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cieux leur appartient[1] ». En renonçant à leur propre esprit, ils auront l’esprit de Dieu. Voici ce qu’il dit aux martyrs futurs : « Quand ils vous auront saisis, et qu’ils vous emmèneront, ne vous inquiétez pas comment vous parlerez, ni de ce que vous direz ; car ce n’est point vous qui parlez, mais bien l’Esprit de votre Père qui parle en vous[2] ». Ne vous attribuez point votre force, car si elle venait de vous et non de moi, ce serait une dureté plutôt qu’une force. « Vous retirerez leur esprit et ils tomberont et retourneront dans leur poussière ; vous enverrez votre esprit, et ils seront créés. Car nous sommes l’œuvre de Dieu », nous dit l’Apôtre, « créés dans les bonnes œuvres[3] ». De son esprit nous vient la grâce qui nous fait vivre dans la justice ; car c’est lui qui justifie l’impie[4]. « Vous retirerez leur esprit et ils tomberont ; vous enverrez votre esprit et ils seront créés, et vous renouvellerez la face de la terre » : c’est-à-dire, vous y mettrez des hommes nouveaux, qui confesseront que leur justice ne vient pas d’eux-mêmes, afin que votre grâce soit en eux. Voyez quels sont les hommes par qui la face de la terre a été renouvelée. Saint Paul nous répond : « J’ai travaillé plus que tous les autres ». Qu’est-ce à dire, ô Paul ? Voyez bien si c’est, vous, si c’est votre esprit. « Non pas moi », dit-il, « mais la grâce de Dieu avec moi[5] ».
15. Qu’arrivera-t-il donc lorsque Dieu aura enlevé notre esprit, et que nous serons dans notre poussière, considérant pour notre bien quelle est notre infirmité, afin qu’en recevant l’esprit de Dieu nous soyons renouvelés ? Vois la suite : « Que la gloire de Dieu subsiste à jamais[6] ». Non ta gloire, non la mienne, non celle de celui-ci ou de celui-là, mais « la gloire de Dieu » ; qu’elle subsiste non pour un temps, mais « à jamais ». « Le Seigneur se complaira dans ses œuvres ». Non point dans les tiennes comme venant de toi ; car si tes œuvres sont mauvaises, c’est à cause de l’iniquité qui vient de toi ; si elles sont bonnes, c’est par la grâce de Dieu. « Le Seigneur se complaira dans ses œuvres ».
16. « C’est lui qui regarde ta terre, et elle tremble ; il touche les montagnes, et elles s’embrasent[7] ». O terre, tu t’applaudissais dans ta bonté, tu t’arrogeais tes forces, ton opulence, et voilà qu’un regard du Seigneur te fait trembler. Ah ! qu’il te regarde, et que son œil te fasse trembler ; mieux vaut l’humilité qui tremble, que l’orgueil qui s’applaudit. Voyez comment Dieu regarde la terre et la fait trembler. Voilà que l’Apôtre, s’adressant à une terre qui s’applaudit, qui a confiance en elle-même, lui dit : « Travaillez à vous sauver, avec crainte et tremblement ; car c’est Dieu qui opère en vous[8] ». Voici donc vos paroles, ô bienheureux Apôtre : « Travaillez », c’est le travail qui nous est commandé ; pourquoi « avec tremblement ? » « C’est que Dieu », dit l’Apôtre, « opère en vous ». Ainsi donc c’est parce que « Dieu opère » que nous devons travailler « avec crainte ». Parce que c’est lui qui nous donne, que ce qui est en nous ne vient pas de, nous, il nous faut travailler avec crainte et avec tremblement ; si nous n’avons aucune crainte, il nous ôtera ce qu’il nous a donné. Travaille donc avec crainte ; vois dans un autre psaume : « Servez le Seigneur avec crainte, et tressaillez devant lui avec tremblement[9] ». Si donc notre allégresse doit être mêlée de crainte, Dieu regarde la terre, et elle tremble : que son regard fasse trembler nos cœurs ; et alors Dieu y prendra son repos. Écoute aussi un autre passage : « Sur qui reposera mon esprit ? Sur l’homme humble et calme, sur l’homme qui tremble à ma parole[10]. Lui qui regarde la terre et elle tremble ; qui touche les montagnes « et elles s’embrasent u. Ces montagnes, c’étaient les superbes, qui s’applaudissaient, et que Dieu n’avait pas encore touchés ; il les touche, et les voilà qui s’embrasent. Qu’est-ce que s’embraser pour des montagnes ? Offrir à Dieu leur prière. Voilà donc ces montagnes grandes, superbes, gigantesques, et qui n’invoquent point le Seigneur : elles voulaient être invoquées, sans invoquer aucun supérieur. Quel est sur la terre l’homme puissant, élevé, orgueilleux, qui daigne s’humilier devant Dieu pour prier ? Je parle ici des impies, et non des cèdres du Liban que le Seigneur a plantés. Tous ces impies, toutes ces âmes infortunées, ne savent invoquer le Seigneur, et veulent recevoir les hommages des hommes. Telle est la montagne qui a besoin d’être touchée par le Seigneur, pour s’enflammer ; mais dès qu’elle sera embrasée, sa prière montera vers Dieu comme le sacrifice

  1. Mt. 5,3
  2. Id. 10,19-20
  3. Eph. 2,10
  4. Rom. 4,5
  5. 1 Cor. 15,10
  6. Ps. 103,31
  7. Id. 32
  8. Phil. 2,12-13
  9. Ps. 2,11
  10. Isa. 66,2