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de l’espérance du pardon pour le pécheur et de la grâce que la divine miséricorde fait briller dans son âme. C’est la lumière qui reluit dans la nuée. Les nuages n’ont point essentiellement cette propriété ; leur éclat leur vient d’ailleurs. Autre chose est de briller de sa propre lumière, autre chose de refléter l’éclat d’une lumière étrangère : mais tous ne font pas cette distinction, et beaucoup s’imaginent que les âmes brillent de leur propre lumière, lorsque la sagesse est en elles. Aussi est-il écrit qu’il en est qui se disent sages et sont devenus insensés [1]. «.L’esprit passe et les purifie : » c’est l’esprit dont il est dit : « A votre menace, au souffle, de votre colère[2]; » et ailleurs : « Où irai-je pour échapper à votre esprit[3] ? » L’épreuve des tentations révèle aux hommes ce qu’ils valent ; elle leur apprend que par leurs péchés ils ne sont que ténèbres, et ont besoin de la gloire de Dieu[4]. Qu’ils cherchent donc à refléter sa lumière, et lui en attribuent tout l’honneur, jamais à eux-mêmes ; et désormais, ayant déposé tout orgueil ; ils seront purifiés du plus grand péché ; car l’esprit de sanctification ne passe pas, mais demeure.
22. « De l’aquilon vient la nuée aux couleurs d’or. » C’est en quittant l’impiété la plus coupable la plus éloignée de Dieu, qu’ils arrivent changés, purifiés, éclairés par la sagesse. Comment le sont-ils, si ce n’est par la grâce qui remet les péchés sans peser les mérites ? Aussi quand le Psalmiste voulait recevoir son pardon, il disait : « Que j’enseigne vos voies aux méchants, et que les impies se tournent vers vous[5]; » comme les nuées venant de l’Orient ou de l’aquilon, lorsque leur obscurité à disparu aux couleurs du soleil. « Elle publie la gloire et l’honneur du Tout-Puissant. » Il y a plus d’amour, là où plus de péchés sont pardonnés : car le Tout-Puissant peut justifier l’impie.
23. « Et nul autre ne saurait égaler sa puissance : » seul il n’a point commis le péché, et jamais le mensonge n’a été sur ses lèvres[6] ; car Dieu seul est vérité et tout homme est menteur. Aussi le Dieu fait homme fut-il vainqueur, même quand on le jugeait. « Puisque ses jugements sont justes, crois-tu qu’il n’exaucera pas la prière ? » Que l’homme n’ajoute donc point péchés à péchés en désespérant de son salut, comme s’il était condamné sans ressource, parce que Dieu est juste et ne peut le laisser impuni. Il est juste dans ses jugements, mais sans laisser d’exaucer celui qui implore son pardon ; plus même sa justice est rigoureuse, plus il.se montre généreux en pardonnant ; car ce ne serait pas justice que de confondre l’humble repentir avec l’orgueil qui refuse de s’humilier et de faire pénitence.
24. « C’est pourquoi tous les hommes le redouteront ; » s’ils se souviennent qu’ils sont hommes. « Et les sages eux-mêmes le redouteront ; » pour ne devenir pas insensés, en se glorifiant de ce qu’ils ont reçu et en se vantant de leur sagesse : car on peut enlever aux orgueilleux ce qui est donné – aux humbles. Donc que les sages, dont la sagesse est un rayonnement intérieur de la grâce, et n’éclate pas en vains discours, que les rois qui jugent selon les lumières de l’esprit et ne sont jugés par personne[7], servent Dieu avec crainte et qu’ils se réjouissent avec tremblement, pour ne point périr hors de la voie droite[8] ; car c’est Dieu qui opère en eux et le vouloir et le faire, selon sa bonne volonté[9].

CHAPITRE XXXVIII. – Le Seigneur reproche à Job ses discours inconsidérés.


1. « Et quand Eliu eut cessé de parler, Dieu dit à Job du milieu d’un tourbillon. » Si cette voix se fit entendre alors comme autrefois à Moïse, ou bien comme aux trois disciples le jour où le Seigneur se manifesta à eux sur la montagne[10] ; il n’est point dit simplement que ce fut du milieu de la nuée, mais du milieu d’un tourbillon de nuée. Cela signifie que Job fut interrogé, c’est-à-dire tenté, non dans sa chair saine et vigoureuse, mais au milieu des afflictions qui accablaient cette chair.
2. « Qui prétend me dérober le secret de ses pensées, les cacher au fond de son cœur, et veut croire que je les ignore ? » Personne ne doit se croire frappé par le malheur sans l’avoir mérité. Si ce n’est point en action, c’est en paroles qu’il a péché : si ce n’est point en paroles, au moins y a-t-il eu trop de présomption en son cœur, en ses pensées trop de témérité ; et puisque rien n’échappe à Dieu, que nul ne se plaigne des coups de l’adversité, comme si elle ne pouvait lui être profitable. Sachons-le bien, si au commencement de ce livre, Dieu a fait au démon l’éloge de Job, si à la fin il le renouvelle en présence de ses trois amis, ce n’est pas qu’il ignore

  1. Rom. 1, 22
  2. Psa. 17, 16
  3. Id. 138, 7
  4. Rom. 3, 22
  5. Psa. 50, 15
  6. 1Pi. 2, 22
  7. 1Co. 2, 15
  8. Psa. 2, 11-12
  9. Phi. 2, 13
  10. Mat. 18, 1-5