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l’accomplissions ? Ce commandement est tout près de vous, dans votre bouche, dans votre cœur et dans vos mains pour que vous l’accomplissiez. » L’Apôtre dit que « c’est la parole de la foi[1] : » elle appartient en propre au nouveau Testament. Maison peut demander pourquoi Moïse dit, dans un chapitre précédent[2], que ce sont les commandements consignés dans le livre de la Loi : n’est-ce point parce que toutes ces prescriptions, à le bien entendre, symbolisaient les magnificences spirituelles du nouveau Testament ? On peut demander aussi pour quel motif, l’Apôtre, à ce texte : « Le commandement n’est pas au-delà de la mer, de sorte que vous disiez : Qui passera au-delà de lamer, et nous l’apportera ? » substitue celui-ci : « Ou qui descendra dans l’abîme[3] ? » et se commente lui-même en ces termes : « c’est-à-dire, pour ramener Jésus-Christ d’entre les morts ? » Suivant l’Apôtre, toute la vie en ce monde est comme une mer, au-delà de laquelle la mort nous fait passer ; cette mer a des bornes, et quand on l’a traversée, ce n’est plus la vie, c’est la mort. Ensuite l’Apôtre se contente de citer ces paroles : « dans ta bouche, et dans ton cœur[4] » au lieu d’ajouter avec le Deutéronome « et dans tes mains. » Plus loin encore, il continue de s’en tenir aux mêmes expressions : « Car, dit-il, il faut croire de cœur pour être justifié, et confesser de bouche pour obtenir le salut[5]. » La version faite sur l’hébreu ne porte pas non plus, que nous sachions : « et dans tes mains. » Toutefois, j’estime que cette addition des Septante n’est pas dénuée de raison ; ils ont voulu nous faire entendre par là, que les œuvres, dont les mains sont le symbole, doivent être inspirées par le cœur, où règne « la foi qui agit par la charité[6]. » En effet, si les commandements de Dieu s’accomplissent au-dehors, sans que le cœur prenne part à l’œuvre des mains, nul n’est assez insensé pour prétendre que c’est là accomplir les commandements. Mais, si « la charité » qui est « la plénitude de la Loi[7] » habite dans le cœur, quand même on serait dans l’impossibilité de se livrer au travail des mains, on n’a pas moins la paix qui est le partage des hommes de bonne volonté[8].
LV. (Ib. 32, 5.) Pécher devant Dieu ou pécher contre Dieu sont deux choses différentes.
— « Ses enfants, devenus méprisables, ont péché, mais non devant lui. » Quelques interprètes ont rendu le texte grec : teknamometa comme ici enfants méprisables ; d’autres ont traduit : enfants couverts de souillures ; d’autres encore enfants corrompus. Il n’y a donc pas à ce propos de question grave, ou plutôt il, n’y a pas même matière à discussion. Mais si Moïse en disant « Ils ont péché non devant Dieu » prend le mot péché en son sens général, de telle sorte que celui qui le commet, se fait tort à lui-même, et non à Dieu ; une question intéressante se présente, il s’agit de savoir quelle interprétation il faut donner à ces textes du Psalmiste : « J’ai péché devant vous seul[9] » de Jérémie : « Nous avons péché devant vous, ô Seigneur, unique attente d’Israël[10] ; » et encore du livre, des Psaumes « Guérissez mon âme, car j’ai péché devant vous[11]. » Pécher devant Dieu signifie-t-il la même chose que pécher contre Dieu ? Car le grand-prêtre Héli s’est servi de ces expressions : « Si quelqu’un vient à pécher contre Dieu, qui priera pour lui[12] ? » Je dirai donc en passant la solution qui se présente maintenant à mon esprit. D’autres, plus éclairés, trouveront peut-être une explication meilleure ; peut-être, avec l’aide de Dieu, la trouverons-nous nous-mêmes à un autre moment. Pécher contre Dieu, c’est pécher dans ce qui tient au culte de Dieu. Car le texte précité ne signifie rien autre chose : tel était réellement le péché des enfants d’Héli, à qui s’adressaient les paroles précédentes. Il faut en dire autant des péchés commis contre les hommes choisis de Dieu : voici en effet les paroles que Dieu, suivant l’Écriture, dit à Abimélech au sujet de Sara : « C’est pourquoi je t’ai préservé de pécher contre moi.[13] » Mais pécher devant le Seigneur, ou plutôt avoir péché devant le Seigneur, à moins qu’on ne trouve dans l’Écriture quelque passage opposé à ce sens, s’applique très bien, ce me semble, à ceux qui font maintenant pénitence de leur péché, pour glorifier Dieu en obtenant son pardon. David, voulant en effet justifier ce qu’il a dit : « J’ai péché devant vous, et j’ai fait le mal en votre présence[14] » ajoute : « afin que vous soyez reconnu juste dans vos paroles et irrépréhensible dans le jugement qu’on portera sur vous. » Il s’agit ici ou de Dieu, quand il dit : « Jugez entre moi et ma vigne[15] » ou de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui seul a pu dire

  1. Rom. 10, 8
  2. Rom. 10, 7
  3. Rom. 10, 7
  4. Id. 8
  5. Id. 10
  6. Gal. 5, 6
  7. Rom. 13, 10
  8. Luc. 11
  9. Psa. 50, 6
  10. Jer. 14, 7-8
  11. Psa. 40, 5
  12. 1Sa. 2, 25
  13. Gen. 20, 6
  14. Psa. 50, 6
  15. Isa. 5, 3