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ce temple qui avait été construit pour symboliser dans l’avenir le corps du Seigneur. Nous avons la lumière, la figure a passé : et toutefois nous sommes encore dans une certaine captivité : « Tant que nous sommes sous notre chair », dit l’Apôtre, « nous sommes éloignés du Seigneur[1] ».
2. Voyez aussi les noms de ces deux cités, Babylone et Jérusalem. Babylone signifie confusion, et Jérusalem, vision de la paix. Fixez votre attention sur la cité de confusion, pour comprendre la cité de la paix ; supportez l’une et soupirez après l’autre. À quoi pouvons-nous distinguer ces deux cités ? Pouvons-nous les séparer l’une de l’autre ? Elles sont mélangées, et mélangées dès l’origine même du genre humain ; elles doivent arriver ainsi jusqu’à la fin des siècles. Jérusalem a commencé par Abel, Babylone par Caïn ; car les murailles de ces villes ne se sont élevées que plus tard. Cette Jérusalem était dans la terre des Jébuséens ; car elle s’appelait d’abord Jébus[2], et la race des Jébuséens en fut chassée, quand le peuple de Dieu, délivré de l’Égypte, fut introduit sur la terre promise. Babylone fut bâtie au milieu des régions de la Perse, et leva longtemps sur les autres nations sa tête orgueilleuse. Ces deux villes ont donc été bâties à des époques fixes, afin d’être la figure de ces autres cités commencées jadis, et qui doivent durer jusqu’à la fin des siècles, mais se séparer à la fin. Comment alors pouvons-nous les montrer, aujourd’hui qu’elles sont mélangées ? Dieu saura les discerner quand il mettra les uns à sa droite, les autres à sa gauche. Jérusalem occupera la droite et Babylone la gauche. Jérusalem entendra ces paroles : « Venez, bénis de mon Père, recevez le royaume qui vous a été préparé dès l’origine du monde ». Babylone s’entendra dire : « Allez au feu éternel préparé au diable et à ses anges[3] ». Toutefois, avec la lumière de Dieu, nous pouvons donner des marques pour distinguer les pieux fidèles, même dès aujourd’hui, et les citoyens de Jérusalem des citoyens de Babylone. Ces deux cités subsistent par deux amours : Jérusalem par l’amour de Dieu, Babylone par l’amour du monde. Que chacun interroge son cœur, et il saura de quelle ville il est citoyen ; et s’il reconnaît qu’il est de Babylone, qu’il extirpe de son cœur les convoitises pour y planter la charité ; s’il se reconnaît au contraire habitant de Jérusalem, qu’il endure la captivité et soupire après sa délivrance, Plusieurs, en effet, qui avaient pour mère la sainte Jérusalem, étaient retenus par leurs convoitises dans la corruption de Babylone, et leurs désirs corrompus en avaient fait des citoyens de cette ville : beaucoup en sont là aujourd’hui encore, et beaucoup après nous continueront à en être là sur cette terre ; mais le Seigneur, qui a fondé Jérusalem, connaît ceux qu’il a prédestinés pour en être les habitants, bien qu’il les voie encore sous le joug du démon, attendant qu’il les rachète par le sang du Christ : il les connaît avant qu’ils se connaissent eux-mêmes. Telle est donc l’allégorie sous laquelle ce psaume est chanté. Aussi a-t-il dans son titre le nom de deux prophètes qui existaient aux jours de la captivité, de Jérémie et d’Ézéchiel qui chantaient, « lorsqu’ils commençaient à sortir ». Commencer à sortir, c’est commencer à aimer. Il en est beaucoup en effet qui sortent secrètement, et les affections du cœur sont les pieds de ceux qui sortent ; et ils sortent de Babylone. Qu’est-ce à dire, de Babylone ? De la confusion. Comment sortir de Babylone ou de la confusion ? Ceux qui étaient d’abord mélangés par de semblables désirs commencent à se distinguer par la charité ; une fois séparés, ils ne sont plus dans la confusion. Et s’ils sont encore mélangés d’une manière corporelle, du moins ils sont séparés par leurs saintes aspirations. Écoutons donc maintenant, mes frères, écoutons ; et que nos désirs soient bien ceux de notre cité. Et quelle est donc la joie que nous chante le Prophète ? Comment raviver en nous cet amour de notre cité qu’un trop long éloignement nous a fait oublier ? Mais c’est de là que notre Père nous a envoyé ses lettres, que Dieu nous a fait parvenir ses saintes Écritures, lettres qui nous ont inspiré le désir du retour ; car, aimer notre éloignement, c’était passer à l’ennemi, et tourner le dos à la patrie. Quel est donc l’objet de ces chants ?
3. « C’est en Sion, ô Dieu, qu’il convient de chanter votre gloire[4] ». Sion est notre patrie ; car Sion n’est autre que Jérusalem ; et vous devez connaître le sens d’un tel nom. De même que Jérusalem signifie vision de la paix, de même Sion signifie regard, ou vision

  1. 2 Cor. 5,6
  2. 2 Sa. 5,6 ; Jos. 18,28
  3. Mt. 25,34-41
  4. Ps. 64,2