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se croit donc contraint de parler, parce qu’il ne peut supporter les paroles de Job.
6. « Ta crainte n’est-elle pas insensée ? » Si tu étais sincère en conseillant les autres, tu devais t’attendre à ce qui t’arrive. Tu t’effraies sans raison de ces maux, n’as-tu pas dit : « La crainte que je redoutais est venue jusqu’à moi [1] ? Et ton espérance, et la simplicité de ta vie ne sont-elles pas comme la sottise », celle qui fait croire que ces biens sont véritables ?
10. « Le rugissement du lion et le cri de la lionne ; » c’est-à-dire le démon lui-même, et la cité orgueilleuse, souvent décrite par les prophètes sous les traits de la bête. « Et la joie du dragon sera anéantie ; » celle des orgueilleux et des traîtres.
11. « Le μυρμηκολέων a péri, parce qu’il n’a plus de proie ; » parce qu’au dernier jour le démon n’en pourra plus séduire pour les dévorer, car les bons seront séparés des méchants. Eliphaz se trompe en appliquant à Job les paroles prophétiques qui doivent s’entendre du démon. Celui-ci doit être ainsi appelé (fourmi-lion), soit parce que les traits de ces deux bêtes sont en lui cet animal pille et enlève secrètement le froment, et l’empêche de produire, en détruisant son germe ; soit encore parce que le démon est le maître des avares et de ceux qui thésaurisent ; soit enfin parce qu’il tourmente les justes, lesquels, semblables aux fourmis, rassemblent en été les provisions de l’hiver ; mais il ne pourra les dévorer, car alors les bons seront séparés des méchants. « Et les petits du lion ont été dispersés. » Les princes issus de l’alliance de cette cité avec le démon avaient formé une ligue qui a été dissipé, ou bien, ils se sont détruits les uns les autres, selon cette parole : « Une nation s’élèvera contre une autre nation[2]. »
12. « Aucun de ces maux ne te serait arrivé ; » soit ces pertes, ces privations, ces plaies saignantes, soit les tristesses qui ont accablé ton esprit. Tu aurais su te consoler, si tes discours avaient été sincères.
13. « Ne m’a-t-il pas fait entendre de magnifiques accents ? » Il annonce ici que ses paroles lui sont inspirées d’en haut.
15. « Et un esprit vint se placer devant moi. » Il veut nous faire entendre qu’un souffle l’a touché, et l’on voit, par ce qu’il ajoute, que ce n’était pas selon lui un vain fantôme. Rappelons-nous Que l’Esprit-Saint descendit de cette manière sur les Apôtres.
17. « Eh quoi ! L’homme sera-t-il jamais pur devant Dieu ? » Il veut dire ou qu’il a entendu énoncer cette pensée, ou qu’il a été saisi d’effroi en voyant que personne n’est pur devant Dieu, ou qu’il a eu ce genre de vision, parce que nul n’est assez pur pour voir Dieu tel qu’il est. Ici le mot pur signifie une pureté parfaite plus haut il s’entendait d’une pureté relative, et en ce sens il a pu dire que l’homme ne périrait pas.
18. « S’il ne croit pas le mal contre ses serviteurs. » C’est ce qui arriva lorsqu’Élie disait : « Seigneur, ils ont tué vos prophètes ; » il lui fut répondu : « Je me suis réservé sept mille hommes [3]. » Non pas que ces sept mille hommes fussent déjà purs. Cela était dit des anges et des prophètes. « Et dans ses anges même il a trouvé « le mal ; » ou parce que le mal a été dit contre eux, ou parce qu’ils l’ont dit eux-mêmes. Ceci peut s’entendre même des bons anges.
19. « Ceux qui habitent des maisons de boue », dont la conversation n’est pas dans le ciel. « Il les a frappés comme s’ils étaient rongés par les vers. » Ou bien quelque maladie les a rongés comme les vers ; ou Dieu lui-même les a condamnés à être mangés par les vers, ou enfin leurs coupables voluptés ont fait naître en eux-mêmes un germe de corruption qui les a rongés peu à peu ; c’est parce qu’ils habitaient une maison de boue.
20. « Nés le matin, le soir ils ne sont plus. » Cela veut dire qu’ils ne sont plus rien après cette vie, ou qu’ils arrivent promptement de la prospérité à la tribulation ; car le châtiment les a suivis de près. « Et parce qu’ils n’ont pu s’aider, ils ont péri », c’est qu’ils ont mis en eux leur espérance.
21. « Ils ont péri, parce qu’ils n’avaient pas la sagesse, »la sagesse de ne pas se confier en eux-mêmes.

CHAPITRE V. – Suite du discours précédent : Dieu punit les méchants.


1. « Appelle à ton secours ; peut-être quelqu’un répondra-t-il. » Dieu répond à ceux qui sont purs à ses yeux.
2. « Car la colère tue l’insensé. » L’indignation qui le saisit à la vue de son malheur, comme s’il lui arrivait injustement : il oublie que les souillures de son âme, connues de Dieu, empêchent les Anges de répondre à sa prière, ou de

  1. Job. 3, 25
  2. Mrc. 13, 8
  3. 1Ro. 19, 14, 18