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Qu’est-ce à dire, « sous le regard ? » Quoi donc ! mon maître va-t-il pénétrer la manière dont je le sers, pour me dire de ne point servir « à cause de son œil ? » Il ajoute : « Servez comme si vous serviez le Christ ». Cet homme, votre maître, ne voit point, mais le Christ, votre Maître, vous voit. « Servez donc de cœur », dit l’Apôtre, « et d’une pleine volonté[1] ». Tel fut Jonadab, ou plutôt, tel est le sens de son nom. Mais que signifient « ceux qui furent les premiers emmenés captifs ? » Les Juifs furent emmenés en captivité une première, une seconde et une troisième fois. Mais le psaume ne parle ni pour ceux, ni de ceux qui furent emmenés les premiers : en discutant le psaume, en le sondant, en scrutant le sens de tous les versets, on voit qu’il a un tout autre sens, et qu’il n’y est aucunement question de je ne sais quels hommes, qui, à telle invasion de leurs ennemis, furent, je ne sais à quelle époque, emmenés captifs de Jérusalem à Babylone. Mais que nous dit le psaume, sinon ce que vous avez entendu à la lecture de saint Paul ? Il nous prêche la grâce de Dieu ; et il nous la prêche, parce que de nous-mêmes nous ne sommes rien : il nous la prêche, parce que tout ce que nous sommes, c’est par la divine miséricorde, et que de nous-mêmes nous ne sommes que méchants. Pourquoi donc nous appeler « captifs ? » et pourquoi ce mot de captivité doit-il nous signaler la grâce du libérateur ? L’Apôtre nous fait cette réponse : « Chez moi l’homme intérieur se plaît dans la loi de Dieu : mais je sens dans mes membres une loi contraire à la loi de l’esprit, et qui me tient captif sous la loi du péché qui est dans mes membres ». Te voilà donc réduit en captivité. Que dit alors le psaume ? Ce que dit ensuite l’Apôtre : « Malheureux homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ? La grâce de Dieu par Jésus-Christ Notre-Seigneur[2] ». Mais après l’explication du terme « captifs n, pourquoi « les premiers ? » Cela devient clair, si je ne me trompe. C’est qu’auprès des fils de Jonadab toute désobéissance devient coupable. Or, c’est la désobéissance qui nous a réduits en captivité, car Adam lui-même fut coupable de désobéissance. Aussi saint Paul a-t-il dit, et c’est la vérité, « que tous meurent en Adam, en qui tous ont péché[3] ». Il est donc vrai que « les premiers furent emmenés en captivité » : puisque « le premier homme est l’homme terrestre formé de la terre, le second est l’homme céleste, qui vient du ciel. Comme le premier fut terrestre, ses enfants sont terrestres ; comme le second est céleste, ses enfants sont célestes. De même que nous avons porté l’image de l’homme terrestre, portons aussi l’image de Celui qui est dans le ciel ». Le premier homme nous a rendus captifs, le second nous délivrera de la servitude. « De même en effet que tous meurent en Adam, tous aussi vivront en Jésus-Christ[4] ». Mais ils meurent en Adam à cause de leur naissance charnelle, ils seront délivrés dans le Christ par la foi du cœur. Tu n’étais pas libre de ne point naître d’Adam, et tu es libre de croire au Christ. Autant donc tu voudras appartenir au premier homme, autant tu feras partie de la captivité. Et qu’est-ce à dire : Tu voudras appartenir ? ou même tu appartiendras ? Tu en fais partie déjà : crie donc : « Qui me délivrera de ce corps de mort[5] ? » Écoutons ce même cri dans la bouche du Psalmiste.
3. « Mon Dieu, j’ai crié vers vous, que ma confusion ne soit pas éternelle ». Déjà je suis dans la confusion, mais que ce ne soit pas éternellement. Comment serait-il exempt de confusion celui à qui l’on dit : « Que vous revient-il de ces actes dont vous rougissez maintenant[6] ? » Comment donc pourrions-nous échapper à la confusion éternelle ? « Approchez-vous de lui, recevez sa lumière, et votre face n’aura point à rougir[7] ». Vous avez été dans la confusion en Adam ; retirez – vous d’Adam, approchez-vous du Christ, et vous n’aurez plus à rougir. « Seigneur, c’est en vous que j’ai mis mon espoir, je ne serai point confondu éternellement ». Si je suis confondu en moi-même, jamais en vous je ne serai confondu.
4. « Délivrez-moi dans votre justice et rachetez-moi[8] ». Non point dans ma justice, mais dans la vôtre : en comptant sur la mienne, je serais au nombre de ceux dont il est dit : « Dans leur ignorance de la loi de Dieu, et leurs efforts pour établir leur propre justice, ils ne se sont point soumis à la justice de Dieu[9] ». Donc « en votre justice », et non dans la mienne. Qu’est-ce, en effet, que la mienne ? L’iniquité l’a précédée. Et quand je

  1. Eph. 6,6-7
  2. Rom. 7,22-25
  3. Id. 5,12
  4. 1Co. 15,47-49.22
  5. Rom. 7,24
  6. Id. 6,21
  7. Ps. 33,6
  8. Id. 70,1
  9. Rom. 10,3