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plus tard ». Voyons si plus tard ils ont compris, si plus tard il leur a exposé ce qu’il faisait alors, afin de voir le Seigneur ceint de sa force, car toute sa force était dans son humilité. Quand il leur eut lavé les pieds, il s’assit de nouveau, et leur dit : « Vous m’appelez Maître, et vous dites vrai ; je le suis en effet : vous m’appelez Seigneur, et vous dites vrai, car je le suis. Si donc moi, votre Maître et votre Seigneur, j’ai lavé vos pieds, comment devez-vous agir les uns envers les autres[1] ? » Si donc c’est dans l’humilité qu’est la force, ne craignez pas les orgueilleux. Les humbles sont comme la pierre ; elle paraît abaissée, mais elle est solide. Que sont les orgueilleux ? Semblables à la fumée, ils ne s’élèvent que pour s’évanouir. Donc il nous faut rapporter à l’humilité du Seigneur cette ceinture dont nous parle l’Évangile, et qu’il mit devant lui, pour laver les pieds à ses Apôtres.
4. On pourrait encore donner un autre sens à cette parole. Nous avons dit que praecingere c’est mettre une ceinture, mais devant soi. Or, nos détracteurs parlent quelquefois en mal de nous, mais en notre absence, et comme derrière nous ; d’autres le font en face, comme au Seigneur à la croix : « S’il est le Fils de Dieu, qu’il descende de la croix[2] ». Or, nous n’avons pas réellement besoin de courage quand on ne médit de nous qu’en notre absence ; car nous n’entendons pas, nous ne sentons rien ; mais quand on nous outrage en notre présence, il nous faut alors du courage. Qu’est-ce à dire du courage ? Oui, pour supporter ; car n’allez pas croire qu’il y a du courage à vous laisser vaincre par l’outrage que vous entendez, et à frapper le coupable. Frapper un insolent, ce n’est pas être courageux, c’est être vaincu par la colère. Or, il y a folie à donner le nom de fort à un homme vaincu ; quand l’Écriture dit que « l’homme qui dompte sa colère, est plus fort que celui qui prend les villes[3] ». Un preneur de villes est donc inférieur à l’homme qui surmonte sa colère. Tu as dans toi-même un rude adversaire. Quand l’outrage soulève en toi la colère, et te pousse à rendre le mal pour le mal, souviens-toi de cette parole de l’Apôtre : « Ne rendez à personne le mal pour le mal, ni l’outrage pour l’outrage[4] ». Ces paroles étoufferont ta colère et te fortifieront : et comme ces paroles te sont dites en face, et non par-derrière, elles seront une ceinture devant toi.
5. Allons plus loin, le psaume est court. « Il a consolidé la terre qui ne sera point ébranlée[5] ». Vous le voyez, mes frères, beaucoup ont embrassé la foi de Jésus, c’est le grand nombre : et pourtant dans ce grand nombre, l’Évangile qu’on a lu vous le disait tout à l’heure, le Seigneur viendra le van à la main, et il purgera son aire, serrant le froment dans son grenier, et jetant les pailles au feu inextinguible[6]. Il y a donc sur toute la terre des bons et des méchants, des bons qui sont le grain, des méchants qui sont la paille. Le fléau dans l’aire brise la paille qui tombe et nettoie le froment. Qu’est-ce donc que cet univers qui ne sera point ébranlé ? Le Prophète ne tiendrait point ce langage s’il n’y avait aussi un univers qui s’ébranlera. Il y a donc un univers qui demeurera ferme, tandis qu’un autre univers doit chanceler. On appelle univers, en effet, les bons qui demeurent fermes dans la foi : et qu’on ne dise point qu’ils sont en un endroit, ils sont partout ; de même que les méchants, qui doivent abandonner la foi au souffle de la moindre tribulation, sont aussi partout, Il y a donc un univers mobile et un univers immobile, dont parle saint Paul. Vois cet univers mobile : « De ce nombre sont Hyménée et Philète, qui se sont écartés de la vérité, en disant que la résurrection est déjà faite, et qui bouleversent la foi de quelques-uns[7] » : je vous le demande, quels sont ces hommes dont parle saint Paul ? Appartenaient-ils à cet univers qui est inébranlable ? Ils étaient la paille : et ils bouleversent la foi, dit l’Apôtre. Il ne dit point la foi de tous : et s’il disait de tous, nous devrions comprendre de tous ceux qui appartiennent à la cité de Babylone, qui doit être damnée avec le diable. Néanmoins il dit la foi de quelques-uns. Et comme si l’on demandait : Qui pourra leur résister ? il ajoute aussitôt « Mais le solide fondement de Dieu subsiste[8] », Voilà que tu connais l’univers qui sera inébranlable. « Voici quel en est le signe ». Quel est le signe de ce fondement solide ? « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui ». Tel est l’univers qui ne chancellera point : « Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui ». Et

  1. Jn. 13,4-15
  2. Mat. 27,40
  3. Prov. 16,32
  4. 1 Pi. 3,9
  5. Ps. 112,1
  6. Mt. 12,12
  7. 2 Tim. 2,17-18
  8. Id. 19