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DISCOURS SUR LE PSAUME 90==

PREMIER SERMON.

LES TENTATIONS.

Le Christ fut tenté afin de nous laisser l’exemple. Imitons-le, non point dans ses miracles, mais dans sa passion, afin d’entrer par la porte ou par lui-même. Qu’il soit notre refuge dans les persécutions des hommes et dans les attaques invisibles de l’ennemi, dont le pouvoir ne vient que de Dieu. Habiter dans le secours du Seigneur, c’est imiter le Christ de manière à n’être ni séduit ni intimidé par le monde, c’est compter sur lui et non sur nous, sur lui qui nous délivrera des pièges si nous marchons en lui, et de la parole amère ou des insultes des méchants, qui intimident le chrétien prêt à entrer dans la voie plus parfaite. Mais alors, envisageons le Sauveur insulté à la croix ; il nous abritera de ses ailes comme la poule protège ses poussins, faveur que refusa Jérusalem. Ne présumons donc point de nos forces, et il sera pour nous un bouclier, car il discerne le pécheur qui s’humilie du pécheur orgueilleux. Parmi les tentations, les unes sont légères, comme la frayeur de la nuit, la flèche qui vole pendant le jour ; c’est la mort décrétée contre ceux qui se déclarent chrétiens ; les autres sont graves, comme le mal qui se glisse dans l’ombre, ou le démon du midi, c’est la torture jusqu’à l’abjuration. Alors il en tomba mille à côté du Sauveur, ou des plus parfaits qui devaient siéger parmi les juges, et dix mille à sa droite, c’est-à-dire de ceux qui devaient être à sa droite avec les justes. Ne comptons que sur le Christ, et nous n’aurons rien à craindre.


1. C’est de ce psaume que le diable osa bien abuser pour tenter Jésus-Christ Notre-Seigneur. Écoutons-le donc afin de pouvoir résister au tentateur, sans compter sur nous-mêmes, mais sur celui qui fut tenté le premier, afin que nous ne fussions point vaincus dans la tentation. Pour lui, la tentation n’était point nécessaire, et la tentation du Christ est une leçon pour nous. Considérer ce qu’il répondit au diable, afin de faire les mêmes réponses aux mêmes assauts : c’est entrer par la porte comme vous l’avez entendu dans l’Évangile. Qu’est-ce à dire, en effet, entrer par la porte ? C’est entrer par le Christ, car lui-même a dit : « C’est moi qui suis la porte[1] ». Qu’est-ce que entrer par le Christ ? Marcher sur ses traces. En quoi devons-nous marcher sur les traces du Christ ? Est-ce avec cette magnificence d’un Dieu revêtu de notre chair ? Nous veut-il exhorter à faire des miracles semblables à ses miracles, et l’exige-t-il de nous ? Et Notre-Seigneur Jésus-Christ, ne gouverne-t-il pas maintenant le monde, et ne l’a-t-il pas toujours gouverné avec son Père ? Et quand il appelle l’homme à lui, pour en faire son imitateur, est-ce afin de gouverner par lui le ciel et la terre et tout ce qu’ils renferment ? Ou bien est-ce pour en faire un créateur, afin que tout soit fait par lui, comme tout a été fait par le Christ ? Non, ce Dieu Sauveur et Seigneur Jésus-Christ ne l’invite point à faire ce qu’il a fait dès le commencement, et dont il est dit : « Tout a été fait par lui[2] » ; ni ces œuvres qu’il a opérées sur la terre. Il ne te dit point : Tu ne seras mon disciple qu’à la condition de marcher sur la mer[3], ou de ressusciter un mort de quatre jours[4], ou d’ouvrir les yeux d’un aveugle-né[5]. Ce n’est point cela non plus. Qu’est-ce donc que entrer par la porte ? « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur[6] ». Il te faut donc considérer en lui, et imiter ce qu’il est devenu pour toi. Quant aux miracles, il en a fait même avant de naître du sein de Marie. Qui en a jamais fait, sinon celui dont il est dit que « seul vous faites des merveilles[7] ? » Ce n’est que par sa toute-puissance qu’ont agi ceux qui ont fait des merveilles avant lui : Elie n’a ressuscité un mort que par la vertu du Christ[8]. À moins peut-être que Pierre n’ait été plus grand que le Christ, puisque le Christ parlait au moins au malade pour le ressusciter[9], tandis que l’on exposait les malades par où Pierre allait passer, afin que son ombre les touchât[10]. Pierre avait-il donc plus de puissance que le Christ ? Quel homme assez en démence osera le dire ? D’où venait donc à Pierre son grand pouvoir ? C’est que le Christ était en Pierre. Aussi a-t-il dit : « Tous ceux

  1. Jn. 10,7
  2. Jn. 1,3
  3. Mt. 14,25
  4. Jn. 11,38-44
  5. Id. 9,1-7
  6. Mt. 11,29
  7. Ps. 81,18
  8. 1 R. 16,22
  9. Jn. 5,5-9
  10. Act. 5,15