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loin de Dieu, mais loin de vous ? Rentrez en vous-mêmes, ô prévaricateurs[1], sondez votre âme, repassez les années éternelles, reconnaissez la bonté de Dieu pour vous, et voyez les œuvres de sa miséricorde. « Sa voie est dans la sainteté ». Enfants des hommes, jusques à quand vos cœurs seront-ils appesantis ? Que cherchez-vous dans vos délices ? Pourquoi vous éprendre de la vanité, et courir après le mensonge ? Sachez donc que le Seigneur a glorifié son saint[2]. « Votre voie est dans la sainteté ». Élevons-nous donc à lui, élevons-nous au Christ ; c’est là qu’est sa voie. « O Dieu, votre voie est dans le saint. Quel Dieu est aussi grand que notre Dieu ? » Les Gentils trouvent des charmes dans leurs dieux ; ils adorent des idoles, qui ont des yeux et ne voient point, des oreilles et n’entendent point, des pieds et ne marchent point[3]. Pourquoi marcher vers ce Dieu qui ne marche pas ? Je n’adore point ces idoles, me dit-il. Qu’est-ce que tu adores ? La divinité qui y réside ? Tu adores, sans aucun doute, ce qui a fait dire ailleurs : « Que les dieux des nations sont des démons[4] » C’est l’idole que tu adores, ou le démon ? Ni l’idole, ni le démon répond-il. Quel est donc ton culte ? Celui des étoiles, du soleil, de la lune, des corps célestes : qu’il vaudrait mieux adorer celui qui a fait le ciel et la terre ! Quel Dieu est grand comme notre Dieu[5] ?
16. « Vous opérez des merveilles, et les opérez seul ». Vous êtes un Dieu véritablement grand, qui opérez des merveilles en notre corps et en notre âme, et le seul pour en opérer. Les sourds ont entendu, les aveugles ont vu, les malades ont été guéris, les morts ont ressuscité, les paralytiques ont recouvré la force. Ces merveilles toutefois sont corporelles ; voyons les miracles sur l’âme. Des hommes naguère adonnés au vin sont devenus sobres ; ceux qui tout à l’heure adoraient des idoles ont embrassé la foi ; d’autres qui volaient le bien des autres donnent leurs biens aux pauvres ». Quel Dieu est grand comme notre Dieu ? Vous opérez des merveilles et les opérez seul. Moïse a fait des merveilles, mais non seul ; Elie en a fait, Elisée en a fait, les Apôtres en ont fait ; mais nul d’entre eux n’était seul. Pour les faire, ces merveilles, vous étiez avec eux ; mais vous, pour les faire, vous n’aviez nul besoin d’eux. Ils n’étaient point avec vous, en effet, quand vous les avez faits eux-mêmes. « Vous êtes un Dieu opérant des merveilles et les opérant seul ». Comment seul ? Peut-être le Père et non le Fils ? ou le Fils et non le Père ? Non, mais le Père, le Fils et le Saint-Esprit. « Vous êtes un Dieu opérant seul des merveilles ». Car il n’y a pas trois dieux, mais un seul Dieu qui fait des merveilles, et qui en fait dans celui qui devance. Car le jeter en avant et le faire arriver où il en est, c’est là une merveille de Dieu ; mais quand il s’est tenu un langage intérieur et dans son âme, et qu’il s’est élevé au-dessus de son âme pour trouver ses délices dans les œuvres de Dieu, c’est lui qui a fait là une merveille. Mais qu’a fait le Seigneur ? « Vous avez fait connaître aux peuples votre puissance ». De là cette Église, ou Asaph qui devance, parce que le Seigneur a fait connaître sa puissance parmi les nations. Quelle puissance a-t-il montrée aux peuples ? « Pour nous, nous prêchons Jésus-Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Gentils ; mais pour les Juifs qui sont appelés, aussi bien que pour les Grecs, la puissance de Dieu, la sagesse de Dieu[6] ». Si donc le Christ est la puissance de Dieu, c’est le Christ qu’il a fait connaître aux peuples. Pouvons-nous l’ignorer encore ? Serions-nous dans une telle démence, dans une telle prostration, assez arriérés jusqu’à ne pas voir cette parole accomplie : « Vous avez montré aux peuples votre puissance ? »
17. « Votre bras a racheté votre peuple[7] ». « Votre bras », c’est-à-dire votre puissance. À qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé[8] ? « Votre bras a racheté votre peuple, les enfants d’Israël et de Joseph ». Comment paraît-il faire deux peuples « des fils d’Israël et des fils de Joseph ? » Ces fils de Joseph étaient-ils fils d’Israël ? Oui, assurément. Voilà ce que nous savons, ce que nous lisons, ce que nous prêche l’Écriture, ce que nous enseigne la vérité, que Israël ou Jacob eut douze fils parmi lesquels nous comptons Joseph, et que tous ceux qui sont nés de ces douze patriarches appartiennent au peuple d’Israël. Pourquoi dire alors, « les fils d’Israël et les fils de Joseph ? » Je ne sais point quelle distinction il veut nous indiquer.

  1. Isa. 46,8
  2. Ps. 4,3-4
  3. Id. 113,5-7
  4. Id. 95,5
  5. Id. 76,15
  6. 1 Cor. 1,23-24
  7. Ps. 76,16
  8. Id. 53,1