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les élus ont été dans les pleurs. Les quatre jours figurent l’universalité de l’Église, à cause des quatre parties du monde où elle est répandue. Au point de vue de la réalité historique, les Israélites sont, je pense, institué cet usage de pleurer la fille de Jephté, parce qu’ils ont vu dans un pareil événement le jugement de Dieu qui se montrait surtout dans la punition d’un père, afin que personne, dans la suite, n’eût la témérité de vouer de semblables sacrifices. Pourquoi en effet aurait-on ordonné par décret public un deuil et des pleurs, si ce vœu eût été une cause de réjouissance ?
20. Le peuple d’Ephrem fut battu ensuite par Jephté : si cet événement doit être rapporté au jugement de Dieu qui se fera à la fin du siècle, suivant ce que dit le Seigneur lui-même : « Amenez-moi et mettez à mort tous ceux qui n’ont pas voulu que je règne sur eux [1] ; » il faut reconnaître une signification dans ce nombre de quarante-deux mille qui est le nombre de ceux qui succombèrent dans cette guerre[2]. De meule que les deux mois, à cause des soixante jours dont ils se composent, désignent le nombre des six âges ; de même le nombre sept répété six fois, et appliqué au même objet, figure également les six âges du monde : six fois sept font quarante-deux. Ce n’est point sans motif non plus que Jephté exerça sur le peuple la judicature pendant six ans.

L. (Ib. 13, 4) Recommandation de l’ange à la mère de Samson. – On peut chercher pourquoi, annonçant un fils à la mère de Samson, qui était stérile, l’ange lui dit : « Et maintenant garde-toi de boire ni vin ni bière, et de manger rien d’impur. » Pourquoi rien d’impur ? si ce n’est peut-être que le relâchement de la discipline qui avait commencé en Israël, en était venu même au point qu’on mangeait les animaux défendus[3] ? Comment le peuple n’aurait-il pas été fortement enclin à ces violations, lui qui prévariquait au point d’adorer les idoles ?
LI. (Ib. 13, 6.) Sur les questions que la mère de Samson fit à l’ange. – La mère de Samson, racontant à son mari comment l’Ange lui avait annoncé la naissance d’un fils, dit : « Et je lui demandais d’où il était, et il ne me dit pas son nom ; » sur quoi on peut demander si elle parlait suivant la vérité, car on ne lit rien de semblable dans le discours que l’ange lui tint. Mais il faut comprendre que l’Écriture supplée dans un endroit ce qu’elle a tu dans un autre. Elle ne dit pas : Je lui ai demandé son nom, et il ne me la point fait connaître, mais : Je lui ai demandé « d’où il était » ce qui ne paraît pas s’accorder avec ce qu’elle ajoute : « Et il ne m’a point fait connaître son nom. » En effet, elle n’avait point demandé son nom à celui qu’elle prenait pour un homme, mais son endroit ou sa ville. Elle l’appela un homme de Dieu, semblable à un ange, il est vrai, par son extérieur, son maintien, à cause de l’éclat qu’elle lui vit, ainsi qu’elle le raconta. Mais si on ponctue la phrase de cette sorte : « Je lui demandais d’où il était, et son nom » (sous entendu : je lui demandais) et qu’ensuite on ajoute : « il ne me le fit pas connaître » alors il n’y a plus de difficulté : cette parole : « il ne me le fit pas connaître » se rapporte aux deux objets de la question ; c’est-à-dire : il ne me fit connaître ni son nom, ni d’où il était.
LII. (Ib. 13, 7, 5.) Samson, appelé Nazaréen. – On ne lit pas non plus que l’Ange ait prononcé cette parole que cette même femme rapporte lui avoir été dite par lui : « Cet enfant sera Nazaréen de Dieu, depuis sa naissance jusqu’au jour de sa mort. » Et d’un autre côté, elle ne rapporte pas ces autres paroles que l’Écriture cite comme lui ayant été dites : « Il commencera la délivrance d’Israël des mains des Philistins. » Ainsi elle supprime quelque chose de ce qu’elle a entendu ; et cependant il ne faut pas croire qu’elle ait rapporté ce quine lui aurait point été dit ; mais plutôt que l’Écriture n’a point rapporté toutes les paroles de l’Ange en racontant son entretien avec la mère de Samson. Il est dit que cet enfant sera Nazaréen « depuis sa naissance jusqu’au jour de sa mort » parce que ceux qui faisaient un vœu temporaire, conformément aux prescriptions de l’Écriture données par Moïse[4], étaient dans la Loi, appelés Nazaréens. C’est pourquoi il est ordonné touchant celui-ci, que le fer ne passera point sur sa tête, et qu’il ne boira ni vin ni liqueur fermentée. En effet Samson garda toute sa vie cette observance, que ceux qui portaient le nom de Nazaréens gardaient à certains jours pour acquitter leur vœu.
LIII. (Ib. 13, 16, 15, 1.).Sur l’entretien de Manué avec l’ange. — Cette parole de l’Écriture « Parce que Manué ne connut point que c’était un Ange de Dieu » montre que l’épouse de Manué prit

  1. Luc. 19, 27
  2. Jug. 12, 4-6
  3. Deu. 14, 3-19
  4. Nom. 6, 2-21.