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QUATRIÈME DISCOURS SUR LE PSAUME 103

QUATRIÈME SERMON. – QUATRIÈME PARTIE DU PSAUME.

LE MONDE INVISIBLE DANS LE MONDE VISIBLE.

Dieu a tout fait avec une sagesse que plusieurs créatures ne peuvent comprendre, que nous ne pouvons méconnaître sans crime et qui serait notre flambeau si nous la cherchions sincèrement ; cette sagesse est le Verbe de Dieu. Dans ces créatures qui remplissent la terre, arrêtons-nous à l’homme nouveau, qui renonce au passé pour s’occuper uniquement de l’avenir mais pour arriver à cet avenir, il faut passer la mer dont l’eau stérile et amère renferme des reptiles grands et petits ; et nous la passerons dans les vaisseaux ou les Églises que dirige le Christ. Il y a toutefois dans cette mer le dragon qui a empoisonné le genre humain à sa source, et don-t nous devons observer la tête ou repousser les premières suggestions, ce que nous ne pouvons faire que par Jésus-Christ notre vraie lumière. Job en observant cette tête, lui ferma son cœur et ne pécha point en paroles : s’il désire un arbitre, c’est la médiation du Christ. Le pouvoir du dragon est grand, mais il est le jouet des anges qui nous protègent contre lui ; il est tombé et ne peut rien que Dieu ne permette. Prenons alors Jésus-Christ pour chef. Dieu donne le pain à toute créature ; notre pain c’est le Christ ; celui du dragon, c’est nous, si nous sommes éloignés du Christ, si nous devenons terre par nos goûts terrestres. Mais cette nourriture, Dieu doit la donner aux animaux, et au démon qui ne peut toucher à personne, si Dieu ne l’autorise. Cette main que Dieu ouvre pour nous rassasier de ses dons, c’est le Christ ; qu’il se détourne et nous sommes dans le trouble ; et il se détourne quand nous présumons de nous-mêmes. Il nous retire notre esprit ou nos pensées humaines, et nous envoie le sien qui fait de nous des créatures nouvelles. Alors il se complaît dans ses œuvres et nous fait travailler avec crainte ; les cœurs les plus impies s’embrasent d’amour quand il les touche. Cette discussion dont il est parlé à la fin, c’est la discussion de notre conscience, et dès lors notre confession. Alors les pécheurs disparaîtront de la terre, c’est-à-dire que les hommes cesseront d’être pécheurs.


1. Votre charité ne l’a point oublié : sans doute il n’y a qu’une seule parole de Dieu répandue dans toutes les Écritures, et dans toutes les bouches des saints, qu’un seul Verbe qui retentit. Ce Verbe étant au commencement en Dieu[1], n’a là aucune syllabe, puisqu’il n’est point soumis au temps ; mais il n’y a rien d’étonnant que pour se proportionner à notre faiblesse, il s’abaisse jusqu’à nos particules et nos syllabes, puisqu’il s’est abaissé jusqu’à se revêtir de notre chair si fragile. Déjà nous avons fait sur notre psaume plusieurs discours, et pour apercevoir les figures qui n’y sont voilées que pour se découvrir à ceux qui frappent, il nous a fallu pendant quelques jours des heures assez longues pour les lire, les signaler, en expliquer les symboles, les exposer, les développer, les montrer en un mot. Votre charité, dis-je, n’a point oublié qu’hier nous n’avons pu terminer notre psaume, et que nous l’avons remis pour aujourd’hui. Dieu nous a donné du temps pour acquitter notre dette : il m’a donné le moyen d’y satisfaire, à moi qui suis débiteur, et de vous mettre en repos, vous qui êtes mes créanciers : puisse-t-il nous suggérer le bien que nous vous devons rendre, lui qui ne nous a pas rendu le mal que nous méritions !
2. Il vous souvient sans doute, mes frères, et c’est un doux souvenir pour vous, que toutes les fibres de notre cœur ont chanté avec le psaume : « Combien vos œuvres sont admirables, ô mon Dieu ! Vous avez tout fait dans votre sagesse ; la terre est remplie de vos créatures[2] ». Tout ce que Dieu a fait, est fait avec sagesse, fait dans la sagesse. Tout ce qui connaît la sagesse, et tout ce qui ne la connaît point, et qui est néanmoins créé par Dieu, est tait dans la sagesse, fait par la sagesse. Connaître la sagesse, c’est avoir la sagesse pour flambeau ; ne pas la connaître, c’est avoir la sagesse pour créatrice, et demeurer dans la folie : et avoir la sagesse pour lumière, c’est l’avoir encore pour créatrice, mais elle peut être notre créatrice, et non pas notre lumière. Il en est beaucoup parmi les hommes qui ont part à la sagesse, et que l’on nomme sages, comme il en est beaucoup qui l’ignorent, qu’on appelle insensés. Ce nom de fous est une marque de mépris, parce que s’ils étudiaient la sagesse, s’ils la demandaient, s’ils la cherchaient, s’ils frappaient à la porte, ils pourraient

  1. Jn. 1,1
  2. Ps. 103,24