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passage : « Il a en effet commis un délit devant le Seigneur », ces mots « devant le Seigneur » nous donneraient-ils donc à entendre qu’il est question ici d’une faute commise devant le Seigneur, ou, en d’autres termes, dans le service du tabernacle ? Un peu auparavant, l’Écriture avait déjà touché ce sujet, quand elle dit : « Il a péché contre les choses saintes », paroles que la restitution ordonnée nous a fait interpréter dans le sens suivant : « Il s’est approprié une partie des choses saintes. » Or, comme non seulement on peut pécher sur ce point, en prenant par oubli, une chose destinée aux sacrifices ; mais comme il est encore possible, de commettre, par ignorance, beaucoup d’autres fautes dans ce culte rendu au Seigneur : c’est ce genre de délit que l’Écriture a voulu désigner en dernier lieu sous une formule générale ; aussi, dans ces deux cas, l’offrande d’un bélier est-elle prescrite par la Loi. L’Écriture est remplie de passages où nous lisons ces mots : « devant le Seigneur » ; ils demeurent inintelligibles, à moins qu’on n’entende par là ce qu’on offre à Dieu comme un sacrifice, les prémices ou tout autre oblation qui se rapporte au service divin.
VIII. (Ib. 5, 7.) L’exception en faveur des pauvres doit-elle s’étendre à tous les cas ? – On demande encore s’il faut donner un sens absolu à ce passage : Si le coupable n’a pas le moyen de fournir une brebis, il devra offrir deux tourterelles ou deux petits de colombes ; et à leur défaut, une certaine quantité de fleur de farine. Si l’on prétend que cette exception s’étend à tous les cas, comme on ne peut pas dire que le prêtre, ni toute la synagogue, ne peuvent offrir un veau, ni le prince un chevreau ou une brebis, à quoi bon dès lors prescrire que le silence gardé sur le parjure d’autrui, la souillure contractée au contact d’un objet impur, et le parjure commis par ignorance, soient expiés par le sacrifice d’une jeune brebis ou d’une chèvre, puisque les mêmes sacrifices avaient été ordonnés pour une classe générale de péché, dans laquelle ceux-ci pouvaient rentrer ? Mais si ces derniers se distinguent des autres, parce qu’il était permis d’offrir pour leur expiation des tourterelles et des petits de colombes, ou même, à leur défaut, de la fleur de farine, tandis que cela n’était pas permis dans les cas où il n’en est pas fait mention, il semble que la loi n’a pas eu d’égard pour le pauvre ; car si tels étaient les seuls cas où il fût permis d’offrir une chèvre, une jeune brebis, de petits oiseaux et de la fleur de farine, il pouvait se produire un grand nombre de délits, qui n’étant point formellement désignés, devaient rentrer dans la catégorie générale, et par là même être à charge aux indigents. Peut-être dira-t-on que la seule différence entre les péchés qui sont exceptés et désignés par leurs propres noms, et ceux qui rentrent dans la loi générale, vient de ce qu’ici il est question d’un agneau, et là d’une brebis, de sorte que l’âge des victimes constituait une certaine différence : mais que dans l’un et l’autre cas on tenait également compte du besoin du pauvre, lequel, s’il ne possédait pas d’animaux à quatre pieds, pouvait offrir pour ses péchés d’ignorance, les oiseaux indiqués tout à l’heure ou de la fleur de farine. Peut-être aussi s’inquiètera-t-on de savoir pourquoi le Seigneur, après avoir établi une loi générale pour tous les péchés d’ignorance, et réglé les divers sacrifices expiatoires, en se fondant, non sur la qualité des péchés, mais sur la qualité des personnes ; veut ensuite établir une distinction entre les péchés, et prescrire divers sacrifices en rapport avec cette distinction, comme si tous ne rentraient pas dans la loi générale ; il faut entendre cette exception faite en dernier lieu, en ce sens que tous les péchés qu’elle ne mentionne pas formellement et expressément, demeurent compris dans la généralité de la loi. Nous n’avons pas à chercher ailleurs l’exemple d’une pareille manière de parler ; mais l’Écriture nous l’offre dans ce passage de l’Apôtre : « Tout péché que l’homme commet, est dit-il, en dehors du corps [1]. » Il semble qu’il n’excepte absolument aucun péché ; puis qu’il dit : « Tout péché que l’homme commet ; » et cependant il fait ensuite une exception pour la fornication, quand il dit : « Mais celui qui commet la « fornication pèche contre son propre corps[2]. » Dans notre langage ordinaire, nous exprimerions la même pensée de la manière suivante Tout péché que l’homme commet, excepté la fornication, est en dehors du corps ; mais celui qui.commetla fornication, pèche contre son propre corps. De même, dans ce chapitre, après avoir dit en général par quels sacrifices doivent être expiés tous les péchés d’ignorance, le Seigneur établit une exception pour ceux qu’il désigne en termes exprès et formels, et prescrit l’espèce particulière des sacrifices qui se rapporte à leur expiation : à l’exception de ces péchés, tous les autres rentrent donc dans la loi générale.

  1. 1Co. 6, 18
  2. Id.