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condition imposée par la loi de rendre, le même jour, au débiteur pauvre le gage qu’il a donné, pour qu’il puisse dormir avec cet objet qui lui est absolument nécessaire, donne lieu naturellement à l’objection suivante : Pourquoi n’est-il pas défendu au créancier d’emporter un gage, qu’il devra rendre le même jour ? Si le but de la Loi est de presser le débiteur négligent, comment se hâtera-t-il de donner un gage, qui doit, il le sait, rentrer le même jour en sa possession ? Mais, peut-être, le but du Législateur est-il de rappeler au débiteur la dette qu’il a contractée, et de l’exempter de payer dans le cas où il n’a vraiment rien : alors en effet, le débiteur sera surtout porté à payer, quand il verra que son créancier a usé envers lui de générosité, et mérite sa reconnaissance en lui rendant le gage dont il a besoin pour dormir ; et de son côté le créancier, n’ayant rien reçu de son débiteur, sera tenu de croire à l’insolvabilité d’un homme tellement misérable, que son gage doit lui être rendu pour qu’il puisse dormir.
XLII. (Ib. 24, 16.) Sur l’imputation des fautes.
– « Les pères ne mourront point pour les enfants, ni les enfants pour les pères : chacun mourra pour son péché. » Ainsi, ce n’est pas seulement dans les Prophètes[1], mats encore dans la Loi, qu’il est écrit que chacun mourra pour sa faute, et non pour celle de son père ou de son fils. Mais comment cela se concilie-t-il avec cet autre passage : « Je suis le Dieu qui punis les péchés des pères sur les enfants jusqu’à la troisième et la quatrième génération[2]? » Est-il question ici des enfants qui n’ont pas encore reçu le jour, et du péché originel qui a passé d’Adam au genre humain ; tandis que ces paroles ; « chacun mourra pour son péché » s’appliqueraient à ceux qui sont déjà nés ? En effet celui qui vivait déjà, quand son père s’est rendu coupable, ne participe pas à sa faute. Et même comme le Seigneur ajoute : « à l’égard de ceux qui me haïssent[3] » il est évident que sa menace peut ne pas être mise à exécution si les enfants ne sont pas les imitateurs de la conduite de leurs pères. En ce qui concerne le péché d’Adam, nous en sommes les héritiers dans le temps, puisqu’il est la cause de la mort de tous les hommes ; mais il n’entraîne pas la mort éternelle de ceux qui ont reçu la génération spirituelle par la grâce et qui l’ont conservée jusqu’à la fin. Si les péchés des parents sont punis sur les enfants de ceux qui haïssent Dieu, pourquoi, peut-on demander, est-ce jusqu’à la troisième et la quatrième génération ? Et comment n’est-il rien dit ni de la première ni de la seconde, ni des autres, dans le cas où les enfants continueraient à imiter l’impiété et l’inconduite de leurs pères ? Par ce nombre, qui forme le septénaire, le texte sacré n’a-t-il pas voulu dire toutes les générations en général ? Et s’il n’a pas employé le nombre sept en ce sens, et dit « jusqu’à la septième génération » n’est-ce point parce que l’autre manière de s’exprimer rend plus sensible la perfection de ce nombre ? La perfection du nombre sept vient, en effet, de la réunion de deux nombres : du nombre trois qui est le premier impair complet, et du nombre quatre qui est le premier nombre pair complet. Aussi quand on lit à plusieurs reprises dans les Prophètes : « Après les crimes commis trois et quatre fois, je ne changerai pas mon, arrêt[4] », on doit comprendre par là toutes les iniquités réunies, plutôt que trois ou quatre péchés.
XLIII. (Ib. 24, 17.) De la véritable veuve.
– « Vous ne refuserez pas de rendre la justice à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve. Vous ne prendrez point engage le vêtement de la veuve. » Pourquoi Moïse ne dit-il pas : Vous ne prendrez pas en gage leur vêtement ? Pourquoi, après avoir voulu qu’on rendit justice à ces trois sortes de personnes, ne défend-il de prendre que le vêtement de la veuve, sans parler de celui des autres, si ce n’est parce que toutes les personnes désignées ont droit, au même titre, à ce que justice leur soit rendue ? Toutes manquent de défenseurs : l’étranger, parce qu’il habite un autre pays ; l’orphelin, le pupille, parce qu’il est privé de ses parents ; la veuve, parce qu’elle n’a plus de mari. Mais quand il défend d’ôter à la veuve son vêtement, je pense que c’est une manière très convenable de faire entendre que les veuves vraiment dignes de ce nom sont celles qui ont en même temps la pauvreté en partage. L’Apôtre le démontre avec évidence dans ces paroles : « Si quelque veuve a des fils ou des petits-fils, qu’elle apprenne avant toutes choses à inspirer la piété à sa famille, et à reconnaître ce que ses parents ont fait pour elle : car c’est une chose agréable au Seigneur. Quant à celle qui est vraiment veuve et délaissée, elle espère dans le Seigneur et persévère nuit et jour dans

  1. Eze. 18, 17
  2. Exo. 20, 5
  3. Deu. 24, 16
  4. Amo. 1, 3