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ta négation ne lui déroberait pas ta faute. « Nous vous confesserons, Seigneur, nous vous confesserons, nous invoquerons avec confiance votre saint nom ». Nous avons épuisé nos cœurs par la confession ; vous nous avez jetés dans l’effroi et purifiés. L’aveu nous humilie ; approchez-vous des humbles, ô vous qui vous éloignez des superbes. En beaucoup d’endroits de l’Écriture, nous voyons, dans la répétition, une confirmation de la pensée. De là cette locution de Notre-Seigneur : « En vérité, en vérité[1] ». De là vient que dans plusieurs psaumes, nous lisons : « Ainsi soit-il, ainsi soit-il[2] ». Une seule fois suffisait pour le sens, la répétition n’est qu’une manière de le corroborer. Pharaon, roi d’Égypte, vous le savez, pendant que Joseph était en prison pour avoir aimé la chasteté, Pharaon, dis-je, eut un songe : sept vaches grasses qui furent dévorées par sept vaches maigres ; et ensuite sept épis pleins dévorés par sept épis grêles. Or, quelle interprétation donna Joseph ? S’il vous en souvient, ce n’étaient point là deux songes, mais une même vision. « Il n’y a », dit Joseph, « qu’un même sens : la seconde vision », ajouta-t-il, « vient confirmer la première[3] ». Je vous fais ces réflexions, afin que la répétition, dans le langage des saintes Écritures, ne vous apparaisse point comme un besoin de parler. Souvent, en effet, la répétition n’est qu’une confirmation de la pensée. « Mon cœur est prêt, Seigneur », dit le Prophète, « mon cœur est prêt[4] ». Ailleurs il s’écrie : « Attends le Seigneur, agis avec courage, raffermis ton cœur, et attends le Seigneur[5] ». Il y a dans les Écritures une foule de répétitions semblables. Qu’il nous suffise de vous avoir expliqué cette manière de parler, pour observer cette règle en semblable rencontre. Revenons maintenant à notre Psaume : « Nous vous confesserons », dit le Prophète, « et nous en appellerons à nous ». Je vous ai dit pourquoi l’aveu précède ici l’invocation. Invoquer, c’est inviter. Or, le Seigneur ne se rendra pas à ton invitation, si tu es orgueilleux ; et si tu es orgueilleux, tu ne pourras faire l’aveu de tes fautes. Or, tu ne caches rien à Dieu qu’il ne sache, et ton aveu ne lui apprend rien ; seulement il te purifie.
4. Le Prophète a donc avoué ses fautes, il a invoqué, ou plutôt, ils ont avoué, ils ont invoqué ; et il est dit au nom d’un seul : « Je raconterai toutes vos merveilles ». Son aveu l’a déchargé de ses misères, l’invocation l’a comblé de biens, et il répand ces biens avec sa parole. Remarquez-le, mes frères, le Prophète parle au nom de plusieurs, quand il s’agit d’avouer ses fautes : « Nous vous confesserons, Seigneur, nous vous confesserons, et nous invoquerons votre nom ». Les cœurs sont multiples pour l’aveu, ils ne sont qu’un pour croire. Pourquoi sont-ils plusieurs pour l’aveu, un seul pour la foi ? C’est que les hommes confessent des péchés différents, et qu’ils n’embrassent qu’une même foi. Or, quand le Christ sera venu habiter dans l’homme intérieur par la foi[6], quand le Dieu invoqué aura pris possession du cœur qui fait l’aveu ; alors le Christ sera tout entier dans son chef et dans son corps, il sera un dans plusieurs membres, Écoutez donc ces paroles du Christ ; car jusqu’alors elles ne paraissaient point lui appartenir : « Nous vous confesserons, Seigneur, nous vous confesserons, nous invoquerons votre nom[7]. » Voici donc les paroles de notre chef. Or, que le chef parle, ou bien les membres, c’est le Christ qui parle : tantôt au nom dit chef, tantôt au nom des membres. Qu’est-il dit en effet ? « Ils seront deux dans une seule chair. Ce sacrement est grand, et moi, je le dis, dans le Christ et dans l’Église[8] ». Et le Sauveur a dit lui-même dans l’Évangile : « Ils ne sont donc plus deux, mais une seule chair[9] ». Pour nous faire comprendre qu’il y a ici deux personnes en quelque sorte, et qui n’en font plus qu’une seule par l’union du mariage ; voilà qu’un seul nous dit en Isaïe : « Il m’a mis, comme à un Époux, une couronne sur la tête, et m’a paré de pierreries comme une Épouse[10] ». L’Époux se dit du chef, et l’Épouse du corps. C’est donc un seul qui parle, écoutons-le, et nous aussi parlons avec lui. Soyons ses membres, afin que sa voix soit aussi la nôtre. « Je publierai », dit-il, « toutes vos merveilles ». Le Christ s’annonce lui-même, et il s’annonce par ceux qui sont déjà ses membres, et qui en amènent d’autres, afin que ceux qui n’en étaient pas encore, s’approchent de Dieu, et prennent place parmi ces membres qui ont déjà prêché l’Évangile ;

  1. Jn. 1,51
  2. Ps. 71,19 ; 88,53
  3. Gen. 41,1-32
  4. Ps. 56,8
  5. Id. 36,14
  6. Eph. 3,17
  7. Ps. 74,2
  8. Gen. 2,24 ; Ephés. 5,31-32
  9. Mt. 19,6
  10. Isa. 61,10