple de Dieu dont le cœur exhale des flots d’amour, ou plutôt le corps du Christ, délivré de tous maux.
2. « Seigneur, je vous confesserai dans toute l’étendue de mon cœur[1] ». Ce mot de confession ne marque pas toujours l’aveu des péchés, il exprime aussi la louange de Dieu confessée avec piété. L’une de ces confessions est donc dans les pleurs, l’autre dans la joie : l’une montre au médecin sa blessure, l’autre rend grâces de sa guérison. Cette confession de notre psaume nous montre un homme, non seulement délivré de tous maux, mais encore séparé de tous les méchants. Voyons dès lors en quel lieu il rend à Dieu cette confession dans toute l’étendue de son cœur. C’est, dit-il, dans le conseil, dans l’assemblée des justes ; de ces justes, je crois, qui seront assis sur douze trônes pour juger les douze tribus d’Israël[2]. Là, il n’y aura plus d’hommes d’iniquité : plus de Judas dont on doive tolérer les vols ; plus de Simon Magicien, qui veuille être baptisé, et acheter l’Esprit-Saint dans la pensée de le revendre[3] ; plus d’Alexandre Chaudronnier, pour faire beaucoup de mal[4], plus de faux frère, se glissant à la faveur d’une peau de brebis, tous pécheurs que l’Église doit supporter en cette vie, mais qu’elle bannira de l’assemblée de tous les justes. Voilà « ces grandes œuvres du Seigneur, accomplies selon toutes ses volontés[5] », qui ne laissent sans miséricorde aucun aveu des fautes, non plus que l’iniquité sans châtiment ; puisque « Le Seigneur châtie ceux qu’il reçoit au nombre de ses enfants[6] ». Et si le juste n’est sauvé qu’à peine, que deviendront le juste et l’impie[7] ? Que l’homme fasse donc son choix. Les ouvrages de Dieu ne sont point réglés de telle sorte que la créature, dans son libre arbitre, puisse dominer la volonté du Créateur, bien qu’elle agisse contrairement à cette volonté. Dieu ne veut point le péché en toi ; il le défend ; mais si tu pèches, ne va point t’imaginer que l’homme ait fait sa volonté, et qu’il soit arrivé à Dieu ce que Dieu ne voulait pas ; de même que Dieu veut que l’homme ne pèche point, il veut aussi pardonner au pécheur, afin que celui-ci revienne et qu’il vive ; de même il veut punir celui qui persévère finalement dans le péché, afin que nul opiniâtre n’échappe à la puissance de sa justice. Quel que soit donc ton choix, tu ne saurais éluder la volonté du Tout-Puissant, qui s’accomplira sur toi. « Les œuvres du Seigneur sont grandes, accomplies selon toutes ses volontés ».
3. « Ses œuvres sont la confession et la magnificence[8] ». Quelle œuvre plus admirable que la justification de l’impie ? Mais on dira peut-être que l’œuvre de l’homme est antérieure à cette magnificence de Dieu, et qu’il mérite d’être justifié quand il a confessé ses fautes : « Le publicain, en effet, sortit du temple justifié, beaucoup plus que le pharisien ; car il n’osait point lever les yeux au ciel, mais il battait sa poitrine en disant : « O Dieu, ayez pitié de moi, qui suis un pécheur ». C’est donc dans la justification du pécheur que resplendit la magnificence de Dieu, dans l’élévation de quiconque s’humilie, et l’abaissement de celui qui s’élève[9]. Telle est la magnificence du Seigneur, que celui à qui l’on a beaucoup remis, aime davantage[10]. Telle est enfin la magnificence du Seigneur, « qu’il y ait surabondance de grâce où il y avait abondance de péché[11] ». Mais cela vient peut-être des œuvres de l’homme. « Non, cela ne vient point des œuvres, est-il dit, de peur qu’on ne s’enorgueillisse. Car nous sommes l’ouvrage de Dieu, créés en Jésus-Christ, par les bonnes œuvres[12] ». Or, l’homme ne saurait faire une œuvre de justice, s’il n’est d’abord justifié. « Croire en eu celui qui justifie l’impie[13] », c’est commencer par la foi, en sorte que ses bonnes œuvres ne démontrent point ce qu’il a mérité auparavant, mais bien ce qu’il a reçu ensuite. D’où vient donc alors cette confession ? Elle n’est point encore une œuvre de justice, mais la réprobation du mal. Quoi qu’il en soit, néanmoins, ô homme, ne te glorifie pas de cette confession ;

  1. Ps. 110,1
  2. Mt. 19,28
  3. Act. 8,13.18-19
  4. 2 Tim. 4,14
  5. Ps. 110,2
  6. Héb. 12,6
  7. 1 Pi. 4,18
  8. Ps. 101,3
  9. Lc. 18,13-14
  10. Id. 7,42-48
  11. Rom. 5,20
  12. Eph. 2,9-10
  13. Rom. 4,5