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redouble d’attention. De même que le Prophète, après avoir dit : « Au sortir du sein virginal », craint pour notre foi que nous ne venions à croire que le Christ a commencé à dater de sa naissance du sein de la Vierge, et qu’il ajoute aussitôt : « Je t’ai engendré avant l’étoile du matin » ; de même ici, après avoir dit : « Depuis lors », c’est-à-dire depuis un certain temps, depuis le jour qui précède le sabbat, depuis le sixième âge du monde, quand le Christ Notre-Seigneur vint en sa chair, parce qu’il voulut bien se faire homme pour nous, lui qui est Dieu, non seulement avant Abraham, mais avant le ciel et la terre, lui qui a dit : « Je suis avant qu’Abraham fût[1] », et non seulement avant Abraham, mais avant Adam ; et non seulement avant Adam, mais avant les anges, avant le ciel et la terre, puisque toute chose a été faite par lui : le Prophète craint que ce jour de la naissance du Sauveur dans le temps, ne te fasse croire que c’est alors seulement qu’il commença son existence, et il ajoute : « Un trône vous a été préparé, ô Dieu ». Mais quel Dieu ? « Vous êtes de tout siècle », ou de toute éternité, ἀπὸ αἰῶνος : ainsi porte le grec qui se sert de αἰὼν, tantôt pour désigner le siècle, tantôt pour désigner l’éternité. O vous donc que l’on croirait né de ce moment, vous êtes de toute éternité. Ne nous arrêtons pas à une naissance humaine, élevons-nous à l’éternité divine. Sa vie du temps a donc commencé à sa naissance : il a crû en âge, vous l’avez entendu dans l’Évangile ; il a choisi ses disciples, les a remplis de l’Esprit-Saint, et ils ont commencé à prêcher. C’est là peut-être ce qui est dit ensuite.
7. « Les fleuves ont élevé leur voix[2] ». Quels sont ces fleuves qui ont élevé leur voix ? Rien ne l’indique : à la naissance du Sauveur, nous ne voyons pas que les fleuves aient parlé, non plus qu’à son baptême et à sa passion, nous n’entendons pas la voix des fleuves. Lisez l’Évangile, vous ne verrez point que les fleuves aient parlé. C’est peu de parler, « ils ont élevé leur voix » Non seulement ils ont parlé, mais avec force, mais avec fracas. Quels sont ces fleuves qui ont parlé ? L’Évangile n’en fait pas mention, disons-nous, cherchons-y néanmoins. Car où le trouver, sinon dans l’Évangile ? Je pourrais peut-être inventer, mais au lieu d’être un fidèle dispensateur, je ne serais plus qu’un fabuliste. Cherchons dans l’Évangile, cherchons ensemble quels sont ces fleuves qui élevèrent la voix. « Jésus se tenait debout et criait », lisons-nous dans l’Évangile. Que criait-il ? Voilà déjà la tête de tous les fleuves qui crie ; lui, la source d’où les autres fleuves doivent prendre leur écoulement, élève la voix le premier. Et que disait Jésus en se tenant debout ? « Celui qui croit, comme le dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive couleront de son sein ». Et l’Évangéliste continue : « Il parlait ainsi à cause de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croyaient en lui. Mais le Saint-Esprit n’était pas encore donné, car Jésus n’était pas encore glorifié[3] ». Or, après que Jésus fut glorifié par la résurrection et par l’ascension, comme vous le savez, mes frères, et que furent écoulés dix jours qui étaient figuratifs, il envoya l’Esprit-Saint, qui remplit les disciples[4]. Cet Esprit-Saint est donc le grand fleuve qui remplit beaucoup d’autres fleuves. C’est de ce fleuve que le Psalmiste a dit ailleurs : « Un fleuve impétueux porte la joie dans la cité de Dieu[5] ». Des fleuves s’échappèrent donc du sein des disciples, quand ils reçurent le Saint-Esprit. Ils devinrent des fleuves d’Esprit-Saint. Comment ces fleuves élevèrent-ils la voix ? et pourquoi ? D’abord parce qu’ils avaient craint. Pierre n’était pas encore un fleuve quand la question d’une servante lui fit renier le Christ jusqu’à trois fois : « Je ne connais point cet homme[6] ». La crainte le fait mentir ; il n’élève pas encore la voix, il n’est pas encore un fleuve. Mais lorsqu’ils furent tous pleins du Saint-esprit, et que les Juifs les firent comparaître pour leur défendre de parler aucunement de Jésus et d’enseigner en son nom, Pierre et Jean leur dirent : « Jugez s’il est juste devant Dieu, de vous obéir plutôt qu’à Dieu ; car nous ne pouvons pas taire les choses que nous avons vues et entendues. Ces fleuves élevèrent la voix, et répondirent à la voix des grandes eaux ». C’est à cette voix qui s’élève que revient ce qui est écrit : « Pierre se tenant debout avec les « onze, et élevant la voix, s’écria : Hommes de Judée[7] » ; et le reste qu’il ajouta en leur prêchant Jésus-Christ sans crainte et avec une grande confiance. « Les fleuves ont élevé la

  1. Jn. 8,58
  2. Psa. 92,3
  3. Jn. 7,37-39
  4. Act. 2,4
  5. Ps. 45,5
  6. Mt. 26,69-74
  7. Act. 2,14