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tu es éprouvé par la tentation, tu dois voir en cela l’action de sa puissance ; mais sa miséricorde se manifeste, quand il ne permet pas que tu sois tenté au-delà de tes forces. « La puissance est à Dieu, et à vous, Seigneur, appartient la miséricorde : aussi vous rendrez à chacun selon ses œuvres ».
Après l’explication de ce psaume, comme on montrait au milieu du peuple un homme qui s’était livré à l’astrologie judiciaire, Augustin ajouta : Dans l’ardeur de sa soif, l’Église veut faire entrer aussi dans son corps, l’homme que vous avez sous les yeux. Dès lors il vous est facile de comprendre combien il en est parmi les chrétiens pour la bénir du bout des lèvres, et la maudire du fond du cœur. Autrefois chrétien fidèle, il revient aujourd’hui à elle dans les sentiments de pénitence et de crainte salutaire que lui inspire la puissance divine, et vient se jeter dans les bras de la miséricorde du Tout-Puissant. D’abord fidèle à sa foi et à ses devoirs, il a été séduit par l’ennemi, et il est devenu astrologue. Après avoir été lui-même séduit, il a séduit les autres ; après avoir été trompé, il s’est fait trompeur ; il en a attiré à son erreur ; il les a jetés dans l’illusion, il a proféré quantité de mensonges contre le Dieu qui a donné aux hommes le pouvoir de faire le bien, et non celui de faire le mal. Il disait que l’adultère et l’homicide ne sont pas l’effet de notre volonté ; que Vénus est l’auteur du premier, et Mars du second ; il ajoutait que la source de la justice se trouve, non pas en Dieu, mais en. Jupiter : enfin, mille autres blasphèmes abominables sont sortis de sa bouche. À combien de chrétiens il a extorqué de l’argent ? Vous vous en feriez difficilement une idée. Que de fidèles ont acheté ses mensonges ! Pourtant, nous leur disions : Enfants des hommes, jusques à quand aurez-vous le cœur lourd ? Pourquoi aimez-vous la vanité et cherchez-vous le mensonge[1] ? Maintenant, s’il faut l’en croire, il déteste le mensonge et reconnaît qu’avant d’en tromper tant d’autres il avait été lui-même la dupe du démon. Nous pensons, mues Frères, qu’une grande frayeur a été la cause de sa conversion. Qu’ajouterons-nous ? Si cet astrologue abandonnait aujourd’hui le paganisme pour entrer dans l’Église, nous en ressentirions, sans doute, une grande joie ; mais ne devrions-nous pas craindre que le mobile de sa conversion fût un secret désir d’entrer dans la cléricature ? Celui-ci est pénitent ; il ne demande qu’indulgence et pardon. Ouvrez donc les yeux sur lui ; dilatez vos cœurs en faveur de cet homme repentant, nous vous en conjurons : celui que vous voyez, aimez-le du fond de vos entrailles ; portez incessamment sur lui vos regards. Considérez-le bien ; apprenez à le connaître, et partout où il ira, montrez-le à ceux de vos frères qui ne sont point ici : ces soins et cette vigilance seront, de votre part, une œuvre de miséricorde, qui empêchera ce séducteur de se détourner du bien et de redevenir l’ennemi de la vérité. Soyez ses gardiens ; que ses discours et sa conduite n’aient rien de caché pour vous : votre témoignage servira à nous assurer qu’il est vraiment revenu à Dieu. Ainsi placé sous votre surveillance, ainsi recommandé à votre compassion, il n’aura plus rien de caché pour vous. Vous savez, par les Actes des Apôtres, qu’un grand nombre d’hommes perdus, c’est-à-dire exerçant la même profession, et soutenant des doctrines perverses, apportèrent aux pieds des disciples du Sauveur tous leurs livres : on en brûla alors un si grand nombre, que l’Écrivain sacré a cru devoir les estimer, et en consigner la valeur dans son récit[2]. Il l’a fait, sans doute, pour la plus grande gloire de Dieu et pour empêcher de tels hommes de désespérer de la bonté de celui qui sait, quand il le veut, chercher ce qui était perdu[3]. Celui-ci était perdu ; mais Dieu l’a cherché, il l’a retrouvé, il l’a ramené ; cet homme rapporte avec lui, pour les faire brûler, des livres qui devaient le condamner au feu éternel ; du foyer ardent où ils seront bientôt consumés, il tirera pour son âme un véritable rafraîchissement. Sachez-le pourtant, mes frères, il y a longtemps qu’il frappe à la porte de l’Église, il avait commencé à le faire avant Pâques : dès avant Pâques, il demandait à l’Église chrétienne un remède à ses maux. Mais comme l’art dont il a fait profession, le rendait un peu suspect de mensonge et de dissimulation, nous avons cru devoir différer de le recevoir, dans la crainte d’être trompé ; mais, enfin, nous l’avons reçu, pour ne pas l’exposer à une

  1. Psa. 4,3
  2. Act. 19,19
  3. Luc. 15,32