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DISCOURS SUR LE PSAUME 91

SERMON AU PEUPLE.

LE SABBAT DIVIN.

Ici-bas nous sommes dans l’attente des promesses divines, nous avons la foi et l’espérance qui se transformeront un jour en charité ; aimons donc le Seigneur, soit qu’il nous châtie, soit qu’il nous console. Le sabbat, qui est pour nous la cessation de tout péché, tel est le titre du psaume. Le méchant n’a pas ce sabbat qui est la joie dans la paix, le repos dans les promesses de Dieu, et que trouble ce que l’on voit parmi les hommes. Si nous faisons le bien, nous en sommes redevables à Dieu ; si nous faisons le mal, il ne faut s’en prendre ni à Satan qui ne peut nous forcer, ni an destin comme s’il était quelque chose en dehors de Dieu ; nos fautes viennent de nous seulement, nos bonnes actions viennent de Dieu ; cherchons sou nom ou sa gloire dans la prospérité, ou dans l’adversité que nous attirons par nos crimes. Chanter sur le psaltérion, c’est faire le bien ordonné par le Décalogue ; et cela vient de Dieu, puisque par nature nous sommes menteurs en paroles et en actions. Si l’impie est dans la prospérité ici-bas, souvenons-nous que le Christ a souffert sur la terre ; l’impie alors est un poisson qui avale avec sa proie l’hameçon qui le perdra. Dieu est patient parce qu’il est éternel, tandis que l’impie se fanera comme l’herbe. Dieu corrige celui à qui il destine son héritage. Or, les méchants qu’il laisse en paix, n’ont rien à attendre de lui, taudis que le juste sera comme le palmier ou le cèdre que le soleil ne dessèche point. Ayons donc le véritable amour de Dieu, et nous ne l’accuserons plus, puisqu’il a l’éternité.


1. Écoutons ce psaume avec attention : que lieu nous donne de découvrir les mystères qu’il renferme, puisque c’est pour éviter à notre esprit tout dégoût que les mêmes enseignements nous sont donnés sous des formes différentes. Toutes les instructions en effet’ que Dieu nous donne, se réduisent à la foi, à l’espérance, à la charité : afin que notre foi s’affermisse en lui, tant que nous ne le voyons pas encore ; qu’après avoir cru en lui sans le voir nous nous réjouissions quand nous le perrons, et qu’à notre foi succède la vision, alors qu’on ne nous dira plus : Croyez ce que tous ne voyez point ; mais bien : Jouissez de ce que vous voyez ; afin que notre espérance soit immuable, et que, fixée en Dieu, elle ne subisse ni changement, ni fluctuation, ni agitation, comme Dieu qui en est la base, n’est assujetti à aucun ébranlement. C’est maintenant une espérance, mais à l’espérance un jour succédera la réalité. Elle porte en effet le nom d’espérance tant que nous ne voyons pas ce qui en est l’objet, comme l’a dit l’Apôtre : « L’espérance qui verrait se serait plus une espérance : comment espérer ce que l’on voit déjà ? Si donc nous ne voyons pas ce que nous espérons, nous l’attendons par la patience[1] ». Il nous faut donc la patience, jusqu’à ce que vienne ce qui nous est promis. Mais la patience n’existe point quand on est heureux, et l’on ne demande la patience qu’à l’homme qui souffre : on lui dit : De la patience, souffrez, endurez ; c’est une peine dans laquelle Dieu vous demande le courage, la force, la résignation, la patience. Mais vous fait-on des promesses mensongères ? Un médecin prépare son fer pour tailler des blessures, et il dit à celui qu’il va tailler : De la patience, de la force, de la constance. Il demande la patience pendant la douleur, et après la douleur il promet la guérison. Si le malade qui gémit sous le fer du médecin ne se proposait la santé qu’il n’a pas, il se laisserait abattre par la douleur qu’il endure. Il est donc beaucoup de douleurs à supporter en cette vie ; au dedans, au-dehors, partout et sans cesse des scandales : et nul n’en est touché, comme celui qui marche dans la voie de Dieu. À chaque page la sainte Écriture lui prêche la patience : dans les maux présents, l’espérance ; dans l’avenir, l’amour de Celui qu’il ne voit pas, afin de l’embrasser quand il le verra. Car la charité, cette troisième vertu, que l’on joint à la foi et à l’espérance, est plus grande que l’une et l’autre[2] : la foi ayant pour objet les choses que l’on ne voit point, ne sera plus quand viendra la vision. De même l’espérance a pour objet ce que l’on ne possède point encore, et n’existera plus lorsque nous jouirons de cet objet : ce ne

  1. Rom. 8,24-25
  2. 1 Cor. 13,13