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DISCOURS SUR LE PSAUME 69

SERMON POUR UNE FÊTE DE MARTYRS.

LE CHANT DES MARTYRS.

Les martyrs ont dû souffrir dans leur corps et dans leur foi ; et ceux qui font partie de l’Église ou du corps de Jésus-Christ doivent souffrir de quelque façon. Le démon, qui était lion quand il persécutait, est aujourd’hui serpent et nous persécute par les scandales, surtout de la part des chrétiens. Il est enchaîné dans le cœur des impies, il sévit par le scandale. Tous donc doivent subir l’épreuve, tous ont besoin du secours de Dieu. Honte à ceux qui recherchent la vie du Christ pour l’opprimer, qui nourrissent la haine contre lui. Que tous marchent docilement à sa suite ; qu’ils ne cherchent pas les applaudissements des flatteurs, qui les perdraient. Gloire à Dieu toujours, et à lui seul. Oublions le passé, allons toujours en avant.


1. Béni soit le grain de froment qui a voulu mourir afin de se multiplier[1] : béni soit le Fils de Dieu, Jésus-Christ notre Seigneur et Sauveur, qui n’a pas dédaigné de subir la mort pour nous rendre dignes de vivre en lui. Il était seul jusqu’à son passage, ainsi que l’a chanté le Psalmiste : « Me voilà seul jusqu’à ce que j’aie passé[2] » : car c’était un grain à part, mais qui portait en lui le germe d’une grande multitude ; et dans combien d’autres grains chantons-nous sa louange, quand nous célébrons les fêtes des martyrs qui ont souffert comme lui ? Ses membres si nombreux sont donc unis par les liens de la paix et de la charité à notre Sauveur, qui est notre chef unique, et ne forment qu’un seul homme, comme vous le savez pour l’avoir si souvent entendu : et souvent leur voix retentit dans les psaumes comme la voix d’un seul homme, et le cri de l’un est comme le cri de tous, parce que tous ne sont qu’un en un seul. Écoutons donc les travaux des martyrs, et les dangers qu’ils ont courus en ce monde, dans l’ouragan de toutes les haines ; dangers non seulement pour ce corps qu’ils devaient toujours quitter, mais dangers pour leur foi. Car ils pouvaient céder aux douleurs atroces de la persécution ou à l’amour de la vie, et cette défaillance leur eût fait perdre tes promesses de Dieu, qui les avait prémunis contre la crainte par ses paroles et par son exemple par ses paroles, en disant : « Ne craignez point ceux qui tuent le corps, mais qui ne peuvent tuer l’âme[3] » ; par ses exemples, en accomplissant lui-même ses prescriptions, alors qu’il n’évitait ni ceux qui le frappaient, ni ceux qui lui donnaient des soufflets, ni ceux qui lui crachaient au visage, ni ceux qui le couronnaient d’épines, ni ceux qui le faisaient mourir sur la croix. Lui qui ne méritait rien de tout cela, a voulu l’endurer pour ceux qui le méritaient ; il se donnait comme un remède à leur maladie. Les martyrs ont donc souffert ; mais ils eussent défailli, sans le secours de celui qui a dit : « Voilà que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles[4] ».
2. Ce psaume est donc le cri de ceux qui souffrent et par conséquent des martyrs qui sont en danger au milieu de leurs douleurs, mais qui mettent leur confiance dans leur chef. Écoutons-les, unissons-nous à eux, parlons avec eux, du moins par les sentiments du cœur, sinon en souffrant de la même manière. Pour eux, ils ont reçu la couronne, tandis que nous sommes au milieu dus périls : non que nous ayons à subir les persécutions qu’ils endurèrent, mais les persécutions plus dangereuses peut-être de tous les scandales. Car ils sont plus multipliés de nos jours, que quand le Seigneur s’écriait : « Malheur au monde, à cause des scandales, et comme l’iniquité abonde, la charité se refroidit chez plusieurs[5] ». Personne à Sodome ne faisait subir à Loth une persécution corporelle[6] ; nul ne l’empêchait d’y

  1. Jn. 12,25
  2. Ps. 140,10
  3. Mt. 10,28
  4. Mt. 28,20
  5. Mt. 18,7 ; 24,12
  6. Gen. 19,39