Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome IV.djvu/581

Cette page n’a pas encore été corrigée

vers lui ? Débora, au contraire, parlant à Barac dit : « Le Seigneur, Dieu d’Israël, ne t’a-t-il point donné l’ordre [1] ? » Ici on ne dit pas : Le Seigneur ne t’a-t-il pas envoyé ? mais : « N’est-ce point moi qui t’ai envoyé ? »
XXXIV. (Ib. 6, 15.) Gédéon était-il un des Chiliarques? – Gédéon répond à l’ange : «À moi, Seigneur! » c’est-à-dire : Venez à mon aide : « Avec quoi sauverai-je Israël ? Voilà que mes mille hommes sont les plus faibles dans Manassé. » Faut-il entendre qu’il était à la tête de mille hommes, qu’il était un de ceux que l’Écriture appelle en grec : chiliarques? Est-ce autre chose ?
XXXV. (Ib. 6, 18-20.) Gédéon n’offre pas son sacrifice à l’ange ; mais en sa présence et avec son aide. – Il faut remarquer que Gédéon ne dit point à l’ange : Je vous offrirai un sacrifice, mais : « J’offrirai mon sacrifice ;» et je le « mettrai en votre présence » ce qui l’ait comprendre qu’il a voulu offrir le sacrifice, non pas à l’ange, mais par le ministère de l’ange. C’est ce que l’ange lui-même fait voir clairement, car il n’accepte point pour lui le sacrifice de Gédéon, mais il dit à celui-ci. « Prends les chairs et les azymes, et dépose-les sur cette pierre, et répands le jus. Et lorsque Gédéon eut fait cela, l’ange du Seigneur étendit l’extrémité de la verge qu’il tenait en sa main, et il toucha les chairs et les azymes, et le feu jaillit de la pierre et consuma les chairs et les azymes. » Ainsi, l’ange lui-même dans le sacrifice offert par Gédéon remplit l’office de ministre. En effet, le feu qui eût été allumé sans miracle par l’homme faisant l’office de ministre, et agissant comme homme, fut allumé miraculeusement par l’intervention angélique. À ce moment Gédéon reconnut que ce personnage était l’ange du Seigneur, car l’Écriture ajoute immédiatement : « Et Gédéon vit que c’est l’ange du Seigneur. » Auparavant donc il parlait à l’ange croyant qu’il était un homme, mais un homme Dieu, puisqu’il voulait offrir le sacrifice en sa présence ; afin que la présence d’un saint lui vînt en aide.
XXXVI. (Ib. 6, 20.) Dieu tolérait qu’on lui offrit des sacrifices ailleurs que dans le tabernacle. L’eau et le feu, symboles de l’Esprit-Saint. – On peut se demander comment Gédéon n’a pas craint d’offrir le sacrifice à Dieu hors du lieu que le Seigneur avait désigné. Dieu avait détendu qu’on lui offrît des sacrifices ailleurs que dans son tabernacle[2], remplacé dans la suite par le temple. Or, du temps de Gédéon le tabernacle était à Silo ; c’était donc là seulement que le sacrifice pouvait être offert légitimement. Mais on doit considérer que Gédéon avait d’abord pris l’ange pour un prophète, qu’il avait consulté le Seigneur en sa personne pour offrir le sacrifice, et qu’il ne l’eût point offert si l’ange lui en eût fait la défense. Comme l’ange approuva le sacrifice, et consentit qu’il fût offert, Gédéon suivit l’ordre de Dieu en sacrifiant. Dieu certainement a établi des lois légitimes, mais ces lois, c’est aux hommes qu’il les a imposées, et non à lui. Tout ce qu’il a prescrit en dehors de cet ordre commun, n’a pas rendu prévaricateurs ceux qui l’ont exécuté, mais ils ont été pieux et soumis : ainsi Abraham immolant son fils[3]. Pour convaincre les prêtres des idoles, Élie sacrifia aussi hors du tabernacle[4]. Il le fit, nous devons le comprendre, en vertu d’un ordre du Seigneur qui lui fut communiqué en sa qualité de prophète par révélation, et inspiration. Cependant, la coutume de sacrifier hors du tabernacle était devenue si générale que Salomon lui-même sacrifia sur les hauts lieux, et on ne voit point que son sacrifice ait été réprouvé[5]. Il est vrai que l’Écriture signale les rois qui, ayant fait des œuvres dignes d’éloge, n’ont pas détruit ces hauts lieux où le peuple était dans l’usage de sacrifier contrairement à la Loi de Dieu, et qu’elle donne de plus grandes louanges à celui qui les a détruits. Dieu tolérait donc, plutôt qu’il ne défendait, cette coutume de son peuple de sacrifier hors du tabernacle, non pas aux dieux étrangers, mais à lui le Seigneur leur Dieu, et même il exauçait ceux qui offraient ces sacrifices. Quant à ce que fit Gédéon, qui ne reconnaît un dessein prophétique dans l’action de l’Ange : la glorification prophétique de la pierre du sacrifice ? Ce ne fut point à la pierre, sans doute, que le sacrifice l’ut offert, mais le feu qui consuma le sacrifice sortit de la pierre. Le don du Saint-Esprit, répandu sur nous très abondamment par Jésus-Christ Notre-Seigneur, est figuré et par l’eau qui jaillit dans le désert de la pierre frappée de la verge[6], et par le feu. Dans l’Évangile en effet, le don du Saint-Esprit est signifié par l’eau quand le Seigneur dit lui-même : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne et qu’il boive. Celui qui croit en moi, comme dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive sortiront « de ses entrailles ; » et l’Évangéliste ajoute : « Or il disait cela de l’Esprit que recevraient ceux qui croiraient en lui [7]. »

  1. Jug. 4, 6
  2. Deu. 12, 13
  3. Gen. 22, 2
  4. 1Ro. 18, 30-38
  5. Id. 3, 4-15
  6. Nom. 20, 2
  7. Jn. 7, 37-39