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selon l’esprit, qui n’est autre que le Juif intérieur et circoncis de cœur ? Le meilleur serait donc probablement de partager la phrase en deux membres.« C’est un testament éternel en moi » serait le premier membre ; viendrait ensuite celui-ci : « Et pour les enfants d’Israël, c’est un signe éternel » c’est-à-dire le signe d’une chose éternelle, de même qu’il est dit : « que la pierre était le Christ » c’est-à-dire qu’elle représentait Jésus-christ[1]. Ainsi il ne faut pas lier les mots de la manière suivante : « C’est un testament éternel en moi et dans les enfants d’Israël » comme si en réalité les enfants d’Israël entraient pour quelque chose avec Dieu dans ce testament ; mais voici comment il faut lire : « C’est un testament éternel en moi » parce qu’en lui nous a été promis l’éternel repos ; « et pour les enfants d’Israël, c’est un signe éternel » parce qu’ils ont reçu l’ordre d’observer ce signe symbolique du repos éternel, qui est la récompense des vrais Israélites, c’est-à-dire, des enfants de la promesse admis au bonheur de voir Dieu face à face tel qu’il est.
CXL. (Ib. 31, 18.) Sur les deux tables de la Loi.
– « Et il donna à Moïse, aussitôt qu’il eut cessé de lui parler sur le mont Sinaï, les deux tables du témoignage, qui étaient de pierre et écrites du doigt de Dieu. » Après avoir révélé tant de choses à Moïse, Dieu ne lui donne cependant que deux tables de pierre, appelées tables du témoignage, et destinées à demeurer dans l’arche. C’est que, à le bien prendre, et si l’on y regarde attentivement, on se convaincra que toutes les autres prescriptions de Dieu découlent des dix commandements gravés sur les deux tables, comme ces dix commandements, à leur tour, se résument dans ces ceux-ci, l’amour de Dieu et du prochain, où sont renfermés la Loi et les Prophètes[2].


CXLI. (Ib. 32, 2.) Sur le Veau d’or.
— Quand Aaron exige que « les femmes et les filles se dépouillent de leurs pendants d’oreilles » pour qu’il leur en lasse des dieux, on peut raisonnablement penser qu’il leur impose ce pénible sacrifice, afin de les détourner de leur projet. Cette grande privation qu’elles se sont imposée pour avoir tout l’or nécessaire à la fabrication d’une idole, j’ai cru devoir la remarquer à l’adresse de ceux qui s’attristent quand Dieu ordonne de faire ou de supporter patiemment, quelque chose de semblable pour obtenir la vie éternelle.
CXLII. (Ib. 32, 8.) Pensée interprétée.
– Le Seigneur, faisant connaître à Moïse la conduite de son peuple à propos du veau, c’est-à-dire, de l’idole qu’il a faite de son or, lui dit qu’ils se sont écriés : « Israël, ce sont là tes dieux qui t’ont tiré de l’Égypte. » On ne lit pas qu’ils aient tenu ce langage, mais Dieu fait connaître la pensée qui les animait. Le sentiment qu’expriment ces paroles était dans leur cœur, et Dieu ne pouvait l’ignorer.
CXLIII. (Ib. 32, 14.) Quand Dieu fait du mal, il n’est pas méchant, il est juste.
– « Et le Seigneur s’apaisa, pour ne point faire à son peuple le mal dont il avait parlé. » C’est un châtiment qu’il veut dire, comme dans ce passage : « Leur sortie de ce monde a été considérée comme un mal[3]. » Il est dit dans le même sens que « le bien et le mal viennent de Dieu[4] » il n’est pas question ici de la malice propre à l’homme méchant. Dieu n’a point de malice ; mais il envoie des maux aux méchants, parce qu’il est juste.
CXLIV. (Ib. 32, 16.) Moïse brise les deux tables de la Loi.
– Nous voyons Moïse, dans sa colère, jeter et briser les tables du témoignage écrites du doigt de Dieu : profond mystère qui symbolise le second Testament, l’ancien devant un jour disparaître pour faire place au nouveau. Il est bon de le remarquer : si Moïse fut si sévère dans son indignation et sa vengeance, que ne fit.ilauprès du Seigneur pour obtenir grâce en faveur de son peuple ? Ailleurs, dans notre ouvrage contré Fauste, le manichéen[5], nous avons exposé comment, selon nous, il fallait interpréter sa conduite, quand il brise et met dans le feu le veau coulé en fonte, puis en jette la poussière dans l’eau et la fait boire au peuple.
CXLV. (Ib. 32, 24.) Excuse d’Aaron.
— « Ils m’ont donné leur or, je l’ai jeté dans le feu, et ce veau en est sorti. » Aaron s’explique sommairement ; il ne dit pas qu’il a lui-même jeté en fonte les pendants-d’oreilles, afin d’en former un veau. A-t-il menti sous l’inspiration de la crainte et dans l’intention de s’excuser, en donnant à entendre qu’il avait jeté au feu cet or périssable et qu’un veau en était sorti à son insu ? Il n’est pas croyable que son langage ait été dicté par une pensée semblable ; car Moïse, avec qui Dieu daignait converser, ne pouvait ignorer sa pensée intime, et en réalité il ne lui a point reproché de mensonge.

  1. 1 Cor. 10, 4
  2. Mt. 22, 37-40
  3. Sag. 3, 2
  4. Sir. 11, 14
  5. Cont, Faust.liv. 22, ch. 93.