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de la pensée précédente. Car cette expression, « en opprobre », est répétée dans « la fable et le jouet » ; et « nos voisins » se trouve répété dans « ceux qui nous environnent ». Dès lors les voisins de la Jérusalem terrestre sont les autres peuples qui environnaient la Judée. Quant à la Jérusalem libre qui est notre mère, ses voisins et ceux qui l’environnent sont les ennemis chez qui elle habite dans l’univers entier.
8. Le Prophète se répand ensuite en prières, et nous montre que le récit qu’il vient de faire de tant de maux est moins un récit qu’une lamentation : « Jusques à quand, Seigneur, durera votre colère, et votre zèle s’allumera-t-il toujours comme la flamme[1] ? » Il supplie le Seigneur de n’entrer point dans une fureur implacable ; de ne point prolonger cette pression, cette affliction, ce massacre, mais de mettre un terme à ses châtiments, selon cette parole d’un autre psaume : « Jusques à quand serons-nous nourris du pain des larmes, et abreuvés au calice des pleurs[2] ? » Dire en effet : « Jusques à quand, Seigneur, durera votre colère ? » a bien le même sens que : Seigneur, mettez un terme à votre colère. Et quand nous lisons ensuite : « Votre zèle s’allumera-t-il comme une flamme ? » faut-il sous-entendre « jusques à quand », et « jusqu’à la fin », comme s’il y avait : Jusques à quand votre colère s’allumera-t-elle comme une flamme ? Sera-ce jusqu’à la fin ? Il faut en effet sous-entendre ces deux mots, comme plus haut nous avons sous-entendu celui-ci : « Ils ont donné ». Dans la première partie du verset, on lit : « Ils ont donné les cadavres de vos serviteurs pour servir de proie aux oiseaux du ciel » : ce verbe « ils ont donné », ne se trouve pas dans la seconde partie : « Et la chair de vos saints aux bêtes de la terre » ; il faut l’y sous-entendre. Quant à ce zèle et à cette colère de Dieu, ce n’est point une passion qui le trouble, comme l’en accusent quelques-uns[3] qui ignorent les Écritures. La colère de Dieu, c’est la vengeance qu’il tire de l’injustice, et son zèle, la jalousie de notre pureté, le soin de notre âme qui mépriserait sa loi, et se séparerait de lui par une fornication spirituelle. Ces sentiments causent du trouble chez les hommes qui souffrent ; mais sont paisibles chez Dieu qui les règle et à qui il est dit : « Pour vous, Seigneur, vous jugez dans le calme[4] ». C’est ce qui nous montre que les tribulations viennent aux hommes, et même aux fidèles, à cause de leurs péchés : quoique la gloire des martyrs en devienne plus éclatante par le mérite de la patience, et par leur humble piété à supporter les fléaux qui sont l’épreuve du Seigneur. C’est ce qu’ont témoigné et les Macchabées dans les tourments les plus cruels[5], et les trois jeunes hommes dans les flammes qui ne les touchaient point[6], et les saints Prophètes en captivité. Sans doute ils supportaient ce châtiment paternel avec force et humilité, et pourtant ils ne cachaient point que ces maux étaient la punition de leurs fautes. Ce sont eux qui disent dans le psaume : « Le Seigneur m’a châtié, et il m’a frappé de verges, et ne m’a point livré à la mort[7] ». Il flagelle tous ceux qu’il reçoit parmi ses enfants : quel fils n’est point châtié de son père[8] ?
9. Quand le Prophète ajoute : « Répandez votre colère sur les nations qui ne vous connaissent point, et sur les royaumes qui n’invoquent point votre nom[9] » : c’est encore une prophétie, et non une imprécation. Ce n’est point un souhait malveillant, mais un souffle prophétique qui a dicté ces paroles, de même qu’en parlant des maux qui doivent arriver à Judas, le Prophète semble appeler de ses désirs le châtiment que Judas aura bien mérité. Mais comme il n’y a point de commandement de la part du Prophète, quand il dit au Christ au mode impératif : « Ceignez votre glaive, ô le plus puissant des rois ; revêtez-vous de votre éclat et de votre gloire, et dans votre majesté, marchez à la victoire et régnez[10] » ; il ne souhaite rien non plus, mais il prophétise, quand il dit : « Répandez votre colère sur les nations qui ne vous connaissent point » : ce qu’il répète selon sa coutume, « et sur les royaumes qui n’invoquent point votre nom ». Car, royaumes est la répétition de nations ; et : qui n’invoquent point votre nom, la répétition de : qui ne vous connaissent point. Comment faut-il entendre cette parole du Sauveur dans l’Évangile : « Le serviteur qui ignore la volonté de son maître et qui fait des actions dignes du châtiment, en recevra moins : mais le serviteur qui a connu la volonté

  1. Ps. 78,5
  2. Id. 79,6
  3. Les Manichéens
  4. Sag. 12,18
  5. 2 Mac. 7,1 ss
  6. Dan. 3,21
  7. Ps. 117,18
  8. Héb. 12,6-7
  9. Ps. 78,6
  10. Id. 44,4-5