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3. « Tu dis encore : A quoi te sert-il, ou que ferai-je, si j’ai péché ? » Il croit que Job a tenu ce langage, soit pour marquer que son péché pouvait être utile à Dieu, comme moyen de le porter par la douleur à l’impiété dont il dit : « Ne m’enseignez pas à devenir impie : vous plairiez-vous peut-être à me voir pécher [1] ? » soit pour faire entendre que le péché nuit à Dieu, et que conséquemment Dieu le poursuit et l’accable comme son ennemi, pour éviter ses atteintes ; car auparavant il avait dit aussi : « Si j’ai péché, que puis-je faire contre vous[2] ? Quelle que soit sa pensée, Eliu y répond par ce qui suit :
4. « Je vais donc te répondre, ainsi qu’à mes « trois amis.
5. « Lève les yeux vers le ciel, et regarde. Vois « combien les nuées sont élevées au-dessus de toi. »
6. « Si tu as péché, qu’as-tu obtenu ? » C’est répéter ce que Job a déjà dit : « Si j’ai péché, que puis-je faire contre vous ? Et si tu as commis beaucoup d’iniquités, que peux-tu faire ? » Si tu as commis beaucoup d’iniquités : il y a ici gradation. Auparavant il avait dit : « Si tu as péché. » Que pourras-tu faire contre Dieu, puisque tu ne peux même toucher les nuées ?
7. « Si tu es juste, que lui donneras-tu ? » Si donc ta justice ne peut lui être utile, sache-le bien, ton péché ne saurait l’atteindre non plus. « Ou que pourra-t-il recevoir de ta main ? » Quand même tu voudrais le lui offrir. Ainsi les insensés pensent que Dieu recherche nos sacrifices, comme s’ils lui étaient nécessaires.
8. « Que ton impiété soit pour l’homme semblable à toi, et que ta justice soit pour le fils de l’homme. » C’est alors que l’une est nuisible, et l’autre utile. Loin de réfuter, il confirme de nouveau par ces paroles cette pensée de Job : « Si j’ai péché, que puis-je faire contre vous ? » Il doit donc montrer pourquoi en cette vie les hommes sont en butte aux injustices des méchants, parmi lesquels il faut compter le diable avec ses anges, le véritable auteur de toutes les injustices et de toutes les iniquités. Puisque les pécheurs ne peuvent nuire à Dieu, pourquoi leur fait-il subir l’épreuve de tant de misères ? La réponse est dans ce qui suit
9. « Leurs lamentations s’élèvent du milieu de leurs ennemis, leurs cris déchirants, sous les coups de leurs nombreux persécuteurs.
10. « Et nul ne dit : Où est le Dieu qui m’a créé ? » Voilà donc pourquoi ils souffrent, afin de chercher Dieu sans pousser de plaintes inutiles. Ces mots : « Celui qui m’a créé », sont une preuve qu’il n’abandonne pas sa créature, quand celle-ci le recherche. « Qui ordonne les « veilles de la nuit. » Les différentes époques de cette vie sont soumises à des puissances qu’il a désignées. Celui qui a fait l’homme ne peut le laisser sans guide dans la nuit de l’erreur.
11. « Il m’a distingué des animaux sans raison, et m’a : donné plus de sagesse qu’aux oiseaux du ciel. » Ainsi devons-nous chercher le Seigneur dans les afflictions de cette vie, non pour lui demander les biens temporels, car avant de les recevoir, nous sommes déjà supérieurs aux animaux.
12. « Là ils crieront et vous ne les entendrez point. » , dit-il, dans la multitude de ceux qui crient au sein de l’affliction, sous les coups de leurs nombreux ennemis. Ou bien ce mot : là, ibi, veut dire : à cause de cela, comme en ce passage : « Là sont tombés ceux qui commettent l’iniquité [3]. » S’il ajoute : « Et vous ne les entendrez point », c’est toujours de Dieu qu’il veut parler. « A cause des insultes des méchants : » il faut sous-entendre : ils crieront.
13. « Dieu ne peut point voir les vanités insensées. » Il ne peut secourir ceux qui les lui demandent, et qui ne crient point dans la tribulation pour obtenir lesbiens éternels. C’est pour jouir de ces biens qu’ils sont distingués des animaux sans raison, et qu’ils ont reçu plus de sagesse que les oiseaux du ciel. Ils gémissent au contraire, parce qu’ils ne trouvent point le bonheur dans l’iniquité de ce monde.
14. « Le Tout-Puissant distingue ceux qui accomplissent la justice ; il me sauvera. » S’il voit le fond des cœurs et tonnait toutes nos actions, il saura aussi nous sauver et nous mettre en possession de ce.queseul il peut voir ; car l’œil de l’homme n’a point vu, son oreille n’a point entendu et son cœur n’a point compris ce que Dieu prépare à ceux qui l’aiment[4]. Aussi quand toutes les espérances de salut semblent renversées en lui, le Père, qui voit tout dans le secret, sait le secourir dans la tribulation[5]. « C’est donc lui qui juge, si tu peux le louer selon ses perfections. » Job a paru le dire dans ce passage : « Puisse-t-il être notre arbitre[6] ! »
15. « Maintenant il n’exerce point toutes ses

  1. Job. 10, 23
  2. Id. 7, 20
  3. Psa. 35, 13
  4. 2Co. 2, 9
  5. Mat. 6, 4
  6. Job. 9, 33