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mais d’agir. Chanter et agir, c’est chanter sur la harpe et sur le psaltérion.
6. Vois quels instruments servent ici de comparaison : « Chantez sur les trompettes ductiles, et sur les trompettes de corne ». Que signifient ces trompettes ductiles, ces trompettes de corne ? Les trompettes ductiles sont d’airain, et faites au marteau. Si c’est au marteau, c’est donc à force de coups. Vous serez alors des trompettes ductiles, battus pour la louange de Dieu, si vous avancez dans la piété au milieu des tribulations. Car la tribulation est le coup de marteau, et vos progrès seront l’extension de la trompette. Job était une trompette ductile, quand soudain, frappé de tant de malheurs, privé de ses enfants, il devint sous les coups si multipliés de la tribulation une trompette ductile, et jeta ce son harmonieux : « Dieu l’a donné, Dieu l’a ôté ; comme il a plu au Seigneur, il a été fait ; que de nom du Seigneur soit béni[1] ». O son délicieux ! Agréable harmonie ! On frappe une seconde fois cette trompette ductile ; Job est livré au pouvoir de Satan, afin d’être frappé dans sa chair ; et sa chair est frappée, tombe en pourriture, devient la proie des vers : son Épouse, nouvelle Eve, dont Satan veut se servir non pour le consoler, mais pour le séduire, lui suggère le blasphème ; mais Job résiste. Adam céda aux suggestions d’Eve dans le paradis[2] ; Adam sur son fumier repousse la nouvelle Eve. Car Job était assis sur le fumier quand le pus et les vers tombaient de ses plaies. Or Job, en pourriture sur son fumier, est plus fort qu’Adam plein de santé dans le paradis. Cette Épouse était encore Eve, mais Job n’était plus Adam. Il a une réponse pour celte Eve qui doit être pour lui la séduction, les embûches, et il s’écrie (voyez comme ce clairon est bien frappé. Satan l’a couvert d’une plaie effrayante ; des pieds à la tête, en pourriture, en proie aux vers, il est assis sur un fumier. Après avoir vu comment il a été frappé, écoutons ce son qu’il rend ; écoutons, s’il vous plaît, l’harmonie de cette trompette ductile) ; « Vous avez parlé », dit-il à sa femme, « comme une femme des plus insensées. Si nous avons reçu les biens de la main de Dieu, pourquoi n’en pas recevoir les maux[3] ? » Éclatante harmonie, suave harmonie ! Qui ne tirerait-elle point du sommeil ? Qui ne serait point porté à se confier en Dieu pour marcher en sécurité contre le diable, comptant sur les forces de celui qui nous éprouve, et non sur ses propres forces ? C’est Dieu même qui nous frappe aussi ; car le marteau ne peut rien de lui-même. Et le Prophète, parlant de la peine que Satan subira dans l’avenir, s’écrie que « le marteau de toute la terre a été brisé à son tour[4] ». Par ce marteau de la terre, il entend le diable. C’est ce marteau qui est en la main de Dieu, ou plutôt en la puissance de Dieu, et qui frappe les trompettes ductiles pour en tirer les louanges de Dieu. Voyez aussi comment (j’oserai bien vous le dire, mes frères), ce marteau frappait aussi saint Paul : « De peur que la grandeur de ces révélations ne me donne de l’orgueil, un aiguillon a été mis en ma chair, ange de Satan, pour me souffleter ». Le voilà martelé, voyons les sons qu’il va rendre. « C’est pourquoi », poursuit-il, « j’ai prié trois fois le Seigneur de l’éloigner de moi ; et il m’a répondu : Ma grâce te suffit, car la vertu se perfectionne dans la faiblesse[5] ». Je veux, dit ce divin ouvrier, perfectionner une telle trompette, et je ne le puis que par le marteau. « La vertu s’affermit dans la faiblesse ». Écoutez maintenant la parfaite harmonie de cette trompette. « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort[6] ». L’Apôtre lui-même, s’attachant comme Apôtre au Christ, s’attachant à cette droite qui tient le marteau pour en frapper le clairon, placé dans cette même droite, se sert aussi du marteau ; car il dit de quelques-uns : « Je les ai livrés à Satan, afin qu’ils apprennent à ne plus blasphémer ». Il les a livrés au marteau qui doit les frapper. Ces trompettes sonnaient faux avant d’être battues ; et peut-être que devenues ductiles sous le marteau, elles ont oublié le blasphème pour chanter les louanges de Dieu. Voilà ces trompettes ductiles.
7. Qu’est-ce que la trompette faite avec la corne ? La corne est au-dessus de la chair. Or, en s’élevant au-dessus de la chair elle doit nécessairement se durcir, et ainsi durer longtemps et rendre un son. Mais pourquoi cela ? parce quelle est au-dessus de la chair. Pour être donc une trompette en corne, il faut s’élever au-dessus de la chair ? Qu’est-ce à dire au-dessus de la chair ? S’élever au-dessus des affections charnelles, vaincre les passions de la chair. Écoute ces trompettes de corne.

  1. Job. 1,21
  2. Gen. 3,6
  3. Job. 1,11
  4. Jer. 1,23
  5. 2 Cor. 12,7-10
  6. 1 Tim. 1,20