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clairement la pensée que nous retrouvons ailleurs obscurcie par une locution. « Le Seigneur votre Dieu, y est-il dit, vous tente, afin de connaître si vous l’aimez[1]. » On comprend que, afin de connaître, a été mis pour, afin de faire connaître : ce qui vient d’être exprimé, en termes positifs : « pour te tenter, afin de faire connaître ce qui était dans ton cœur. » Le texte ne porte pas : afin de connaître ; mais il aurait porté ces mots, qu’on aurait dû les interpréter comme nous venons de le voir.
XIV. (Ib. 9, 6-8.) Il y avait des pécheurs parmi ceux qui entrèrent dans la terre promise, comme il y avait des justes parmi ceux qui n’y entrèrent pas. – « Et sache aujourd’hui que ce n’est pas à cause de ta justice, que le Seigneur ton Dieu te donne en héritage cette terre excellente, parce que tu es un peuple dont la tête est dure. » Les hommes dont il est ici question sont évidemment ceux qui n’ont pas mérité de périr dans le désert, parce qu’ils ne connaissaient pas la droite ou la gauche : cependant les voilà déjà appelés têtes dures. Il nous faut donc voir un dessein mystérieux de Dieu, dans le silence qu’il garde sur leur mérite, et de peur qu’on n’imagine qu’après avoir été loués à bon droit, ces mêmes hommes sont devenus tout-à-coup méprisables, voici les observations qui leur sont ensuite adressées : « Souviens-toi, et ne l’oublie jamais, combien tu as irrité le Seigneur ton Dieu dans le désert ; depuis le jour où vous êtes sortis du pays d’Égypte, jusqu’à ce que vous soyez venus dans le lieu où nous sommes, vous n’avez cessé de persévérer dans votre incrédulité envers le Seigneur[2]. » Si plusieurs d’entre eux furent dans des dispositions semblables, plusieurs aussi demeurèrent bons et fidèles ; il ne faut pas croire non plus que ceux-là mêmes qui entrèrent dans la terre promise, parce qu’ils ne connaissaient point la droite ou la gauche, fussent pour cela tout à fait irréprochables envers Dieu ; car leurs pères, qui sont morts, et à qui il ne fut pas permis d’entrer dans cette terre, comptaient cependant parmi eux des hommes justes. L’Apôtre, rappelant les péchés dans lesquels ils tombèrent, dit qu’ils ne furent pas tous coupables, mais plusieurs[3]. Que les fils aient été semblables à leurs pères, c’est ce que prouve avec évidence cet autre texte du Deutéronome, qui suit immédiatement : « Vous avez encore irrité le Seigneur à Horeb[4]. » Là assurément le Seigneur fut irrité par ceux que leur inconduite rendit indignes d’être introduits dans la terre promise.
XV. (Ib. 10, 1-4.)
1. Est-ce Dieu ou Moïse qui écrivit sur les secondes tables le texte de la Loi ? – « En ce temps-là le Seigneur me dit : « Taille-toi deux tables de pierre comme les premières, et monte vers moi sur la montagne ; et tu te feras une arche de bois : j’écrirai sur ces tables les paroles qui étaient sur les premières que tu as brisées ; et tu les mettras dans l’arche. Et je fis une arche de bois incorruptible, et je taillai deux tables de pierre semblables aux premières, et je montai sur la montagne, les deux tables dans mes deux mains. Et le Seigneur écrivit sur ces tables, comme il avait fait sur les premières, les dix commandements qu’il vous fit entendre, sur la montagne, du milieu du feu, et il me les donna. » On demande, et ce n’est pas sans raison, pourquoi Moïse, revenant sur des faits positifs, tient un pareil langage dans le Deutéronome, tandis que dans l’Exode, où il a consigné d’abord les discours et les évènements, il a écrit : « Le Seigneur dit ensuite à Moïse : Ecris ces paroles, car c’est dans ces ordonnances que j’ai fait alliance avec toi et avec Israël. Et Moïse demeura là en présente du Seigneur, quarante jours et quarante nuits, sans manger de pain et sans boire d’eau, et il écrivitsur les tables les paroles de l’Alliance, les dix commandements[5]. » Pourquoi donc Moïse dit-il, dans l’Exode, qu’il écrivit lui-même les dix commandements de la Loi sur les tables, et pourquoi, dans le Deutéronome, rapporte-t-il que c’est Dieu qui les a écrites
2. Suite. – Déjà nous avons examiné incidemment ce que dit l’Exode à ce sujet et nous avons consigné notre sentiment par écrit[6]. On lit, en effet, dans l’Exode, que Dieu lui-même écrivit de son doigt sur les premières tables, qui furent brisées, et que les secondes tables, destinées à demeurer si longtemps dans l’arche et dans le tabernacle, furent gravées par Moïse. Nous demandions d’où venait cette différence ; et nous y avons vu une figure des deux Testaments. Dans l’Ancien, avons-nous dit, la Loi nous apparaît comme l’œuvre de Dieu, où l’homme n’a point de part, car la crainte ne peut mener à l’accomplissement de la Loi, et quand l’œuvre de la Loi se trouve véritablement réalisée, ce n’est pas la crainte, mais la charité, fruit du nouveau Testament, qui agit. Mais les secondes tables, où la

  1. Deu. 13, 3
  2. Id. 17
  3. 1Co. 10, 5-10
  4. Deu. 9, 8
  5. Exo. 34, 27-29
  6. Exod. Quest. CLXVI.