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Ignorez-vous donc pourquoi ? « J’ai attendu qu’Israël fît la justice, il a fait l’iniquité[1] ». Ne fallait-il donc point renverser la clôture ? Alors sont venues les nations, et sur les ruines de la clôture ont envahi la vigne et détruit le royaume des Juifs. C’est ce que déplore Asaph, mais non sans quelque espérance. Car il parle maintenant pour le redressement du cœur, et ce psaume est pour les Assyriens, ou ceux qui se redressent. « Pourquoi avez-vous renversé sa clôture ? et voilà qu’elle est au pillage de tous ceux qui passent par le chemin ». Qu’est-ce à dire : « Ceux qui passent par le chemin ? » Ceux qui ont une domination temporelle.
11. « Le sanglier de la forêt l’a dévastée[2] ». Que faut-il entendre par ce sanglier de la forêt ? Le pourceau était en horreur chez les Juifs, parce qu’il était pour eux l’image de l’impureté des Gentils. Or, ces Gentils ont détruit le royaume des Juifs ; mais le roi qui l’a détruit n’était pas seulement un pourceau à leurs yeux, c’était un sanglier. Qu’est-ce qu’un sanglier, sinon un porc sauvage, un porc orgueilleux ? « Le sanglier de la forêt l’a ravagée ». « De la forêt », ou de la gentilité. Car la Judée était une vigne, les Gentils une forêt. Mais qu’a dit le Prophète, à propos de ces Gentils qui avaient embrassé la foi ? « Alors bondiront tous les arbres des forêts[3]. Le sanglier de la forêt l’a dévastée ; la bête solitaire en a fait sa proie ». Qu’est-ce que « la bête solitaire ? » Ce même sanglier, qui est une bête solitaire, vit à part à cause de sou orgueil. Tel est en effet le langage de tout homme superbe : C’est moi, c’est moi, il n’y a que moi.
12. Mais quel est le fruit de tout cela ? « Dieu des vertus, revenez enfin vers nous ». Nonobstant toutes ces catastrophes, « revenez enfin, regardez du haut des cieux, et voyez, visitez cette vigne. Amenez à la perfection celle que votre droite a plantée[4] ». Perfectionnez-la sans en planter une autre. Car elle est la postérité d’Abraham, cette race en qui toutes les nations de la terre doivent être bénies[5]. Là est la racine qui porte l’olivier sauvage, greffé depuis. « Rendez parfaite cette vigne que votre droite a plantée ». Mais comment la perfectionner ? « Affermissez-la dans ce fils de l’homme en qui vous avez consolidé votre gloire ». Quoi de plus clair ? Attendez-vous, mes frères, que je vous explique ces paroles ? Ne vaut-il pas mieux répéter dans notre admiration : « Perfectionnez cette vigne, que votre droite a plantée, et perfectionnez-la dans le fils de l’homme ? » Quel fils de l’homme ? « Celui en qui vous avez consolidé votre gloire ». O fondement inébranlable ! bâtissez tant que vous pourrez. « Nul en effet ne peut en poser d’autre que celui qui a été posé, et qui est le Christ Jésus[6] ».
13. « Tout ce que le feu a brûlé, tout ce qui est creusé périra par la menace de votre colère[7] ». Quels sont ces lieux brûlés et creusés par le feu, qui doivent périr devant la menace de son visage ? Voyons et comprenons ce que le feu peut brûler et creuser. Qu’est-ce que le Christ a menacé ? les péchés : les péchés ont donc été détruits par les menaces de son visage. Tous les péchés n’ont chez l’homme que deux racines : la cupidité et la crainte. Examinez, sondez vos cœurs, interrogez-les, approfondissez vos consciences, et voyez si les péchés peuvent venir d’autre part que de la crainte ou de la cupidité. On te propose un appât pour commettre le mal ; cet appât te plaît, et tu pèches parce que tu le désires. Mais si cet appât ne saurait te persuader, on t’effraie par des menaces, et tu agis sous l’empire de la crainte. Un homme veut te corrompre et t’amener au faux témoignage. Il y a mille rencontres semblables, mais je propose la plus claire, et qui laisse à juger des autres. Tu penses donc à Dieu, tu dis en toi-même : « Que sert à l’homme de gagner l’univers, s’il vient à perdre son âme[8] ? » Jamais le gain ne me dominera, jamais je ne perdrai mon âme pour un peu d’argent. Alors le tentateur a recours à la crainte ; il n’a pu corrompre par l’appât, il a recours aux menaces ; la perte des biens, le bannissement, la violence et peut-être la mort, voilà ses ressources. Les promesses ont échoué, les menaces auront peut-être plus d’efficacité sur vous. Mais s’il ne vous a fallu, pour résister à l’appât du gain, que cette parole de l’Écriture : « Que sert à l’homme de gagner l’univers entier, s’il vient à perdre son âme » ; souvenez-vous de cette autre contre la crainte : « Ne redoutez point ceux qui tuent le corps, et qui ne peuvent tuer

  1. Isa. 5,2.5-7
  2. Ps. 79,14
  3. Id. 95,12
  4. Id. 89,15-16
  5. Gen. 22,18
  6. 1 Cor. 3,11
  7. Ps. 79,17
  8. Mt. 16,26