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de ces semailles, l’ennemi est venu semer la zizanie ; et voilà que les méchants, les faux chrétiens, ont germé au milieu des bons ; ils leur ressemblaient par la tige, mais non par le fruit. On appelle zizanie ces plantes qui à leur naissance, ressemblent au froment, comme l’ivraie et la folle avoine et tant d’autres qui leur ressemblent dans leurs premières tiges. De là vient que le Seigneur parlait ainsi à propos de la zizanie répandue « Son ennemi vint et sema de la zizanie au milieu du froment ; or, après que l’herbe eut poussé et produit son fruit, la zizanie parut aussi. Donc c’est l’ennemi qui est venu semer la zizanie » : mais qu’a-t-il fait au froment ? Ce froment n’est pas étouffé par l’ivraie ; au contraire, on a laissé l’ivraie pour laisser croître le froment. Car le maître lui-même dit à quelques ouvriers qui voulaient arracher la zizanie : « Laissez croître l’un et l’autre jusqu’à la moisson, de peur qu’en voulant arracher la zizanie vous n’arrachiez aussi le froment ; mais au temps de la moisson je dirai aux moissonneurs : Arrachez d’abord la zizanie, faites-en des gerbes pour les brûler ; mais amassez le froment dans mon grenier[1] ». Cette fin de l’année est la moisson du siècle. « Vous bénirez la couronne des années de votre bonté ». Lorsque tu entends couronne, cela signifie l’honneur de la victoire. Triomphe du démon, et tu seras couronné. « Vous bénirez la couronne des années de votre bonté ». Il nous remet encore la bonté de Dieu sous les yeux, afin que nul ne se glorifie de ses mérites.
17. « Et vos campagnes seront pleines de fécondité, les confins du désert s’engraisseront, et les collines auront une ceinture de joie[2] ». Les campagnes, les collines, les confins du désert, tout cela désigne les mêmes hommes. Dans les plaines tout est de niveau ; donc, à cause de ce niveau, les peuples justes sont comparés à des campagnes. Ce sont des collines à cause de leur élévation ; parce que Dieu élève jusqu’à sa sublimité ceux qui s’humilient. Les confins du désert désignent toutes les nations. Pourquoi confins du désert ? Elles étaient désertes, en effet, puisque nul prophète ne leur était envoyé ; elles étaient donc semblables au désert que nul homme ne traverse. Nulle parole de Dieu n’a été envoyée aux Gentils. Les prophètes n’ont prêché qu’au peuple d’Israël. Alors vint le Seigneur, le froment dont ce peuple d’Israël embrassa la foi. Car le Christ disait à ses disciples : « Vous dites que la moisson est encore éloignée ; levez les yeux, et voyez les campagnes qui blanchissent pour la moisson[3] ». Il y eut donc une première moisson, il y en aura une seconde à la fin des temps. La première moisson se composa de Juifs, parce que c’était à eux que les Prophètes étaient envoyés pour prêcher l’avènement du Sauveur. C’est pourquoi le Seigneur disait à ses disciples : « Voyez comme les campagnes blanchissent pour la moisson » : c’étaient les campagnes de la Judée. « D’autres », leur dit-il encore, « ont travaillé, et vous êtes entrés dans leurs travaux[4] ». Les prophètes ont travaillé pour semer, et vous, c’est avec la faux que vous entrez dans leurs labeurs. La première moisson est donc faite, et c’est de ce premier froment qui fut alors purifié, que l’on a ensemencé toute la terre, pour produire cette autre moisson que l’on doit recueillir à la fin des temps. Dans cette seconde moisson, il a été semé de l’ivraie, de là le travail actuel. De même que dans la première moisson les Prophètes travaillèrent jusqu’à l’arrivée du Sauveur : ainsi, dans cette seconde, ont travaillé les Apôtres, et travaillent tous les prédicateurs de la vérité, jusqu’à la fin des siècles, alors que le Seigneur enverra ses anges pour la récolte. C’était donc tout d’abord le désert, mais « les confins du désert se sont engraissés ». Voilà que dans les endroits où les Prophètes ne s’étaient pas fait entendre, on a reçu le Seigneur des Prophètes : « Les confins du désert s’engraisseront, et les collines auront une ceinture de joie ».
18. « Les béliers dans les troupeaux ont été environnés[5] » : il faut sous-entendre « de joie ». La joie qui faisait une ceinture aux collines, environnait aussi les béliers. Et ces béliers sont les mêmes que les collines. Collines à cause de la sublimité de la grâce ; béliers, comme chefs du bercail. Donc les béliers ou les Apôtres ont été environnés de joie, ils ont tressailli devant leurs moissons, ils n’ont pas travaillé en vain ni prêché inutilement. « Donc les chefs des troupeaux ont été environnés, et les vallées donneront des

  1. Mt. 13,25-30
  2. Ps. 64,13
  3. Jn. 4,35
  4. Id. 38
  5. Ps. 64,14