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DISCOURS SUR LE PSAUME 85

SERMON AU PEUPLE DE CARTHAGE.

LES ESPÉRANCES DE L’ÉGLISE.

C’est Jésus-Christ uni à son corps ou l’Église qui parle dans ce psaume. Ne craignons pas d’y trouver des paroles qui conviennent à Dieu, et d’autres à l’homme seulement. C’est le même que l’on invoque comme un Dieu, et qui prie en nous comme un homme. Dieu s’est incliné vers nous qui l’avions offensé ; telle est sa miséricorde, et il garde sa vie pour les justes. Il prête l’oreille à celui qui est humble, qui sent le besoin de miséricorde, qui n’espère point dans les richesses. Abraham était riche et fut glorifié aussi bien que Lazare. Car Dieu pèse l’intérieur, et c’est par l’âme que nous sommes riches ou pauvres. En son humanité le Christ dit : Gardez mon âme, et il était alors une chair, une âme et le Verbe. Le chrétien peut se dire saint ; mais sanctifié par son chef, et non se sanctifiant lui-même ; il gémit tout le jour dans la succession des siècles. Elevons donc nos âmes vers Dieu, afin qu’il répande en elles quelque joie, et que nous les garantissions de la corruption ; élevons-les en changeant de volonté. Fatiguée de la terre où elle rencontre soit les méchants scandaleux, soit les justes dont elle craint la perte, l’âme du Prophète s’élève à Dieu et déplore les difficultés qu’elle éprouve à demeurer en lui ; mais elle s’applaudit de ce que Dieu oublie nos dissipations pour nous écouter favorablement. Car il est miséricordieux pour ceux qui lui demandent ce qui aboutit au salut. Il exauce Satan qui veut éprouver Job, il n’exauce pas saint Paul qui veut être délivré de l’épreuve. Ne lui demandons pas ce qu’il ne veut point. S’il donne aux impies les biens de la terre, que ne réserve-t-il pas à ceux qui le servent ? C’est le ciel. Or, un malade qui vent guérir, endure tout de la part du médecin qui est faillible, et la santé qu’il rend n’est pas inaltérable. Quelle ne doit pas être notre espérance pour le ciel ? Dieu nous exauce quand nous crions vers lui, dans l’affliction ; or, c’est pour un chrétien une affliction que n’habiter pas le ciel. Ce n’est point assez pour nous des richesses d’ici-bas, quand nous serions assurés de les posséder éternellement, il nous faut Dieu, et nul n’est semblable à Dieu les autres ne sont que des démons. Toutes les nations se prosterneront devant lui, car l’Église est composée de tous les peuples, et non de l’Afrique seulement, comme le prétend Donat. Tous ne forment qu’une seule Église comme il n’y a qu’une seule patrie céleste. C’est là que le Seigneur nous conduira par sa voie qui est le Christ, en nous donnant sa main qui est le Christ pour arriver à la vérité, qui est le Christ, et à la vie, encore le Christ. C’est ce Christ qui nous a tirés de l’enfer inférieur, c’est-à-dire ou bien de la région des morts, ou de la région qu’habite le mauvais riche, en nous remettant nos péchés. Les violateurs de la loi se sont élevés contre le Christ, en l’accusant de la violer ; ils n’ont pas compris qu’il fût Dieu ; de même les impies, au jugement, ne verront que l’homme qu’ils ont crucifié. Il sauvera le fils de la servante, ou le chrétien fils de l’Église. Ses ennemis ne le verront point sans confusion : qu’ils saisissent ici-bas l’occasion d’une confusion salutaire, et les misères de cette vie se changeront en une véritable joie, une joie sans fatigue.


1. Dieu ne pouvait faire aux hommes un don plus excellent que de leur accorder pour chef son Verbe, par lequel il a créé toutes choses, et de les unir à lui comme ses membres, afin qu’il fût tout à la fois fils de Dieu et fils de l’homme, un seul Dieu avec le Père, un seul homme avec les hommes ; afin qu’en adressant nos prières à Dieu, nous n’en séparions pas le Fils, et que le corps du Fils, offrant ses prières, ne soit point séparé de son chef. Ainsi Notre-Seigneur Jésus-Christ, unique Sauveur de son corps mystique, prie tour nous, prie en nous, et reçoit nos prières. Il prie pour nous comme notre prêtre, il prie en nous comme notre chef, il reçoit nos prières comme notre Dieu. Reconnaissons donc, et que nous parlons en lui, et qu’il parle en nous. Et quand il est question de Jésus-Christ Notre-Seigneur, surtout dans les prophéties, surtout quand il en est question d’une manière qui paraît indigne de Dieu, ne craignons pas de l’y retrouver, pas plus qu’il n’a craint de s’unir à nous. Toute créature lui est assujettie, puisque c’est par lui que toute créature a été faite. Aussi quand nous envisageons sa divinité, quand nous entendons : « Au commencement était le Verbe, elle Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu ; il était au commencement en Dieu ; tout a été fait par lui, et rien sans lui[1] » ; lorsque nous considérons cette divinité suréminente du Fils de Dieu qui plane au-dessus de ce qu’il y a de plus sublime parmi les créatures, et que nous l’entendons aussi gémir en quelques endroits de l’Écriture, et prier, et confessant ses fautes ; nous hésitons alors à lui attribuer ces paroles, parce que notre esprit ne quitte point facilement ces hauteurs d’où il contemplait sa divinité pour descendre à une humilité si profonde. Il craint de lui faire injure, en retrouvant chez

  1. Jn. 1,1-3