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l’accomplis-tu point ? « Parce que tu dérobes, tout en prêchant qu’il ne faut point dérober ; tu es adultère tout en prohibant l’adultère ; tu es sacrilège malgré ton horreur pour les idoles. Vous êtes cause que le nom du Seigneur est blasphémé parmi les nations, ainsi que cela est écrit[1] ». De quoi donc peut te servir mine lettre que tu n’accomplis pas ? Et pourquoi ne point l’accomplir ? Parce que tu présumes de toi-même. Pourquoi ne pas l’accomplir ? Parce que tu es un trafiquant plein de confiance dans tes œuvres : tu ne sais point qu’il le faut le secours de la grâce pour accomplir le précepte de la loi. Voilà que Dieu commande ; fais ce qu’il prescrit. Tu veux agir comme de toi-même, et te voilà tombé ; alors pèse sur toi cette lettre qui te punira sans te sauver. Il est donc vrai, de dire que « la loi vient de Moïse, et la grâce de Jésus-Christ[2] ». Moïse a écrit cinq livres ; et dans les cinq galeries qui environnaient la piscine, il y avait des malades qui étaient couchés, mais sans pouvoir être guéris[3]. Voilà comment pèse sur toi cette lettre, qui peut convaincre un coupable, mais non sauver un homme injuste. Dans ces galeries, qui figuraient les cinq livres de Moïse, on exposait les malades plutôt qu’on ne les guérissait. Qu’est-ce donc qui guérissait alors la maladie ? le mouvement de l’eau. Dans la piscine ainsi agitée descendaient les malades, et un seul était guéri, comme symbole de l’unité : tout malade qui descendait alors n’était point guéri pour cela. Admirable symbole de l’unité dans ce corps qui crie vers Dieu de tous les confins de la terre ! Nul autre n’était guéri, si l’eau n’était troublée de nouveau. L’agitation de la piscine figurait donc la perturbation du peuple juif, à l’avènement de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Car on croyait que l’eau était troublée dans la piscine par l’arrivée de l’ange. Cette eau donc, environnée de cinq galeries, c’était le peuple Juif environné de la loi : il y avait des malades dans chacune des galeries, et ils n’étaient guéris que quand l’eau était troublée et agitée. Le Christ est venu, l’eau a été troublée, il a été crucifié, que le malade descende afin d’être guéri. Comment descendre ? qu’il s’humilie. Vous tous alors, qui aimez la lettre sans la grâce, vous demeurerez sous les galeries, vous serez malades, couchés à terre, sans guérison : car vous avez présumé de la lettre. « Si la loi donnée eût pu produire la vie, la justice alors viendrait de la loi[4] ». Mais la loi a été donnée afin que vous devinssiez coupables, que coupables vous fussiez saisis, de crainte, que la crainte vous fît implorer le pardon, et qu’ainsi vous n’eussiez plus de confiance dans vos forces, ni de présomption dans la lettre. Voilà ce que nous figurait encore le prophète Elisée qui envoya par son serviteur son bâton, afin de ressusciter un mort. Le fils de la veuve qui l’hébergeait venait de mourir ; dès qu’il l’apprit, il donna son bâton à son serviteur : « Va », lui dit-il, « et pose-le sur le cadavre[5] ». Le Prophète ne savait-il point ce qu’il faisait ? Le serviteur alla donc, mit le bâton sur le cadavre, et le mort ne ressuscita point. « Si la loi qui a été donnée, pouvait produire la vie, la justice « viendrait de la loi n. Mais cette loi envoyée par le serviteur ne donne point la vie et toutefois celui qui avait envoyé son bâton par son serviteur, vint ensuite donner la vie. Comme l’enfant n’était pas en effet ressuscité, Elisée vint lui-même, figurant Notre-Seigneur, qui s’était fait précéder de son serviteur avec sa loi, comme avec un bâton. Il vint auprès de ce mort étendu par terre, et mit ses membres sur ses membres. C’était un enfant, un tout jeune homme : le Prophète contracta sa taille naturelle, et se raccourcit dans la proportion de l’enfant qui était mort, Ce mort ressuscita, quand le Prophète vivant se fût proportionné à lui, et le maître fit ce que n’avait point fait le bâton ; la grâce produisit l’effet que la lettre n’avait point produit. Ceux donc qui sont demeurés avec le bâton du Prophète se glorifient dans la lettre aussi n’ont-ils point la vie. Pour moi, je veux me glorifier dans votre grâce. « Dieu me garde », a dit saint Paul, « de me glorifier, sinon en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ[6] », sinon en ce Dieu vivant qui s’est proportionné à mon cadavre, afin de me ressusciter, afin que de la sorte, je n’eusse plus la vie, mais que Jésus-Christ vécût en moi[7]. Je me glorifie donc de la grâce, et ne « connais point la littérature » ; c’est-à-dire que je réprouve de tout mon cœur ces hommes qui mettent leur confiance dans la lettre pour s’éloigner de la grâce.
20. Le Prophète a donc raison d’ajouter :

  1. Rom. 2,21-27
  2. Jn. 1,17
  3. Id. 5,2
  4. Gal. 3,21
  5. 2 R. 4,29
  6. Gal. 6,14
  7. Id. 2,20