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charnelles les œuvres spirituelles, que ta main gauche ignore ce que fait ta droite [1], qu’elle ignore l’intention qui t’a dirigé. La main gauche demeure fermée sous le manteau, la droite reste ouverte ; ainsi agissons-nous, lorsque nous savons à. qui il faut rapporter nos actions.
16. « J’ai médité avant de juger ce que j’ignorais. » Voilà que nous avons tout quitté pour vous suivre ; qu’y aura-t-il pour nous[2] ? Il se croit heureux d’avoir pu interroger quelqu’un sur le jugement à venir.
17. « J’ai brisé la mâchoire des méchants », afin qu’ils cessent de dévorer le peuple qui était devenu leur pâture.
18. « Je parviendrai à la vieillesse, et comme le palmier je vivrai de longues années. » Ma vie sera prolongée, je serai toujours en honneur comme le palmier, justement admiré pour ma droiture et mon élévation.
19. « Et la rosée reposera sur mes moissons. » On appelle moisson ce qui croit dans un.champdepuis qu’il est ensemencé.
20. « Et ma gloire me sera conservée toujours nouvelle ; » celle du nouveau Testament. « Et mon arc en mes mains continuera son œuvre. » J’accomplirai ce que je commande.
22. « Ils n’ont rien ajouté à mes discours. » Il désigne ici la perfection de l’Évangile. La Loi donnée à la Synagogue dut être complétée. « Mais ils se réjouissaient de m’entendre. » La Loi ancienne inspirait la crainte ; la Loi nouvelle, l’amour.
24. « Si je souriais devant eux, ils ne le croyaient point. » Il disait en paraboles des choses qui n’étaient point comprises, et dans lesquelles pourtant on entrevoyait plus de grandeur qu’il n’en paraissait. C’est le rire de Sara[3] ; il indiquait que tout ce qui se passait avait un sens prophétique. Ainsi en est-il, quand on parle en figures.
25. « J’ai choisi leurs voies, et je me suis assis à la première place. » Ou en me faisant homme, ou en mangeant avec les publicains et les pécheurs ; mais toujours j’étais au premier rang pour leur salut. « Et j’étais comme un roi entouré de ses vaillants défenseurs ; » de ceux qui ont tout quitté pour me suivre. « Et je consolais ceux qui étaient tristes. » Il parle de ceux à qui l’espérance donnait de la joie, au milieu des tristesses de la vie présente, comme il est écrit : « Bienheureux ceux qui pleurent[4] », et ailleurs : « Nous paraissons tristes, mais toujours nous sommes dans la joie[5]. » Ils ne peuvent encore atteindre cette haute perfection dont il est dit : « Celui qui pratiquera et enseignera, sera appelé grand dans le royaume des cieux[6]. »

CHAPITRE XXX. – Changement de fortune ; la vue de ses malheurs attendrira le Seigneur.


1. « Et maintenant les plus faibles me tournent en dérision ; les plus jeunes me reprennent de mes fautes. » C’est que dans la suite l’Église eut de tels enfants ; ils font peu de progrès. « Ils me reprennent », est-il dit ; car revêtus des honneurs de l’Église, ils ont reçu le pouvoir de prêcher au peuple ce qu’ils ne font point eux-mêmes. « Ceux dont je méprisais les pères. » Il leur donne pour pères ceux dont ils sont les fils par imitation, et à qui il a été dit : « Malheur à vous, Scribes et Pharisiens hypocrites[7]. »
2. « Et la force de leur bras n’était rien pour moi », la puissance de leurs pères, qui alors ont pu crucifier le Seigneur.« En eux la vie s’en allait tout entière. » Car jusqu’à la fin ils refusèrent de se convertir.
3. « Sans cesse en proie à la faim et à la misère », tourmentés par une foule d’insatiables désirs. « Hier encore ils fuyaient dans le désert », cherchant sans cesse à éluder la Loi qu’ils ne voulaient point entendre avec droiture. « Fuyant hier dans le désert », parce qu’ils l’avaient reçue dans le désert. Si aujourd’hui s’applique au nouveau Testament, hier s’applique à l’Ancien. C’est du Nouveau qu’il est dit : « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs[8]; » et ailleurs : « Vous êtes mon fils, je vous ai engendre aujourd’hui[9]. »
4. « Ils rongeaient l’écorce des arbres. » Ils avaient pour nourriture les figures de la Loi qui en voilaient les réalités. « La racine des plantes était leur nourriture ; » les mystères qu’ils devaient célébrer d’une manière charnelle, quine paraissaient pas s’élever de terre : toutefois une intelligence droite pouvait en tirer des fruits de salut, et s’élever de terre, vers la vraie liberté, mais eux n’ont pu y parvenir. « Sans honneur, sans considération, et privés de tout bien. » L’honneur du premier rang était perdu pour eux, avec les espérances de la promesse. Ils ont par leur propre faute perdu les bénédictions temporelles, et le royaume des cieux n’est point à eux. « Pressés

  1. Mat. 6, 3
  2. Id. 19, 27
  3. Gen. 18, 10
  4. Mat. 5, 5
  5. 2Co. 6, 10
  6. Mat. 5, 19
  7. Id. 23, 13
  8. Psa. 94, 8
  9. Id. 11, 7