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la mort de Josué. Mais en rapportant que ces villes furent données à Caleb, l’historien devançant l’avenir expose par occasion ce qui arriva ensuite. Cependant je pense que l’Écriture a en quelque raison de rapporter à deux reprises que la fille de Caleb fut donnée en récompense au vainqueur.
IV. (Ib. 1,14-15.) Récits concordants dit livre de Josué et du livre des Juges. – À propos de la fille de Caleb on soulève une autre question. Au livre de Josué, il est ainsi parlé d’elle : « Et comme elle se mettait en chemin, elle tint conseil avec lui, (son mari Othoniel) disant : « Je demanderai un champ à mon père. Et de dessus son âne, elle éleva la voix » elle reste ; elle demande à son père un champ, et l’obtient [1]. Ici, au livre des Juges, il est dit : « Et comme il (son mari) se mettait en chemin, Othoniel l’avertit de demander un champ à son père. » Là il est dit : « Comme elle se mettait en chemin ; » Ici : « comme il se mettait en chemin ; » mais il n’y a pas contradiction : l’un et l’autre s’étaient mis en route en même temps. Là, au livre de Josué, il est dit : « elle tint conseil avec lui » c’est-à-dire, avec son mari, « disant : Je demanderai un champ à mon père ; et de dessus son âne elle éleva la voix et demanda. » Dans le conseil qu’elle tint elle reçut l’avis de demander. Là il est fait mention du conseil tenu ; ici de l’avis qui fut donné. C’est comme si.l'ondisait : Elle tint conseil avec lui, disant : je demanderai un champ à mon père, et lui l’ayant conseillée, elle cria de dessus son âne. Mais dans Josué il est dit qu’elle demanda un champ, et le nom de ce champ est même désigné ; et ici on voit qu’avertie par son époux de demander un champ, elle demanda non pas un champ, mais « le rachat de l’eau » parce que le lieu où elle était mariée était au midi. Il est dit dans Josué qu’elle éleva la voix de dessus l’âne qu’elle montait ; ici on dit : « élevant la voix de dessus l’animal accoutumé au joug. » L’Écriture ajoute : « Et Caleb lui donna suivant « ses désirs le rachat des lieux élevés, et le rachat des lieux bas. » Tout ceci est obscur. Peut-être demanda-t-elle un champ dont le revenu devait servir à acheter des eaux qui manquaient dans la contrée où elle se trouvait établie par son mariage. « Et Caleb lui donna le rachat des lieux élevés, et le rachat des lieux bas. » Je ne vois pas ce qui est sous-entendu ici, sinon ce mot : Les cours d’eau, c’est-à-dire les cours d’eau sur les lieux élevés, dans les montagnes, les cours d’eau dans les lieux bas, dans les planés où les vallées.
V. (Ib. 1, 18-19.) Dieu éprouve les siens pour les préserver de l’orgueil. – « Et Juda ne posséda point Gaza et sa frontière, ni Ascalon et sa frontière, ni Azothet les pays environnants. Et le Seigneur était avec Juda, et il occupa la montagne, n’ayant pu se rendre maître des habitants de la vallée, parce que Réchab s’opposa à eux, et qu’il avait des chariots de fer. » Expliquant dans le livre de Josué le passage où il est dit : « Et le Seigneur donna à Israël toute « la terre » bien que les Israélites n’en possédassent point encore une grande étendue ; toute la terre, ai-je dit, a été donnée en ce sens que ce qui n’était point occupé servait à exercer le peuple de Dieu [2]. C’est ce qui apparaît ici avec une plus grande évidence. On énumère les villes que Juda ne posséda point, et on dit : « Et le Seigneur était avec Juda, et il occupa la montagne, n’ayant pu se rendre maître des habitants de la vallée. » Qui ne comprend que cela même est la conséquence de ce que le Seigneur était avec Juda ? Car, si celui-ci s’était emparé de tout le pays sans coup férir, ne pouvait-on pas craindre qu’il ne s’enflât d’orgueil ? L’Écriture ajoute : « parce que Réchab s’opposa à eux, et qu’il avait des chariots de fer ; » non que ces chariots aient inspiré de l’épouvante au Seigneur lui-même qui était avec Juda ; mais ce fut Juda que la crainte saisit. Pourquoi eut-il peur, Dieu étant avec lui ? Voici la réponse que suggère à cette question une réflexion prudente Dieu dans sa miséricorde pour les siens réprime dans leurs cœurs l’enflure qui naît de l’excès de la prospérité : il leur fait tirer profit de leurs ennemis, non-seulement quand ils en triomphent, mais encore quand ils les redoutent : sa bonté est rendue sensible dans un cas, et dans l’autre l’orgueil est réprimé. L’ange de Satan est assurément l’ennemi des Saints, et l’Apôtre néanmoins assure que cet ange lui a été donné pour le souffleter, de peur qu’il ne s’enorgueillisse de la grandeur de ses révélations[3].
VI. (Ib 1, 20.) Récapitulation. – « Et on donna à Caleb Chébron, comme Moïse l’avait déterminé, et il obtint de là trois villes des enfants d’Énac, et il extermina trois fils d’Enac. » Ceci a été déjà rapporté au livre de Josué[4] comme

  1. Jos. 15, 18-19.
  2. Ci-dessus, Jos. Quest. XXI
  3. 2Co. 12, 7
  4. Jos. 15, 13-14