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comme la verge de Moïse, afin d’en faire couler la grâce pour les fidèles.
14. Et néanmoins ces hommes, comme une « race indocile et rebelle, ont continué de pécher contre lui[1] » ; c’est-à-dire de ne point croire. C’est là en effet un péché dont l’Esprit-Saint doit convaincre le monde, comme l’a dit le Sauveur : « Il le convaincra de péché, parce qu’ils n’ont point cru en moi[2]. Ils ont irrité le Seigneur dans la sécheresse », ou, selon d’autres exemplaires, « dans un désert sans eau », expression plus précise qui vient du grec, et qui n’a d’autre sens que la sécheresse. Or, cette sécheresse venait-elle du désert, ou plutôt de leur cœur ? Ils avaient bu l’eau de la pierre, et alors c’était moins leurs entrailles que leurs cœurs qui étaient desséchés, et n’avaient aucune vigueur pour produire la justice. C’était néanmoins dans cette sécheresse qu’ils devaient être pins fidèles à Dieu, et le supplier de leur donner des mœurs pures, après avoir étanché leur soif ; puisque c’est à lui qu’a recours toute âme fidèle : « Que mes yeux voient la justice[3] ».
15. « Ils ont tenté Dieu dans le secret de leurs cœurs, et lui ont demandé une nourriture selon leurs désirs ». Autre chose est de demander avec fidélité, autre de demander pour tenter. Le Prophète continue : « Ils murmurèrent coutre Dieu, et dirent : Dieu pourra-t-il préparer des tables au désert ; sans doute il a frappé le rocher, et des eaux en ont coulé, des torrents ont inondé la terre ; mais pourra-t-il nous donner du pain et dresser des tables pour son peuple[4] ? » C’était donc sans y croire qu’ils demandaient une nourriture selon leurs désirs. Ce n’est pas ainsi que saint Jacques nous engage à demander la nourriture de notre cœur, mais il veut que nous la demandions avec foi, et non pour tenter ou avec murmure. « Si quelqu’un de vous », dit-il, « a besoin de la sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui répand ses dons sur tous libéralement et sans les reprocher, et la sagesse lui sera donnée : mais qu’il demande avec foi, et sans hésiter[5] ». Telle est donc la foi qui manquait à cette génération, dont le cœur n’était point droit, et dont l’esprit n’avait pas cru en Dieu.
16. « Le Seigneur les entendit et différa, le feu de sa colère s’alluma contre Jacob, et sa fureur contre Israël[6] ». Le Prophète explique ce qu’il appelle un feu ; il nomme ainsi la colère de Dieu, bien que le feu véritable ait dévoré beaucoup de ces murmurateurs. Que signifie donc : « Le Seigneur entendit et différa ? » Est-ce d’introduire son peuple dans la terre promise qu’il différa ? Il eût pu le faire en peu de jours, mais a cause de leurs péchés ils durent être accablés au désert, où le malheur les affligea pendant quarante ans. En ce cas ce fut son Peuple qu’il différa d’introduire, et non ceux qui l’avaient tenté par leurs doutes ; car tous périrent au désert, et leurs enfants seulement entrèrent dans cette terre. Différa-t-il seulement de les châtier, et voulut-il d’abord se prêter à leur incrédule convoitise, de peur qu’ils ne vinssent à attribuer sa colère à l’impuissance où il était de subvenir à leur demande, bien qu’ils ne l’eussent faite que pour le tenter et lui ôter la confiance ? Donc « il entendit et différa » sa vengeance ; et après qu’il eût fait ce qu’ils avaient pensé qu’il ne pourrait faire, alors « sa colère s’alluma contre Israël ».
17. Ensuite, après cette courte exposition, le Prophète reprend le cours de son récit : « Parce qu’ils n’ont pas cru en Dieu, ni espéré dans son salut ». Après nous avoir dit pourquoi le feu de sa colère s’est allumé contre Jacob, et sa fureur contre Israël, c’est-à-dire, parce qu’ils n’ont pas cru en Dieu ni espéré dans son salut » ; il énumère à l’instant tous les bienfaits visibles qu’ils reçurent avec ingratitude. « Il avait cependant commandé aux nuées, et ouvert les portes du ciel. Il leur avait fait pleuvoir la manne pour apaiser heur faim, et donné le pain du ciel. L’homme mangea le pain des anges[7]. Dieu leur donna des viandes en abondance. Il fit élever dans les airs le vent d’Orient, et par sa puissance le vent du midi. Il répandit les viandes comme la poussière, et les oiseaux comme le sable des mers. Il les fit tomber au milieu de leur camp, autour de leurs tentes. Et ils mangèrent et furent rassasiés ; « Dieu contenta leurs désirs ». Voila pourquoi il différait ; mais écoutons ce qu’il a différé. « Les viandes étaient encore dans leurs bouches,

  1. Ps. 77,17
  2. Jn. 16,9
  3. Ps. 16,2
  4. Ps. 77, 18-20
  5. Jac. 1,5-6
  6. Ps. 77,21
  7. Le verset 25 est expliqué dans le discours sur le Ps. 33, serm. 1, n. 6